Tunisie : ils sont mineurs, mais on a organisé leurs fiançailles

Une affaire de mariage de mineurs est au centre des débats. La fillette a 12 ans, le garçon 15. Cela n'a pas gêné leurs parents, qui veulent les marier.

Par notre correspondant à Tunis,

Une fillette en tenue de mariage (photo d'illustration)
Une fillette en tenue de mariage (photo d'illustration) © www.plancanada.ca

Temps de lecture : 3 min

Gouvernorat de Gafsa, à un peu moins de 8 heures de route de Tunis. Deux familles procèdent aux fiançailles de leurs enfants. Il a quinze ans, elle en a douze. Les photos de la cérémonie sont partagées sur Facebook. On y voit la pré-ado maquillée, en robe décolletée, apprêtée comme une femme alors qu'elle n'est qu'une enfant. Ces quelques clichés partagés sur le réseau social, le média le plus puissant du pays avec près de cinq millions de comptes pour onze millions d'habitants, vont alerter des internautes. « L'affaire » quitte le giron familial et les profondeurs du Sud pour devenir publique. On s'indigne. Au pays du CSP (Code du statut personnel instauré par Bourguiba en 1956) qui offre aux femmes des droits (divorce, adoption…) peu développés dans le reste du monde arabe, on feint de découvrir qu'on peut fiancer une fillette.

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Un tollé en appelle un autre

La ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance est contrainte de se saisir du dossier devant l'ampleur de la polémique propagée sur Facebook. Et la complaisance du délégué de la protection de l'enfance en charge de ce dossier n'aide pas. Après enquête, celui-ci a livré les fruits singuliers de son expertise. Tout est dans les règles, lois et traditions, et « sa corpulence ne donne pas à la fille l'air d'avoir douze ans ». Tollé, bis. Après intervention du chef du gouvernement Youssef Chahed, la ministre de la Femme sanctionne le délégué. Un autre intervient. La loi tunisienne interdit le mariage des mineurs (âge légal : 18 ans) sauf si un juge en décide autrement. Dans ce cas présent, il s'agit de fiançailles, l'antichambre des noces maritales. Désormais, un psychologue suivra les deux enfants et leurs familles.

Sur le terrain, la cohabitation de deux Tunisie

Le cas de cette fillette n'est pas isolé. Il n'est pas non plus si fréquent. La mise au grand jour de cet événement « a eu un écho », selon M. Lazhar Yayhaoui, « à cause de la divulgation des photos ». Selon lui, « il s'agit d'une tradition qui perdure dans certaines contrées du pays ou une fille est promise à tel ou tel ». Dans les années 1960-1970, « cela se faisait pour des raisons de patrimoine ». « Désormais, c'est une mentalité à revoir, un cas d'école qui met les clignotants à l'orange pour les délégués chargés de la protection de l'enfance. »  La Tunisie a signé en 1991 la Convention internationale des droits de l'enfant puis s'est dotée en 1995 d'un Code de protection de l'enfance. « Avant l'âge de treize ans, l'enfant ne peut pas s'engager », précise ce juriste et « après treize ans, il lui faut l'aval de son tuteur ».

Avant la majorité, aucun mariage ne peut avoir lieu sans « l'autorisation du procureur ». Si le cadre juridique protège l'enfant, bien plus que dans d'autres pays, « aux services sociaux d'agir ». Et d'élargir le sujet en évoquant les familles qui placent « leurs filles de treize ans comme bonnes à Tunis afin d'augmenter leurs revenus ». Dans cette affaire, le délégué chargé de la protection de l'enfance fut défaillant. « C'est toute la société qui est interpellée : du professeur aux parents, des autorités à tous les adultes », poursuit-il. Et de considérer qu'il faut en matière de mariage et d'amour « laisser les jeunes grandir et choisir ». L'avenir dira si cette fillette sera bien encadrée par les autorités. Et si ce tollé aura permis de faire évoluer les mentalités