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Votre morale change en fonction de la langue que vous utilisez

Selon plusieurs études, nous ne réagissons pas de la même manière à des problèmes moraux lorsqu'ils nous sont exposés dans notre langue maternelle ou dans une langue étrangère.

Par Enrique Moreira

Publié le 18 sept. 2016 à 14:02

Seriez-vous prêt à sacrifier une personne pour en sauver cinq ? Would you be willing to sacrifice a person to save five ? ¿ Usted estaría dispuesto a sacrificar a una persona para salvar a cinco ? Telle est la question. Trois fois la même, dans trois langues différentes. Et pour cause, plusieurs études menées par des psychologues, et relevées par le site Scientific American, ont montré que si l’on vous pose cette question dans votre langue maternelle ou dans une langue étrangère, apprise à l’école par exemple, votre réponse ne sera pas nécessairement la même.

Les chercheurs ont mené ces expériences sur les principaux grands thèmes moraux qui sous-tendent nos sociétés comme le meurtre, l’inceste ou encore le cannibalisme. Au cours de leurs recherches, ils ont constaté que cela ne dépend pas tant de la langue (l'anglais, le français, le portugais...) que de la manière dont nous abordons les problèmes moraux selon s'ils sont présentés dans une langue acquise ou maternelle.

Le dilemme du train

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Lors d’une de ces enquêtes, les psychologues ont soumis à leurs patients le dilemme du train. Il s’agit d’un problème moral qui se présente comme ceci : vous êtes à proximité d’un rail sur lequel roule un train. Sur ce rail, quelques mètres plus loin, cinq personnes sont attachées. Vous vous trouvez juste à côté de la manette permettant de dévier le train sur un autre rail. Sur ce dernier, une personne est attachée. Est-ce que vous actionnez la manette ?

Le dilemme moral vient du choix qui est laissé à la personne : soit ne rien faire et laisser plusieurs personnes mourir, soit intervenir et être ainsi la cause de la mort d’une personne. Les études ont montré que seulement 20 % des sujets interrogés dans leur langue maternelle sont prêts à sacrifier une personne pour en sauver cinq autres, tandis que cette part monte à 50 % chez ceux interrogés dans une langue étrangère. L’expérience a également été menée auprès de deux groupes totalement hispanophones et anglophones. Dans l’un des groupes, l’anglais était la langue étrangère et l’inverse pour l’autre. La similarité des résultats permet ainsi de prouver que la différence est liée au fait d’énoncer le problème dans une langue étrangère en général et pas dans une langue précise.

Le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes

Le sentiment moral contre le jugement moral

Une autre expérience a permis à des spécialistes de montrer que les sujets jugeaient plus ou moins moral un acte selon comment il était exprimé. Par exemple, dans le cas d’une relation sexuelle consentie entre un frère une sœur, tous les deux majeurs. Présenté dans la langue maternelle des participants, l’acte était jugé plus immoral que s’il était exprimé dans une langue étrangère. Pareil pour un homme faisant cuire et mangeant son chien après que celui-ci a été renversé par une voiture.

Les psychologues proposent plusieurs explications à ces différences de réactions. Ils estiment notamment que dans notre langue maternelle, la morale fait beaucoup plus appel aux sentiments, à ce qui touche au viscéral, ce qu'ils appellent le « gut-level feeling ». Tandis que dans le cas d’une langue acquise, notre moralité a bien plus recours à notre jugement. A notre évaluation logique de la situation et de ce qui est, selon nous, « le plus grand bien pour le plus grand nombre de personnes ».

La morale dans la peau

La mémoire pourrait également jouer un rôle important, selon les psychologues, dans le lien entre la langue maternelle et une morale plus émotive. En effet l'apprentissage du sens moral, rappelle l'article de Scientific American, se fait dès le plus jeune âge, assez simultanément à l'expérimentation d'émotions fortes (l'abondance d'amour, la rage, l'émerveillement ou encore la punition). La morale de l'adulte vibrerait alors en résonnance avec les souvenirs de ces émotions exprimées et vécues dans la langue maternelle, des émotions viscérales.

Pour prouver cette théorie, la psychologue Catherine Harris et son équipe ont élaboré une expérience avec des turcophones ayant appris l'anglais. Les chercheurs ont constaté que l'intensité électrique à la surface de la peau était plus intense chez les sujets étudiés lorsqu'ils entendaient des mots tabous ou encore des réprimandes dans leur langue maternelle.

Les résultats de l'expérience montrent également que dans une langue étrangère, les réponses émotionnelles sont moins forte, voire nulle. Comme si le sens moral de ce qui était dit ou reproché était moins fort. Nous avons alors "moins de sympathie pour ceux qui ont des intentions nobles, moins d'indignation pour ceux avec des motifs infâmes", constate Scientific American. A croire que, pour reprendre une expression bien française, la morale on l'a dans notre peau... mais surtout dans la langue.

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