Paris : le blues du kiosquier de Barbès

Boulevard Barbès (XVIIIe), ce jeudi. Kiosquier de père en fils depuis 40 ans au pied du métro Barbès, Samir Lebcher envisage de baisser définitivement le rideau.
Boulevard Barbès (XVIIIe), ce jeudi. Kiosquier de père en fils depuis 40 ans au pied du métro Barbès, Samir Lebcher envisage de baisser définitivement le rideau. LP/CÉCILE BEAULIEU

    Au pied du métro Barbès (XVIIIe), le kiosque à journaux de Samir Lebcher fait un peu figure de maison de quartier. On s'y retrouve comme chez soi. Comme du temps de Jean-Michel, son père, qui, voilà 40 ans, s'est installé dans l'échoppe, avant de la céder à son fils, en 2008. Mais aujourd'hui, le trentenaire, enfant du quartier, a le blues… Au point d'envisager de baisser définitivement le rideau qu'il relève six jours sur sept, de 6 h 30 à 19 h 30.

    Financièrement « étranglé » par le distributeur, dit-il, et en butte aux multiples problématiques d'un secteur « compliqué », Samir menace de partir vers d'autres horizons. « On me livre de force des journaux et des magazines invendables qui plombent mon budget et que le distributeur ne me reprend pas toujours. La situation est devenue ingérable. Et plus encore dans cet environnement. »

    « Je me sens un peu comme une sentinelle »

    Autour du kiosque, une nuée de vendeurs à la sauvette de cigarettes et de subutex : « Mais aussi des vols, des agressions… Ce matin encore, une touriste japonaise s'est réfugiée ici en pleurant parcequ'on venait de lui voler son téléphone, soupire Samir. En 2012, lorsque le quartier a été placé en zone de sécurité prioritaire (ZSP), il y a eu une réelle amélioration, mais, peu à peu, et surtout après les attentats, les forces de l'ordre ont été apellées vers d'autres missions. Ici, je me sens un peu comme une sentinelle, un médiateur. Je connais tout le monde et je suis respecté. Mais l'atmosphère est de plus en plus pénible. »

    « On a beaucoup attendu de l'installation de la brasserie Barbès, de Gibert-Joseph pour changer la physionomie des lieux. Mais ça n'a pas été à la hauteur de nos espérances. Pourtant, je suis attaché à ce quartier. Quand j'étais enfant, mes dimanches je les passais ici, au kiosque, avec mon père. C'est une vraie histoire de famille. »

    A Barbès, habitants et associations craignent le départ de Samir. « C'est un lieu de vie, un espace de rencontre, on ne veux pas te perdre », lâche un habitué en achetant son journal. Comme tous ses clients, Samir l'appelle « Tonton » et tente de le rassurer. « Je comprends qu'ils soient inquiets, poursuit-il. Il n'y a que moi entre Marcadet et la gare du Nord (Xe) ! Et je vends des journaux, mais je suis aussi le bureau des renseignements pour les touristes, le pote et celui qui calme les conflits incessants au pied du métro… Je ne suis pas sûr qu'on me remplacera si facilement. »