ELLE. Pourquoi avoir choisi d’être la marraine de La Maison des femmes ?
Inna Modja. Ghada Hatem-Gantzer, la gynécologue de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis à l’origine de ce projet, a dû mener un combat titanesque. Depuis trois ans, elle a frappé à toutes les portes. Tout le monde lui disait : « C’est formidable, mais on n’a pas d’argent » ! Elle a tenu tête et elle y est arrivée, grâce à l’hôpital, aux collectivités locales, à des fondations (dont la Fondation ELLE). C’est une femme extraordinaire, qui fait bouger les choses. La Maison a ouvert en juillet. Il faut maintenant que l’équipe puisse accueillir dans la durée ces femmes victimes de viols, de violence, de mariage forcé, d’ excision… En apportant ma petite pierre à l’édifice, j’espère que nous arriverons à leur redonner confiance.

ELLE. Que signifie cet engagement pour vous ?
Inna Modja. J’ai été excisée à l’âge de 4 ans et demi à l’insu de mes parents. J’étais en vacances au Mali. Ma mère a dû s’absenter et, pendant que j’étais chez ma grand-mère, la sœur de celle-ci m’a emmenée... Ma mère est une ancienne sage-femme, mon père est l’un des plus grands féministes que je connaisse. Pour eux, cela a été très douloureux. Il y a dix ans, j’ai découvert qu’un médecin formidable, Pierre Foldes, réparait les femmes. On en parlait peu. J’ai décidé de me faire réparer pour reprendre le contrôle sur mon corps et sur mon destin. Car l’excision a aussi un impact mental : on t’assigne à une place que tu n’as pas choisie. Et puis, comment devenir une femme quand on t’a pris un des symboles de la féminité ? Sans cette opération, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui.

ELLE. Quel sera votre rôle à La Maison des femmes ?
Inna Modja. Je vais participer à des groupes de parole, car la parole est le premier pas vers la guérison. Le plus difficile lorsqu’on est victime d’une telle violence, c’est la honte qui enferme dans le silence. J’espère qu’en partageant avec elles mon parcours, je pourrai leur donner de l’espoir et de la confiance en elles. Et je réaffirmerai, encore et encore, que personne n’a le droit d’abuser du corps des femmes. De faire mal à quelqu’un. J’utilise volontairement des mots simples, car les victimes sont tellement « travaillées » psychologiquement qu’elles ne savent plus ce qui est juste. Quelque chose est cassé. Il faut les aider à se reconstruire.

« Ensemble pour La Maison des femmes », le 26 septembre à 20 h 30, au Théâtre Déjazet, Paris-3e.

Un combat nécessaire

Par Natacha Polony, journaliste et soutien de La Maison des femmes
« Je me suis toujours battue contre le féminisme victimaire. Mais il s’agit là de femmes victimes de grandes violences, qui ne savent vers qui se tourner. En franchissant le seuil de La Maison des femmes, elles font une démarche volontaire. On ne peut pas tenir des discours abstraits sur la laïcité et sur la liberté des femmes sans s’intéresser à leur vie et sans leur tendre la main. Cette maison représente une dimension cruciale du combat pour les droits des femmes aujourd’hui. »

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 16 septembre 2016. Abonnez-vous ici.