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Porno féministe : porno alternatif ou vaste escroquerie ?

"Eyes Wide Shut"
Nicole Kidman dans le film "Eyes Wide Shut" de Stanley Kubrick. Photo Warner Bros. France

Lassées de voir l’industrie du X trustée par des hommes, certaines réalisatrices féministes se sont lancées sur ce marché, au risque, peut-être, de brouiller les pistes ? Enquête.

"Porno et féminisme peuvent-ils être compatibles ?" Au lendemain de la rentrée scolaire, on rêverait presque qu'un prof de philo un brin facétieux fasse plancher sa classe d'ados sur un sujet qui, malgré les années, continue de déchaîner les passions. Réalisateurs, féministes, amateurs de films X, pornstars… Chacun a bien une petite idée de la réponse. Manque de chance, personne n'a la même ! "Ce sont deux notions totalement antagonistes", s'agace la porte-parole d'Osez le féminisme, Marie Allibert pour qui le porno soi-disant "féministe" serait une entourloupe inventée par une industrie faite par des hommes, pour des hommes, visant à faire croire que la pornographie est une libération des sexualités. "En réalité, c'est tout le contraire ! Les films X emprisonnent les femmes dans des rôles dégradants et érotisent les violences qui leur sont faites", affirme-t-elle.

Un porno au ralenti

Une position que ne partage pas, mais alors pas du tout, une autre féministe : Clarence Edgard-Rosa. Auteure d'un abécédaire du féminisme qui paraîtra en octobre – Les Gros Mots, Éd. Hugo Doc –, cette journaliste préfère parler de confusion plutôt que d'entourloupe. En cause ? L'émergence au cours des années 2000 d'un porno dit "féminin", plus doux et sensuel, censé plaire aux femmes mais reprenant les poncifs machistes chers aux productions traditionnelles. "Certes, c'est moins trash. Les actrices ne se prennent pas des litres de sperme sur le visage, et ne se font pas tirer les cheveux, mais qu'est-ce que c'est chiant ! baille Octavie Delvaux, auteure du "sex-seller " français, Sex in the Kitchen. En fait, on voit la même chose que dans le porno mainstream mais au ralenti, avec en toile de fond une musique d'ascenseur."

En réalité, personne ne sait ce que c'est, le porno féminin !

Aux antipodes de cette typologie de films, le porno féministe déconstruirait et jouerait avec les codes sexistes établis par les productions "grand public" pour mettre en lumière le consentement, le plaisir féminin, la diversité des corps et des sexualités. "L'erreur est de tout jeter bêtement dans le même panier alors que ce n'est pas la pornographie qui, en soi, aliène ou libère, mais ce qui en est fait", estime Clarence Edgard-Rosa. Corroborant ces propos, la réalisatrice Ovidie assure que ce courant gagne des galons "là où l'industrie du porno a été désertée à cause du Web", dans les festivals notamment.

Le porno féministe résolument sexiste ?

S'il en projette un certain nombre, le très jeune FFF – Festival du Film de Fesses - ne limite certainement pas sa programmation aux films catalogués féministes. "Ce qui nous intéresse, c'est de montrer qu'il est possible de faire de l'art, des choses jolies et intelligentes, sans jamais tomber dans l'affirmation ni la revendication", insiste Anastasia Rachman Hollman, la co-créatrice de cet événement. Une démarche éclectrique séduisante pour Coralie Trinh Thi, qui s'afflige surtout de la confusion entre porno féministe et féminin. "En réalité, personne ne sait ce que c'est, le porno féminin ! Et même ses figures de proue se contredisent elles-mêmes", ironise l'ex-pornstar. Selon elle, les médias entretiennent la confusion, parce que le porno féminin sonne plus sexy. "Erika Lust a expliqué en interview qu'elle était passée du porno féministe au féminin pour éviter le handicap commercial d'une image trop militante. Cela concerne donc plus son discours que son oeuvre... Mais le porno féminin est une grande escroquerie, et finalement sexiste : il repose sur l'idée qu'il existerait un modèle de sexualité féminine et donc un modèle de femme !"

S'il n'est pas forcément plus facile à définir, le porno féministe revêt au contraire de nombreuses formes, précise Coralie avant d'avouer ne pas avoir ressenti le besoin du féminisme, en tant qu'ancienne hardeuse. Maitrisant bien son sujet, et pour cause, elle rappelle que ce milieu est l'un des rares (le seul ?) où les hommes sont - nettement - moins payés que les femmes, moins médiatisés (en dehors de Roco Sifredi, bien futée celle qui pourra citer le nom d'un hardeur !) et surtout mal cadrés. "Leur rôle se limite à celui d'un phallus, alors quand on parle d'objectification de la femme… il y a matière à débat !" conclut cette dernière. Mais si l'idéologie féministe ne lui parait indispensable ni au milieu de l'industrie, ni au genre cinématographique, elle lui reconnait une utilité cruciale : "Tant que culturellement, le terme porno féministe sera perçu comme un oxymore, (y compris par certaines féministes), il participera à la lutte contre le sexisme et pour la libération sexuelle !"

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