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DESINTOX

Le gros mensonge de Darmanin à propos de la mise en examen de Sarkozy

Gerald Darmanin, soutien de Nicolas Sarkozy affirme que le Parquet a fait une erreur dans son communiqué de presse en affirmant que le candidat avait été mis en examen pour «financement illégal de campagne électorale». Grosse intox.
par Cédric Mathiot
publié le 20 septembre 2016 à 19h13

INTOX. Pour quelle raison Nicolas Sarkozy a-t-il donc été mis en examen en février? On pourrait imaginer que cette question simple trouve une réponse simple. Mais c'est sans compter les arguties sémantiques et écrans de fumée du camp Sarkozy. Le débat a commencé sur France 2 jeudi, où pendant dix minutes, Nicolas Sarkozy s'est écharpé avec ses deux contradicteurs Léa Salamé et David Pujadas sur le motif de sa mise en examen.

Nicolas Sarkozy : «Le juge Tournaire m'a interrogé deux heures. A la fin de l'interrogatoire, le juge Tournaire me dit : "Vous n'avez rien à voir avec les agissements des dirigeants de Bygmalion. Je ne vous mettrai donc pas en examen pour escroquerie, faux et usage de faux, pour tout ce qu'ils ont fait."»

Léa Salamé : «Mais vous êtes mis en examen pour financement illégal de campagne électorale.»

Nicolas Sarkozy : «Absolument pas. C'est faux! C'est une mauvaise information. Je ne dis pas que c'est dû à de la mauvaise foi mais c'est une incompréhension. Le juge Tournaire me dit : "Vous n'avez rien à voir avec les agissements des dirigeants de Bygmalion." Ma probité est vierge. Et il me dit : "Effectivement vous avez dépassé les frais de campagne." C'est le seul motif pour lequel je suis mis en examen.»

Même dialogue de sourds mardi sur BFM TV. Avec cette fois Gérald Darmanin, soutien de Nicolas Sarkozy, face à Jean-Jacques Bourdin :

Jean-Jacques Bourdin : «Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il avait été mis en examen pour le seul délit de dépassement des frais de campagne. C'est vrai ou faux?»

Gérald Darmanin : «Bien sûr que c'est vrai.»

Jean-Jacques Bourdin. «C'est faux. Il a été mis en examen pour financement illégal de campagne électorale.»

Gérald Darmanin. «Non. Vous êtes un journaliste extrêmement précis. Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour le dépassement, et seulement pour le dépassement, de ses comptes de campagne. C'est le communiqué de presse du parquet de Paris qui a fait une erreur qui a été reconnue. C'est très étonnant que vous ayez lu le communiqué de presse et que vous n'ayez pas lu l'erratum. Nicolas Sarkozy est ressorti de douze heures d'interrogatoire avec une seule mise en examen pour dépassement des comptes de campagne.»

DESINTOX. Nicolas Sarkozy a-t-il été mis en examen pour dépassement des frais de campagne, ou bien pour financement illégal de campagne? La réponse est… les deux. Voici le communiqué de presse du parquet, daté du 16 février : «Nicolas Sarkozy a été mis en examen du chef de financement illégal de campagne électorale, pour avoir en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales»

En fait, la question est mal posée, et le débat surtout sémantique. On est mis en examen pour un délit : or, il n’existe pas de délit de dépassement des frais de campagne. Il existe un délit de financement illégal de campagne électorale, qui peut être commis au moyen de diverses manœuvres frauduleuses, dont le dépassement de frais de campagne.

Voilà les sept faits constitutifs du délit de financement illégal :

1- Financer une campagne électorale, recueillir des fonds en violation des prescriptions de l'article L. 52-4 ;

2- Accepter des fonds en violation des dispositions de l'article L. 52-8 ou L. 308-1;

3- Dépasser le plafond des dépenses électorales fixé en application de l'article L. 52-11;

4- Ne pas respecter les formalités d'établissement du compte de campagne prévues par les articles L. 52-12 et L. 52-13;

5- Faire état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d’éléments comptables sciemment minorés;

6- Bénéficier sur sa demande ou avec son accord exprès, d'affichages ou de publicité commerciale ne respectant pas les dispositions des articles L. 51 et L. 52-1 ;

7- Bénéficier, sur sa demande ou avec son accord exprès, de la diffusion auprès du public d’un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit.

Si son communiqué de presse mentionne uniquement le dépassement du plafond des dépenses électorales, c’est, selon le parquet, parce que, le juge d’instruction a principalement insisté sur ce fait quand il a notifié sa mise en examen à Nicolas Sarkozy.

Pour résumer : Nicolas Sarkozy aurait raison de dire que c'est surtout au titre du dépassement du plafond des comptes de campagne qu'il a été mis en examen pour financement illégal de campagne… Mais il ment de toute évidence en réfutant le terme de «financement illégal de campagne».

Et Gérald Darmanin ment aussi éhontément quand il suggère que ce terme figure par erreur sur le communiqué de presse, et qu’il a été rectifié par un erratum… qui n’existe pas.

D'ailleurs, c'est pour le même chef de «financement illégal de campagne électorale» que le parquet a demandé le renvoi de Nicolas Sarkozy en correctionnelle, début septembre, en insistant toujours sur le dépassement du plafond des dépenses de campagne, mais aussi sur le fait d'avoir «fait état dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d'éléments comptables sciemment minorés».

Pourquoi réfuter avec autant de vigueur, et au prix d’un mensonge évident, le terme de financement illégal? Tout simplement parce que Sarkozy veut éviter à tout prix d’être associé à l’affaire Bygmalion, et veut faire passer le message qu’il ne lui est rien reproché de plus que le dépassement (modique) de frais de campagne pour lequel il a été sanctionné par le Conseil constitutionnel en 2013… Même s’il s’agissait alors d’un dépassement chiffré à quelque 466 000€. Alors que l’affaire «Bygmalion-compte de campagne», dans laquelle il est aujourd’hui mis en examen, porte sur un dépassement supérieur à 20 millions, consécutif à un ample système de fausses factures. Ce qui n’est pas tout à fait pareil.

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