Le déficit de l'Assurance maladie, qui représente plus de la moitié de celui de la Sécurité sociale, devrait continuer à se réduire en 2016

Le déficit de l'Assurance maladie doit continuer à se réduire au prix de nouvelles économies et de transferts entre Etat et Sécu.

afp.com/LOIC VENANCE

Marisol Touraine n'aura pas tenu jusqu'à la présentation officielle, ce vendredi, du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Dans Les Echos jeudi soir, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a tenu à annoncer sa grande victoire: le sauvetage de la Sécurité sociale d'ici fin 2017. "La droite avait multiplié les franchises et creusé le déficit. Nous aurons sauvé la Sécu", s'est-elle félicitée dans les colonnes du journal économique.

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"L'histoire de ce quinquennat, c'est la fin des déficits sociaux" a-t-elle défendu. Au prix de petites astuces et de serrages de ceinture tous azimuts.

"Un diagnostic global plutôt positif"

En 2017, le déficit sera ramené à "400 millions d'euros", annonce Marisol Touraine dans Les Echos. Une première depuis quinze ans et ce alors qu'il atteignait encore les 3,4 milliards en 2016. Mais la ministre ne parle là que du régime général -qui comprend maladie, retraites, famille et accidents du travail.

Si l'on y ajoute le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) -une autre composante de la Sécu chargée de verser les cotisations retraites des chômeurs et le minimum vieillesse-, le déficit doit atteindre les 4,2 milliards d'euros l'an prochain. "Il y a tout de même fort à parier que le déficit sera presque nul l'année prochaine, indique Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE, à L'Express. Même si l'on prend en compte l'ensemble des régimes, le diagnostic global est plutôt positif."

Dans le détail, le gouvernement prévoit -uniquement dans le cadre du régime général- un excédent des branches accidents du travail, avec un bénéfice de 700 millions d'euros, comme en 2016, et de la branche retraite, qui dégagerait un surplus de 1,6 milliard d'euros. L'Assurance maladie reste en revanche dans le rouge, avec un déficit de 2,6 milliards d'euros -contre 4,1 l'année dernière.

Une "politique de coups de rabot"

Pour parvenir à une réduction aussi spectaculaire, le gouvernement mise sur des économies qui font grincer des dents les professionnels de la santé. Au lieu de 3,4 milliards d'euros d'économies en 2016, Marisol Touraine a annoncé pour 2017 un effort augmenté à 4 milliards. En clair, via des "fermeture de lits d'hôpitaux", des "économies sur les médicaments et dispositifs médicaux" ou encore des "'gains d'efficiences' demandés aux établissements hospitaliers" liste Le Monde.

"C'est en serrant de plus en plus sévèrement les coûts de la santé que le gouvernement a réduit le déficit de la branche maladie depuis 2012", accuse Claude Le Pen, économiste de la santé à l'université Paris-Dauphine dans le journal. Selon lui, "Marisol Touraine a mené une politique de coups de rabot."

"Le gouvernement poursuit sa politique rigoureuse de remboursement et de contrôles des hôpitaux, renchérit Henri Sterdyniak. Il profite aussi des mesures restrictives pour les dépenses de famille et de vieillesse, comme la baisse du plafonnement du quotient familial ou le report de l'âge à la retraites."

"Cuisine entre les comptes de l'Etat et de la Sécu"

Lors de la présentation du rapport annuel, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a aussi mis en avant un "procédé comptable discutable" voire "opportuniste" à l'origine de ce résultat spectaculaire, en particulier de la branche maladie. L'intégration d'un "produit exceptionnel de CSG de 700 millions d'euros" ne correspondant à aucune recette supplémentaire de l'Assurance maladie est "de nature à fausser sensiblement l'appréciation de la réalité du redressement de cette dernière", a-t-il ainsi taclé.

"Chaque année, une sorte de cuisine est faite entre les comptes de l'Etat et de la Sécu, de telle sorte que la quasi-totalité du déficit public est, grosso modo, transférée au niveau du premier et non de la seconde, explique Henri Sterdyniak. La ministre de la Santé a, de ce point de vue, réussi à obtenir plus arbitrages en sa faveur".

Autant d'arguments qui laissent les professionnels dubitatifs concernant les réformes structurelles réellement accomplies, précise Le Monde. Dans son rapport, la Cour des comptes a d'ailleurs estimé que "environ 40% du déficit résulte de causes structurelles, indépendantes de la conjoncture", appelant à des actions en faveur d'une réforme de l'Assurance maladie. Au regard des échéances électorales, il faudra toutefois sans doute attendre le prochain gouvernement.

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