Média indépendant à but non lucratif, en accès libre, sans pub, financé par les dons de ses lecteurs

Déchets

À louer : maison sans déchet et sans poubelle

Une famille installée près de Brest va proposer en location sa maison sans poubelle. L’idée est de séduire des familles déjà engagées sur la voie du zéro déchet ou de proposer une expérience singulière à des visiteurs curieux de vivre en minimisant leurs ordures, le temps des vacances.

-  Portsall (Finistère), reportage

Habiter une maison sans poubelle demande quelques efforts et quelques adaptations, surtout quand ladite maison est vouée à la location. C’est le pari que fait la famille Bourlier (Yves-Marie, Catherine et leurs enfants, Agnès et Hugo). Ils ont baptisé cette maison si particulière « Biwa », cela signifie « vivant », en breton. Ils comptent louer 8 semaines par an leur pied-à-terre des hauteurs de Portsall, une localité côtière située à une trentaine de kilomètres au nord de Brest.

Le jardin et le coin barbecue.

« J’en avais marre d’avoir des poubelles, explique Catherine, qui a initié sa famille. Je ne suis pas une militante, cette démarche représente pour moi un chemin qui me permet d’être en cohésion avec moi-même. » Dans la cuisine, des bocaux transparents remplis de produits secs (pâtes, céréales, biscuits) ornent les étagères. Un contenant creusé directement dans le plan travail recueille les restes de fruits ou les épluchures de légumes qui partiront ensuite au compost. Sur la table en bois brut du salon, Catherine sert un thé qu’elle a acheté dans une boutique de Brest spécialisée dans la vente en vrac. Au-dessus de la table, de jolis plafonniers ont été tricotés en maille de marinières recyclées par Sophie Le Fur, une créatrice basée au Relecq-Kerhuon.

 « Elle est passée de 150 litres d’ordures par semaine à 1 litre par an »

À l’image des goûts de la maîtresse de maison, la décoration du lieu est épurée. De grandes baies donnent sur le jardin conçu par le paysagiste Hugo Campion, de Brest. Celui-ci a créé cet extérieur en adéquation avec la démarche suivie à l’intérieur. « La spécificité de ce chantier est la corrélation ultrapoussée qui existe entre le jardin et la maison », dit le paysagiste, qui a voulu rappeler l’environnement local dans le choix des plantes (les ganivelles font penser aux dunes et les chemins en bois qui quadrillent la pelouse rappellent les pontons d’un port de pêche). Conformément à la demande des propriétaires, les plantes se gèrent elles-mêmes : elles n’ont pas besoin d’arrosage ni d’intrant phytosanitaire. Au fond du jardin, les deux bacs à compost ont été créés avec des palettes fabriquées par une recyclerie locale. Ils sont implantés à côté du futur potager.

Catherine présente les composteurs, construits avec des palettes recyclées.

Catherine a eu l’idée de cette expérience en lisant un numéro de Paris Match, il y a quelques années. « Moi qui ne lis jamais cette revue », s’amuse-t-elle. Dans un reportage consacré à Béa Johnson, elle découvre comment cette Française installée aux États-Unis s’est complètement détournée d’un système qui prône l’hyperconsommation et l’accumulation de toujours plus d’objets, d’équipements, etc. En un an, Béa Johnson a changé radicalement son mode de vie. « Elle est passée de 150 litres d’ordures par semaine à 1 litre par an », détaille avec admiration Catherine. Cinq piliers fondent la philosophie de la Franco-Étasunienne : refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter (et seulement dans cet ordre). La rencontre avec Béa Johnson* a été un déclencheur pour Catherine, qui avait d’abord lu son livre [1], riche de nombreuses astuces pour réduire ses déchets. Elle décrit une femme « très sympa et accessible », qui vit désormais des conférences qu’elle donne sur le sujet à travers le monde.

Des commerçants acceptent de jouer le jeu

Le projet s’est élaboré au gré des pérégrinations de la famille. Ils ont vécu, de 1999 à 2007, en Allemagne, dans le seul Land géré par les écologistes. Le recyclage y était donc un réflexe. Puis, ils rentrent en France, en région parisienne. « J’ai eu un gros choc en habitant Boulogne [Hauts-de-Seine], la nature me manquait et j’avais l’impression que les activités du week-end se réduisaient à des virées shopping dans les centres commerciaux, se souvient Catherine. Cette vie-là ne correspondait plus à nos attentes. » La construction de la maison Biwa démarre en septembre 2015.

Sacs en lin, bouteille en verre, Tupperware… le nécessaire de celui qui s’engage sur la voie du zéro déchet.

Depuis, Catherine consacre une bonne partie de son temps à trouver des astuces pour que ses futurs locataires, qui arriveront aux vacances de la Toussaint, vivent au mieux cette expérience. Deux types de publics sont visés : les familles qui pratiquent déjà le zéro déchet ou celles qui souhaitent se lancer dans l’expérience. Pour ces dernières, un accompagnement est prévu.

Des commerçants acceptent de jouer le jeu, comme Mathieu Forest, le boucher. Il concède que « cela prend plus de temps » de peser le contenant que Catherine a apporté avec elle pour mettre son rôti. Malgré l’originalité de la démarche, elle n’est pas sa seule cliente engagée dans cette réflexion. En tant que commerçant, Mathieu se plie à cette demande, mais préfère que ce ne soit pas aux heures de pointe : ça ralentirait le service et « certains clients pourraient trouver ça bizarre ».

Le boucher, Mathieu Forest, se prête au jeu.

À côté de la boucherie, Cédric Philippot est un converti. Avec son associée, Sarah Lemonnier, ils ont ouvert en mars la boutique sur ce principe de limiter les emballages. Huile, thé, café, fromages, beurre, et peut-être bientôt du vin, sont vendus vrac. « Nous incitons notre clientèle à venir avec leur Tupperware », sourit-il. Pour les courses, Catherine a fait coudre de petits sacs en lin. Le poids de chaque sac vide est brodé. Dernière étape avant d’accueillir les premiers locataires : la réalisation de vidéos bilingues pour les guider. Car, vivre sans poubelle et minimiser ses déchets ne s’improvise pas.

Fermer Précedent Suivant

legende