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Lutte contre l’extrême pauvreté : cette victoire méconnue

+DOCUMENT 87% des personnes interrogées dans le monde par Motivaction, 92% en France, pensent que la pauvreté a augmenté ou est restée stable depuis les années 1990. En réalité, elle a fondu de plus de moitié. Un décalage qui inquiète les ONG pour l'avenir.

Par Jean-Michel Gradt

Publié le 22 sept. 2016 à 06:00

"Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit." Une fois de plus, les organisations non gouvernementales (ONG) vérifient cet adage. Mais cela les inquiète. Sur la planète, plus d’un milliard de personnes sont en effet sorties de l’extrême pauvreté au cours des vingt à vingt-cinq dernières années. Une avancée qui ,dans d’autres domaines, inciterait à crier victoire. "Hélas, un point faible subsiste : le grand public ne [ les ] perçoit pas et reste pessimiste quant à l’éradication de la pauvreté," note l’ONG Oxfam France.

En 1990, 1,926 milliard d'êtres humains survivaient avec moins de 1,25 dollar par jour - ce seuil fixé pour définir l'extrême pauvreté a été revu en 2015 à 1,90 dollar (1); c'était 836 millions de personnes l'an passé. Selon la Banque mondiale,

La réduction de moitié de la pauvreté est l’un des succès les plus méconnus dans l’Histoire contemporaine.

Pourtant, "la réduction de moitié de la pauvreté est l’un des succès les plus méconnus dans l’Histoire contemporaine", constate Nicolas Vercken, directeur Etudes et plaidoyer de l' ONG Oxfam France. L'étude internationale « Glocalities » que publie ce jeudi le cabinet hollandais Motivaction (voir l'étude ci-dessous) montre en effet que l’écrasante majorité des personnes interrogées dans le monde pensent à tort que la pauvreté a augmenté ou est restée à un niveau identique au cours des deux dernières décennies (2).

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Une perception à géométrie variable 

D'un pays à l'autre rien de plus variable en effet que les opinions, interprétations et perceptions de ce fléau. En Chine par exemple, 50 % des personnes interrogées savent, à juste titre, que l'extrême pauvreté a diminué, mais elles ne sont plus que 8 % en Allemagne ou aux Etats-Unis. "Les Chinois sont en effet témoins des avancées dans la lutte contre la pauvreté dans leur pays. Il est intéressant d’apprendre que ce n’est pas le cas des habitants des pays plus riches", explique Martjin Lampert, le directeur des études chez Motivaction.

Pis, en France, seul 1 % du panel a une connaissance exacte de l'importance de ce recul. Mais 7 % pensent que le niveau de pauvreté a été réduit de 25 % et 92 % qu'il est resté stationnaire; voire qu'il a augmenté. Pourtant, "les contribuables français devraient être beaucoup plus fiers de leur contribution efficace à la lutte contre la pauvreté dans le monde (...). Les parlementaires devraient également porter ce message positif auprès des électeurs, et veiller à ce que le gouvernement aille beaucoup plus loin dans le budget alloué à cette politique publique essentielle", ajoute Nicolas Vercken.

Convaincre l'opinion publique

Mais le constat s’impose : 67% des personnes interrogées pour l'étude (85 % pour les répondants français ) jugent "improbable" l'éradication totale de l’extrême pauvreté d’ici à 2030, la date butoir que s'est fixée la communauté internationale. Et c'est bien ce pessimisme qui inquiète les ONG pour l'avenir. Car, en dépit des victoires enregistrées depuis plus de trente ans, les 20 % les plus pauvres (ceux qui vivent avec moins de 1,48 dollar par jour) ont, eux, été privés des progrès liés au développement (voir encadré). Ils captent moins de 1 % des avantages générés de la croissance économique mondiale.

"Alors que nous sommes à mi-chemin de l’éradication de la pauvreté, il est temps de donner plus de poids à la mobilisation citoyenne et de terminer le travail ", commente Martijn Lampert. "Néanmoins, le fait que l’opinion publique fasse défaut constitue un énorme obstacle pour réussir dans le futur ".

Lutte contre la pauvreté : terminer le travail

La parution de l'étude "Glocalities" coïncide avec l’anniversaire de l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies qui, en septembre 2015, ont fixé une nouvelle feuille de route ambitieuse pour éradiquer la pauvreté d'ici à 2030 et lutter contre les inégalités, la faim et le changement climatique. Mais les perceptions erronées pointées par l'étude risquent de freiner le processus, comme c'est le cas en Afrique (3). Pour les 840 millions de personnes qui survivent avec moins de 2 dollars par jour, "la situation devient plus compliquée car on s'aperçoit que les politiques publiques qui ont fonctionné en Chine, en Inde, ou encore au Brésil (accès à la Santé, à l'Education, politique de redistribution des richesses, etc.), ne suffisent plus à créer une dynamique pour sortir les 20 % les plus mal lotis de cette population de ces poches à pauvreté," souligne Nicolas Vercken. Le combat s'annonce donc long et complexe, mais pas impossible. Les outils existent : l’aide publique au développement, bien utilisée, est et reste un formidable outil de réduction de la pauvreté et des inégalités. Reste à la maintenir et même à l'accroître.

Pas d'engagement sans information

Comment, et avec qui, parcourir l'autre moitié ? Si les ONG - celles des pays riches notamment - sont toujours en première ligne pour susciter l'engagement, elles ne sont plus les seules dans le paysage. "L’étude montre que nos soutiens proviennent de plus en plus de pays en pleine transformation ou qui ont une croissance économique forte, note Michael Sheldrick, le porte-parole du programme de volontariat à l’international Global Citizen.

Selon lui, l’enjeu consiste désormais à proposer des modes d’actions aux personnes convaincues que leur engagement peut faire la différence.

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De son côté, Motivaction a identifié les vecteurs du changement. Leur portrait robot : des groupes mieux informés, convaincus de l’utilité de leurs actions et prêts à s’impliquer personnellement. Ces personnes, qui occupent le plus souvent des postes influents dans la société, la politique, le monde des affaires, sont aussi très actives sur les réseaux sociaux : Twitter, YouTube, LinkedIn ou Facebook. "Elles sont des relais et encouragent les personnes autour d’elles à rejoindre les initiatives contre la pauvreté (...) En utilisant ces réseaux, les stratégies d’engagement et d’information peuvent être plus efficaces que jamais", ajoute Martijn Lampert.

Finalement, pour faire avancer les choses, si « le bruit ne fait pas de bien », un peu de buzz ne ferait pas de mal.

Jean-Michel Gradt

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