Valls et Montebourg font front commun
Ils tiennent des meetings ensemble pour les municipales et ont décidé de s’épauler l’un l’autre pour la suite.
Par Elsa Freyssenet
Deux ministres sur les mêmes estrades, deux anciens candidats à la primaire socialiste qui font front commun. Manuel Valls et Arnaud Montebourg ont tenu meeting ensemble vendredi à Wingles dans le Pas-de-Calais, comme le 14 janvier à Avignon. Et ils promettent encore d’autres déplacements conjoints pendant la campagne municipale.
Alors que la menace du vote sanction conduit nombre de candidats socialistes à garder leurs distances avec la politique nationale, ces deux ministres restent demandés. Notamment dans les terres où le Front national menace. Là où le discours d’autorité de Manuel Valls et les penchants protectionnistes d’Arnaud Montebourg peuvent séduire. « A eux deux, ils racontent une belle histoire, celle d’une France volontaire », explique le député PS Nicolas Bays.
Incarner le volontarisme
Battre les estrades pour défendre la politique du gouvernement – dans toutes ses nuances - et remotiver les troupes, c’est certes répondre au vœu du président. C’est aussi une façon de mettre en scène l’alliance de deux hommes qui se sont trouvé des intérêts communs à court terme. « Nous partageons la même volonté de redresser la France dans un soutien mutuel et franc », confie Arnaud Montebourg.
« Nous avons envie de nous battre, de ne rien lâcher, d’aider le président et d’incarner le volontarisme : celui de l’Etat et l’engagement républicain », explique Manuel Valls aux « Echos », avant de préciser, sans fausse modestie : « Au fond, nous redéfinissons la gauche. » Car le ministre de l’Intérieur et celui du Redressement productif ont bien l’intention de faire l’histoire de la gauche.
Pas de guerre fratricide... pour l’instant
Tous deux quinquagénaires, ils sont animés par la même intention d’être candidats à la présidentielle de 2022. Au lieu de se lancer dès maintenant dans une guerre fratricide, ils préfèrent s’épauler. « Ils ont chacun une partie des cartes en main pour l’avenir. Alors il s’aident mutuellement à gagner des espaces », explique le député Malek Boutih.
L’alliance s’est précisée fin 2013 sur le constat d’un adversaire commun : Jean-Marc Ayrault. Arnaud Montebourg avait consommé sa rupture avec le Premier ministre, fin 2012, sur le dossier Florange. Manuel Valls a fait de même un an plus tard à propos de l’affaire Leonarda. Le ministre de l’Intérieur brigue Matignon, son collègue de Bercy serait prêt à lui laisser ce champ libre. « Il sait que Manuel est le mieux placé », assurent plusieurs proches d’Arnaud Montebourg. A condition de ne pas trébucher.
Isolés mais invirables
Anciens candidats à la primaire socialiste, il se savent invirables du gouvernement. « Il faut garder l’attelage de la primaire », répète François Hollande à ses proches. Mais tous deux sont dépourvus de courants au PS et chacun a pu constater son isolement lorsqu’il a été confronté à une crise.
Montebourg est raillé par les sociaux-démocrates et Valls est conspué par la gauche morale. Pour progresser, le premier doit éviter d’être marginalisé et le second doit sortir de l’enclos de l’aile droite de la majorité. Alors Montebourg a crié moins fort que d’autres au moment de l’affaire Leonarda et Valls estime désormais que la France a « besoin d’un patriotisme économique ». « Il n’est pas opposé à une certaine forme de protection économique », assure son entourage. Façon de se recentrer. Manière aussi d’enjamber les problèmes d’aile gauche ou droite en se choisissant un mot d’ordre commun, le « patriotisme ». Un conseiller résume joliment : « Leur rivalité les lie : ils sont comme deux gamins qui préparent une course de cyclo-cross. L’un gagnera, l’autre perdra, mais ils se seront entraînés toute la saison ensemble ».