NUTRITION - Étiqueter les aliments pour mieux comprendre ce qu'on consomme. C'est l'un des chevaux de bataille des pouvoirs publics, français et européens, afin de simplifier l'information sur les qualités nutritionnelles des produits et de modifier les comportements alimentaires à risque des consommateurs.
À partir du 26 septembre et durant 10 semaines, quatre systèmes d'affichage seront testés dans 40 supermarchés Casino, Carrefour Market et Simply Market d'Ile-de-France, de Normandie, des Hauts-de-France et de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Plus de 2 millions d'étiquettes seront collées sur 1300 produits, aux rayons traiteur (pizzas...), conserves, pains et viennoiseries industrielles. Vingt supermarchés serviront par ailleurs de magasins témoins.
"Il s'agit de voir lequel de ces systèmes est le plus susceptible de modifier les actes d'achat", en orientant les consommateurs vers des produits plus équilibrés, a déclaré Benoît Vallet, directeur général de la Santé et coprésident du comité de pilotage de l'expérimentation.
Un rapport classant l'efficacité des quatre systèmes, rendu au plus tôt en décembre, contribuera au choix du ministère de la Santé. Au final, l'étiquetage retenu sera "facultatif", la réglementation européenne ne permettant pas de le rendre obligatoire.
Information, lisibilité, pertinence... Comme tous ces systèmes ne se valent pas, même quand ils émanent de lobbys, nous avons demandé à Catherine Becker, diététicienne-nutritionniste à Cannes, de décrypter pour Le HuffPost leurs points forts et leurs points faibles.
- Nutri couleurs
Créé au Royaume-Uni, il est connu sous le nom de "Traffic Lights" (feu tricolore). Proposé par des industriels, il donne l'apport en nutriments à limiter et leur contribution aux apports quotidiens de référence (en %). Une couleur correspond à chaque score (rouge pour le plus élevé).
L'avis de l'experte:
"C'est trop complexe, il y a trop d'informations, et elles ne portent que sur l'alimentation d'une journée. En tant que professionnelle, c'est celui qui me donne le plus d'informations. Mais les gens qui achètent 50 articles d'un coup ne vont pas passer des heures à décortiquer ces étiquettes."
- Nutri repère
Amené par le syndicat d'industriels Alliance 7 (produits de l'épicerie et de la nutrition spécialisée) et la FICT (charcuteries), c'est une version revisitée du précédent. Matières grasses, acides gras saturés, sucres, sel... La représentation graphique visualise la contribution d'une portion aux apports quotidiens de référence (en %).
L'avis de l'experte:
"C'est la version française du code couleur du Royaume-Uni. Sauf que ces industriels ne voulaient pas être discriminés par le code couleur, sinon la charcuterie se retrouverait dans le rouge à chaque fois. D'où ce bleu discret qui passera inaperçu au milieu des packaging colorés. Et puis qui sait la différence entre matière grasse et acide gras saturé? Je pense qu'il n'aura pas beaucoup d'effet au long terme."
- Nutri score
C'est le choix de l'Inserm et de l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle du Professeur Serge Hercberg. Une lettre est associée à une couleur, du A/vert foncé pour le plus sain, au E/orange foncé. Il est fondé sur le score de Rayner, utilisé au Royaume-Uni pour déterminer les aliments interdits de publicité auprès des enfants.
L'avis de l'experte:
"C'est le plus synthétique, le plus simple, le plus rapide à lire grâce au système de couleurs. C'est idéal pour influencer les gens pendant leurs courses. Derrière, il y a pourtant une formule mathématique complexe. L'huile a beau être 100% grasse, elle ne se retrouvera pas dans la pire catégorie. Je trouve que c'est une très bonne idée."
- Repère alimentaire "SENS"
Porté par la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD, lobby de la grande distribution), il a été conçu avec un comité d'experts sur la base de travaux de l'Inra/Inserm de Marseille. Il favorise les bons nutriments et modère les autres (gras, sucre, sel).
L'avis de l'experte:
"C'est l'enseigne Carrefour qui porte ce projet. De mon point de vue professionnel, il y aura les légumes dans le vert, les pizzas en violet. Cela fonctionne bien. Il faut quand même peut-être souligner cette dernière couleur, qui est une concession faite aux industriels qui ne voulaient pas être discriminés."