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RD CONGO

Dans une région minière de RDC, une rivière tellement contaminée qu’elle explose

La rivière Luilu le 7 septembre lors d'une explosion causée par le déversement de déchets toxiques. Photo envoyée par notre Observateur.
La rivière Luilu le 7 septembre lors d'une explosion causée par le déversement de déchets toxiques. Photo envoyée par notre Observateur.
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Près de 8 000 habitants sont privés de leur principale ressource en eau, la rivière Luilu, près de Kolwezi, dans la région minière du Lualaba, au sud de la RDC. Le 7 septembre dernier, une entreprise minière y a déversé plusieurs mètres cubes de déchets toxiques, dont du kérosène et de l’acide sulfurique. Les autorités jurent que le taux de pollution n’est pas inquiétant. Mais notre Observateur s’inquiète de phénomènes étranges sur l’eau et des symptômes qui touchent les habitants.

Une épaisse fumée grise, des flammes d’un mètre de haut et un dépôt noir s’écoulant dans l’eau : une vidéo frappante, prise le 7 septembre et envoyée par notre Observateur, montre la rivière… prendre feu peu après le déversement de produits chimiques. La rivière Liulu alimente en eau huit villages aux abords de Kolwezi.

Selon l’entreprise responsable de la pollution, la sino-congolaise des mines (SICOMINES), une société minière issue d’un partenariat entre la Gécamines [une entreprise publique congolaise] et un regroupement d’entreprises chinoises pour extraire du cuivre et du cobalt, il s’agit d’un simple accident. Contacté par France 24, Jean Nzenga Nkongolo, le directeur général adjoint, a ainsi affirmé :

Nous avons un bassin de rétention des déchets toxiques. Le 7 septembre, il a débordé : c’est un accident. Du kérosène et de l’acide sulfurique ont coulé dans la rivière. Nous avons mis 20 minutes à nous en rendre compte et selon nous, ce sont 25 mètres cubes qui se sont déversés.

Des habitants ont remarqué des tâches noires à la surface de l’eau. Ils ont voulu savoir s’il s’agissait de produits chimiques et y ont mis le feu afin de tester, ça a provoqué des explosions.

Les conséquences sur la santé des habitants sont très manifestes assure notre Observateur.

"Nous avons constaté des cas de vertiges, maux de tête, diarrhées ou de douleurs abdominales"

Notre Observateur Christian Sapu Kankonde, est membre de l’Initiative Bonne Gouvernance et Droits Humains(IBGDH), une ONG locale qui demande une enquête indépendante. Il a pris des photos et rencontré les habitants.

Lors des explosions, les habitants des villages ont été confrontés à une forte odeur et une importante fumée provoquant des brûlures aux yeux et des toux. Nous avons constaté des cas de vertiges, maux de tête, douleurs abdominales et thoraciques, saignements, diarrhées. Je m’inquiète particulièrement pour les femmes enceintes et les vieillards qui sont touchés. Nous voulons savoir s’il y a un lien avec la pollution de la rivière.

Des restes de produits chimiques aux abords de la rivières. Photo envoyée par notre Observateur.

Aux abords de la rivière, on peut observer des tâches noires, certains espaces verts ont été décimés et de nombreux poissons ont été retrouvés morts. Ici, quasiment tous les villageois vivent de leurs plantations.

Vue d'ensemble de la rivière polluée. Photo envoyée par notre Observateur.

Malheureusement, ils n’ont pas de solution pour arroser leurs champs en ce moment. Sur les marchés, les autres habitants ne veulent pas acheter les aliments qui ont été produits localement, de peur qu’ils aient été arrosés avec de l’eau polluée. Pour s’approvisionner, ils doivent donc se rendre sur les marchés en ville, à Kolwezi.

Le lendemain de l’incident, le 8 septembre, le gouverneur de la province du Lualaba, Richard Muyej Mangez, a diffusé un communiqué interdisant à la population de faire usage de l’eau de la rivière. Mais après trois jours d’analyse, l’interdiction a été levée. "Nous avons versé de la chaux [le chaulage, technique de traitement à la chaux, un dérivé du calcaire, est utilisé pour faire diminuer le taux d’acidité, NDLR] pour rétablir un pH normal de la rivière. Il n’y a aucun danger" assure Jean Nzenga Nkongolo à France 24, qui refuse néanmoins de diffuser les résultats des analyses.

De son côté, la société civile demande une enquête sérieuse sur les risques d’une telle pollution. Lundi 19 septembre, l’IGBH ainsi que deux autres ONG, African Resources Watch, (AFREWATCH) et l’Association pour le Développement Durable de Luilu (ADDL), ont publié un communiqué à charge. Selon elles, ce sont huit villages, soit près de 8 000 habitants, qui dépendent de la rivière pour leurs activités agricoles, leur consommation, leur lessive, se laver, et qui se retrouvent aujourd’hui privés de cette ressource, comme l’explique Christian Sapu Kankonde.

Il n’y a pas d’autres rivières dans les environs. Pour avoir de l’eau, les habitants doivent alors puiser dans les forages, peu nombreux. Certains habitants m’ont raconté qu’ils devaient faire cinq kilomètres à pied pour chercher de l’eau.

Nous demandons une deuxième enquête, indépendante, pour savoir combien de litres d’acide ont été déversés, quelles conséquences sur la santé, si l’on peut boire l’eau, ou encore, quel danger y a-t-il sur les plantations.

"La population exagère"

Contacté par France 24 Richard Muyej Mangez, le gouverneur de la province s’est exprimé sur la situation :

Nous avons fait un communiqué ordonnant aux habitants de ne pas utiliser l’eau, le temps des premières analyses, et demandé à l’entreprise de circuler dans les villages avec un camion-citerne pour les approvisionner en eau potable pendant quelques jours [selon notre Observateur, les habitants ont jugé l’approvisionnement insuffisant].

Selon l’enquête de l’entreprise, l’eau n’est pas toxique. Arroser les plantes avec cette eau n’est pas nocif. Mais nous rappelons que des forages existent et que, de toute façon, boire l’eau de cette rivière est déconseillé depuis des années. Les maladies citées par la société civile sont sans rapport avec l’écoulement d’acide : la population exagère. Nous allons indemniser une dizaine de propriétaires terriens : ces derniers n’ont pas pu arroser leurs champs pendant l’interdiction, alors nous allons leur verser une somme symbolique, dont le montant n’a pas encore été déterminé.

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