L’épopée du Ramayana contient l’Inde tout entière. Ou, comme l’écrivait André Malraux dans ses Antimémoires, le Ramayana « emplit encore le rêve de l’Inde comme l’Olympe a empli jadis celui de la Grèce ». Les quarante-huit mille vers répartis sur sept chants, composés au début de notre ère par le poète Valmiki, racontent bien davantage que la vie exemplaire du prince Rama. « C’est une fenêtre sur l’Inde contemporaine », explique Vasantha Yogananthan, auteur d’un travail photographique au long cours sur le sujet.
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Le conte épique n’en finit pas d’être célébré dans le sous-continent. Des hommes politiques l’invoquent pour interdire l’ouverture d’une exploitation minière, à l’endroit même où le héros Rama serait passé pour libérer son épouse. Au Parlement, on le brandit pour défendre le vote d’une loi. Le jeune photographe français, lui, a retracé l’itinéraire du prince. Il est parti d’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, où il a réalisé les photographies d’Early Times, son premier ouvrage, et finira son périple au Sri Lanka avec la publication de son septième et dernier livre prévu en 2019. Une relecture de l’épopée à l’aune de l’Inde contemporaine.
De multiples interprétations
Comme un cinéaste, Vasantha Yogananthan a préparé un story-board. Dans chacun des lieux visités, il a discuté du conte avec ceux qu’il souhaitait photographier. Ils ont décidé ensemble du décor et de la mise en scène, pour que « les personnages projettent, eux aussi, leurs images du Ramayana ». Certains considèrent ce conte épique comme une simple légende, d’autres comme un récit historique. Les photographies mêlent, elles aussi, la fiction et le réel. Elles sont intemporelles, nimbées d’une lumière diaphane presque irréelle. « Une manière de produire de l’incertitude dans l’esprit de celui qui les regarde », explique Vasantha Yogananthan.
Le Ramayana appartient à ceux qui l’écoutent comme à ceux qui le récitent. Il est soumis à de perpétuelles interprétations en fonction des époques ou des régions. Certains clichés en noir et blanc de Vasantha Yogananthan ont donc été donnés à un artiste qui les a peints, en y apposant une interprétation supplémentaire. Une fois sortis de la chambre grand format, ils ont été transmis à un peintre qui les a colorisés, dans la grande tradition née au XIXe siècle des studios photographiques indiens. Libre à lui de projeter son imaginaire sur le négatif. La narration photographique finale contient ainsi de multiples interprétations.
Enfin Vasantha Yogananthan a voulu perpétuer la grande tradition picturale du poème épique. Il a étudié les miniatures mogholes, peintes du XVIe au XIXe siècle, illustrant le Ramayana pour s’inspirer de leur composition. Et le résultat photographique est proche de l’art de la miniature. On y retrouve la même attention aux détails. Comme ces personnages minuscules, parfois figés, perdus dans un paysage… On y retrouve surtout la même poésie du réel.
Early Times, photographies de Vasantha Yogananthan, texte d’Anjali Raghbeer, 104 p. Editions Chose Commune.
Vasantha Yogananthan est le lauréat 2016 du Prix Levallois de la jeune création photographique internationale. Exposition à la Galerie de L’Escale, 25, rue de la Gare, Levallois-Perret (92), du 6 octobre au 26 novembre. prix-levallois.com
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