Les AOC sacrifiés sur l'autel du libre échange ?

Une tranche de fromage Roquefort  ©Maxppp - PHOTOPQR/L'ALSACE/Jean François Frey
Une tranche de fromage Roquefort ©Maxppp - PHOTOPQR/L'ALSACE/Jean François Frey
Une tranche de fromage Roquefort ©Maxppp - PHOTOPQR/L'ALSACE/Jean François Frey
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Au menu ce matin, les fromages sacrifiés sur l'autel du traité commercial entre l'Europe et le Canada.

L’eurodéputé écologiste José Bové s'est indigné du manque de protection de nos appellations protégées dans le CETA, le traité commercial entre l'Europe et le Canada. 150 appellations seulement sont défendues sur 1400. C'est vrai ou c'est faux ?

Plutôt vrai. Même si c'est un tout petit peu plus que ce qu'affirme José Bové. Ce ne sont pas 150 mais 174 appellations qui figurent à l'annexe 20A du CETA, ce traité commercial entre l’Union européenne et le Canada soumis à la ratification le mois prochain.174 appellations sur environ 1400 appellations d'origines et indication géographique protégée en Europe. Ça représente moins de 15%. Sur cette liste, on trouve le salami hongrois, le Speck du Tyrol, la Mortadelle ou les parmesans italiens, la Feta grecque et le Gouda. C'est donc plutôt un vrai pour l'eurodéputée écologiste.

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Dans la foulée de José Bové, certains élus de droite s'inquiètent de voir sacrifier les fromages français comme le brie de Meaux, ou les fromages d'Auvergne.

J'ai fait les comptes : sur les 45 fromages français qui arborent une appellation d'origine protégée, le traité avec le Canada n'en conserve que 28. Ce qui n'est déjà pas si mal (y figure par exemple le brie de Meaux, mais pas le brie de Melun, le Roquefort, le Bleu d'Auvergne, mais aussi le Chabichou ou l'Epoisses et le Maroilles). Tous ces produits sont donc protégés de la copie au Canada.

A peine 15% de produits défendus. Pourquoi si peu ?

C'est vrai que la liste est courte, mais on pourrait dire : c'est déjà ça. D'abord toutes les indications géographiques protégées n'ont pas d'intérêts commerciaux sur le marché américain ou canadien. Par exemple certaines asperges produites en toute petite quantité. D'autres produits sont totalement inconnus outre atlantique, ils n’y a donc pas de priorité à les protéger. Mais pour certains, comme José Bové, c'est une question de principe, vu les difficultés à obtenir le précieux label AOP, tous les produits européens sans exception devraient être protégés.

Ça veut dire que tous les autres produits de nos terroirs risquent d'être copiés, plagiés sans vergogne outre Atlantique ?

Pas si simple, car aujourd'hui, les AOP ne font l'objet d'aucune protection sur le marché canadien. C'est un peu la loi de la jungle. Au Canada, chacun peut produire et vendre si ça lui chante du camembert ou de la tomme. Il existe par exemple un jambon canadien, appelé "jambon ou prosciutto de Parme". Paradoxe : les (vrais) producteurs italiens de jambon de Parme ne sont pas autorisés à exporter l'original au Canada. L'intérêt de cet accord commercial, c'est de reconnaitre certaines appellations afin de les protéger des deux côtés de l'Atlantique. Si le CETA est ratifié, il sera interdit aux agriculteurs canadiens de commercialiser et de vendre leurs produits sous l’appellation de Roquefort, de Comté ou de pruneaux d'Agen. Et ça ça change un peu la donne !

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