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Les éléphants au cœur d'une bataille politique internationale

Lors de la COP17 de la Cites, la convention sur le commerce des espèces en danger qui commence ce samedi, l'interdiction totale du commerce de l'ivoire d'éléphants d'Afrique pourrait être votée.
par Aude Massiot
publié le 24 septembre 2016 à 16h19

Depuis des années, le message est répété sans cesse, mais leur déclin lui ne cesse pas pour autant: 38 000 pachydermes sont toujours tués chaque année. «La situation des éléphants est dramatique», lâche Pascal Canfin, président de WWF France. En Afrique du Sud, les éléphants pourraient disparaître d'ici dix ans, si d'importantes mesures ne sont pas prises, a récemment alerté le ministre de l'Environnement du pays. C'est justement à Johannesbourg que se tient la COP17 de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages en danger (Cites), du 24 septembre au 5 octobre. Une nouvelle fois, la question de la régulation du commerce de l'ivoire va donner lieu à des débats mouvementés.

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Pour rappeler la situation dramatique des éléphants, début septembre, la plus grande enquête de recensement des populations d'éléphants d'Afrique, le Great elephant census, a rendu des conclusions inquiétantes. En 7 ans, entre 2007 et 2014, leur population a chuté de 30% en moyenne dans 18 pays. En Angola, Tanzanie et au Mozambique, le rapport a observé «un déclin stupéfiant de la population». La sous-espèce serait au bord de l'extinction dans certaines régions, comme au nord-est de la République démocratique du Congo, au Nord du Cameroun et au sud-ouest de la Zambie.

Bataille de propositions

Selon ce rapport, à eux seuls, le Botswana, la Tanzanie et le Zimbabwe abritent les trois quarts des éléphants d'Afrique. Le Zimbabwe va justement tenter d'avancer ses pions à Johannesbourg, en déposant une proposition conjointe avec la Namibie pour supprimer les restrictions imposées sur le commerce d'éléphants du Zimbabwe (Loxodonta africana). Pour l'instant, la Cites ne l'autorise que dans certains cas précis et il doit faire l'objet d'un permis d'exportation de la part des autorités. Le Zimbabwe garantit qu'il saura contrôler ce commerce et demande donc son ouverture.

La proposition a peu de chances de passer, surtout qu'en face, treize pays de la Coalition pour l'éléphant d'Afrique, un regroupement de 29 pays africains, demandent le classement de toutes les populations d'éléphants du continent en Annexe I de la CITES, soit l'interdiction totale du commerce international. Cette proposition, à première vue bien intentionnée, est sujette à polémiques. Certaines ONG de protection des animaux, comme WWF et TRAFFIC, estiment que cette action est un moyen pour ces pays de concentrer l'attention sur cette proposition forte, et éviter que l'on regarde comment est gérée la situation chez eux. «Certains de ces pays ne respectent pas la mise en place de leurs plans d'action nationaux sur la régulation du commerce de l'ivoire», alerte Pascal Canfin. Pour Richard Thomas de TRAFFIC, «cette situation complexe est surtout politique». Pour être votées, les propositions doivent obtenir les deux tiers des votes des membres de la Cites. «Le chemin est encore long avant qu'elle passe», affirme ce dernier.

7 000 dollars le kilo d'ivoire

Le trafic d'espèces sauvages est le troisième trafic le plus conséquent au monde, après la drogue et la traite d'être humains. Il représente 20 milliards d'euros par an. L'achat d'ivoire est le moteur du trafic légal comme illégal. Et, malgré les multiples campagnes pour la sauvegarde des éléphants, elle reste considérable. En Chine comme au Vietnam, les deux plus gros marchés domestiques du monde pour l'ivoire, sur deux ou trois objets vendus légalement, 7 le sont illégalement, selon le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw). «Un message clair doit être envoyé aux consommateurs pour qu'ils arrêtent d'acheter de l'ivoire, que la demande se tarisse, réclame Céline Sissler-Bienvenu, directrice d'IFAW France et Afrique francophone. Les marchés domestiques doivent être fermés.»

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En septembre 2015, le président chinois Xi Jinping, conjointement avec Barack Obama, son homologue aux Etats-Unis, se sont engagés à «quasiment interdire» le commerce de l'ivoire. Les avancées peinent pour l'instant à être mises en place. En France, le gouvernement a fait un grand pas en ce sens, le 17 août dernier, en interdisant «sur le territoire national et en tout temps» le commerce d'ivoire d'éléphants et de cornes de rhinocéros. «L'interdiction de l'ivoire brut est très importante car c'est le plus demandé, rappelle Céline Sissler-Bienvenu. Certains commissaires-priseurs se sont opposés à cet arrêté car beaucoup de l'ivoire mondial transite par les salles de ventes françaises.»

«Si nous arrêtons d'acheter, nous arrêtons de tuer. La Cites doit agir pour arrêter le commerce de l'ivoire #Cop17» — Elephants Count (@ElephantsCount) 22 septembre 2016

«Il faut mettre en place des dispositifs qui font que les éléphants ont plus de valeur vivants que morts, décrit Pascal Canfin. C'est-à-dire, faire de l'éléphant une ressource touristique, photographique.» On en est encore loin, avec un kilo d'ivoire qui se vend pour 7 000 dollars environ (6 200 euros) au marché noir.

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