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A Paris, L214 met en scène la souffrance animale

Viande : stop ou encore ?dossier
L'association L214, qui dénonce le traitement des animaux dans les abattoirs français, a organisé lundi soir à Paris un rassemblement, avec force cadavres de cochons. Une action choc, pour sensibiliser à la souffrance de ceux qui sont destinés à nos assiettes.
par Philippe Brochen
publié le 19 septembre 2016 à 21h58

«Notre action d'aujourd'hui, forte et poignante, a pour but de montrer ce que vivent les animaux dans les élevages.» Soigneusement mis en scène, le happening de L214, association connue pour les révélations de vidéos tournées dans des abattoirs dénonçant les pratiques de ces derniers dans la mise à mort des animaux, a effectivement de quoi frapper les esprits. A partir de 18h40 ce lundi soir sur la place Saint-Michel à Paris, une trentaine de militants vêtus de tee-shirts «tous sensibles» accueillent dans leurs bras des cadavres de porcelets, une heure durant, devant les yeux de passants interloqués par la scène. «Nous avons trouvé ces bébés cochons dans les poubelles des élevages déposées sur la voie publique, explique au micro Isis La Bruyère, chargée de campagne pour L214. Ces animaux sont soit morts nés, soit de maladie, soit à cause de leurs conditions d'élevage déplorables.»

Visages des participants graves et fermés, bustes immobiles : le tableau, si l'on peut dire, se veut solennel. La tension est insupportable pour une jeune militante qui éclate en sanglots et doit confier son porcelet mort à un camarade. Des cris de cochons sortent de la sono, suivis d'une musique funèbre. «Environ 20% des animaux d'élevage meurent avant d'aller à l'abattoir, explique Isis La Bruyère. Ils endurent des souffrances physiques, psychologiques et sociales. Certains qui, du fait de leur mauvaise santé ne grandiront pas comme l'éleveur le souhaite pour aller à l'abattoir, sont piqués avec des détergents. D'autres sont tués en étant projetés au sol ou contre un mur.»

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Des passants s'arrêtent devant le happening et écoutent les explications de la militante de L214. Ainsi, Christine, 64 ans. Cette retraitée du secteur hospitalier de l'AP-HP qui se promenait dans le Quartier latin juge cette action «très bien. Il faut des trucs chocs pour faire prendre conscience aux gens de certaines réalités inconnues du plus grand nombre». Elle qui mange de la viande, «mais de moins en moins», estime qu'«il faudra du temps pour faire changer les mentalités et prendre conscience de choses inacceptables en matière d'élevage animal».

Un autre passant se mêle au rassemblement. «Par hasard», assure-t-il. Il s'agit de Mathieu Ricard, docteur en génétique cellulaire, connu pour être moine bouddhiste, citoyen du Tibet depuis 1972 et interprète en français du dalaï-lama qu'il accompagne ces jours derniers à l'occasion de son voyage en Europe. «Nous avons fait des progrès en civilisation, assure celui qui se dit végétarien depuis cinquante ans. La vie humaine est inestimable mais la vie des animaux ne vaut rien. Pourtant, en aimant les animaux, on aime mieux les hommes.» Et le moine d'illustrer ses propos sur un plan économico-écologique : «L'élevage est la deuxième cause de réchauffement climatique. Il représente 15% des émissions de gaz à effet de serre.»

Les membres de L214 sont heureux du passage impromptu de la célébrité religieuse à leur happening. Mais ils attendent désormais une chose, moteur de l’action du jour : la publication du rapport de l’enquête parlementaire sur les abattoirs qui a été créée à la suite de leurs révélations sur les mauvaises pratiques dans ces établissements. Trois mois durant, les auditions de ministres, dirigeants d’abattoirs, vétérinaires, syndicalistes agricoles, chercheurs et représentants d’associations de défense des animaux, se sont succédé. Les résultats de ces investigations de la commission présidée par le député Olivier Falorni (Radicaux de gauche) seront connus mardi. Et, surtout, leurs propositions pour améliorer le bien-être animal.

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