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Faits religieux en entreprise : qu'a-t-on le droit de faire?

Selon une étude, publiée ce jeudi, les convictions religieuses s’affichent de plus en plus sur les lieux de travail. Port du voile, de la croix catholique ou de la kippa, prière: le point sur ce que l'on peut faire et ne pas faire au boulot.
par Amandine Cailhol
publié le 22 septembre 2016 à 18h51

Les convictions religieuses s'affichent de plus en plus au travail, selon une étude de l'Institut Randstad et de l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) publiée jeudi. Ou du moins la perception qu'en ont les salariés. En 2016, ils seraient 65% à avoir observé cette progression, contre 50% en 2015. Preuve, selon cette étude, que la présence du fait religieux «s'affirme» de plus en plus et «se banalise» dans les entreprises, «la plupart du temps sans que cela pose problème».

Mais de quoi parle-t-on? Cela va de la simple demande d'absence pour une fête religieuse ou d'aménagement du temps de travail, au port ostentatoire de signes religieux, en passant par la pratique de la prière pendant les pauses. Mais les auteurs pointent aussi des cas, qualifiés de «conflictuels», bien que «minoritaires» : «refus de travailler avec une femme ou sous ses ordres», celui de «faire équipe avec des non-coreligionnaires», «d'effectuer certaines tâches», le «prosélytisme» ou les «prières pendant le temps de travail». L'occasion de faire un point sur ce qu'autorise et interdit la loi en termes de faits religieux sur le lieu de travail.

Secteur privé ou public?

Tout dépend du lieu de travail. Dans le secteur public, le principe de laïcité et de neutralité prime. Concrètement, cela veut dire que les fonctionnaires doivent «s'abstenir de manifester» leurs opinions religieuses dans l'exercice de leurs fonctions. L'interdiction vaut également dans les organismes de droit privé chargés d'une mission de service public. Dans le secteur privé, en revanche, l'employeur ne peut pas interdire au salarié d'exprimer sa religion. Il peut toutefois restreindre ce droit d'expression religieuse, s'il entrave le bon fonctionnement de l'entreprise.

Exemple: dans le privé, un salarié peut demander à son supérieur de s’absenter pour une fête religieuse (au même titre que pour une tout autre raison) ou encore demander que son temps de travail soit aménagé pour les prières. Mais ce dernier a le droit de le lui refuser au regard des nécessités de l’entreprise. La pratique religieuse doit ainsi rester compatible avec les horaires, le respect des lieux de travail et les tâches.

Plusieurs cas de restrictions existent

«Le Code du Travail autorise des restrictions aux libertés des salariés si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché», expliquait, fin mars, Zoé Rival, avocate au cabinet d'avocats Barthélémy, lors d'une rencontre d'information pour chefs d'entreprise.

Ainsi, l’employeur a le droit d’invoquer des raisons d’hygiène, de santé ou de sécurité pour limiter le droit d’expression religieuse. Il peut, par exemple, refuser le port d’un signe religieux, comme le voile, la kippa, une croix autour du cou, ou d’un vêtement spécifique, s’il les juge incompatibles avec un équipement de protection. C’est notamment le cas dans les secteurs du nucléaire, de l’agroalimentaire ou encore à l’hôpital. Par ailleurs, les salariés travaillant dans un lieu ouvert au public (commerce, cinéma, banque, gare…) ne sont pas autorisés à porter un voile s’il dissimule le visage et rend impossible l’identification de la personne. Pas d’interdiction, en revanche, là où le public n’a pas accès.

La gestion des pratiques dites «conflictuelles», tel que le refus de serrer la main à une personne du sexe opposé, est plus complexe. Face à de tel comportement, les enjeux de «paix sociale» ou encore d'«image de l'entreprise» peuvent être évoqués, selon le cabinet d'avocats Barthélémy. Mais la réponse de l'entreprise doit être fonction «de l'intensité de la chose et du problème que cela pose au sein du service», précise l'avocat Franck Morel.

Vers plus de flou juridique?

Définitivement adoptée en juillet, la loi Travail dispose que «le règlement intérieur [d'une entreprise, ndlr] peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés», sous certaines conditions. Le gouvernement présentera le 20 octobre un guide pour aider les employeurs.

Reste que pour l'Observatoire de la laïcité et la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), ce nouvel article introduit par la loi est source «d'insécurité juridique» puisqu'il introduit «la possibilité d'une restriction de portée générale et comporte le risque d'interdits absolus et sans justification objective à l'encontre des salariés». Ainsi, il serait, selon eux, «en contradiction avec la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme et le droit communautaire».

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