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La planète automobile entame sa révolution culturelle

¤ Le Mondial de Paris ouvre ses portes à la presse ce jeudi alors que les grands du secteur profitent de la croissance du marché européen. ¤ La vague du numérique et l'apparition de nouveaux services de mobilité obligent les industriels à se remettre profondément en cause.

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Par Julien Dupont-Calbo, Maxime Amiot

Publié le 29 sept. 2016 à 01:01

Est-ce la fin d'un monde ? Cette année, le Mondial de l'automobile, qui ouvre ses portes ce jeudi à Paris, offre un nouveau visage. Les vendeurs de rêves - Lamborghini, Aston Martin, Bentley ou Rolls-Royce - et plusieurs marques grand public - Ford, Volvo, Mazda - ont décidé de snober l'édition 2016 du Salon. Et plusieurs grands patrons (BMW, Fiat Chrysler, Mitsubishi) ne se donnent pas la peine de passer.

D'autres figures font pourtant leur apparition. Comme des spécialistes des VTC (Voitures Noires...), de la location (Sixt) ou du covoiturage comme BlaBlaCar, un petit nouveau porte de Versailles. « C'est une belle exposition auprès de notre coeur de cible, les gens qui ont une voiture. Et puis, c'est aussi un moyen pour nous d'entrer en contact avec les constructeurs », souffle-t-on au sein de la (grosse) start-up française.

L'air de rien, le secteur automobile se décloisonne peu à peu - contraint de s'entendre avec d'autres filières pour construire des voitures autonomes, électriques ou connectées. « Les frontières sont de plus en plus floues, l'industrie est arrivée à un carrefour », relève Rémi Cornubert, partenaire chez AT Kearney. « On vit un moment historique, surenchérit Johann Jungwirth, un ancien d'Apple devenu chief digital officer de Volkswagen. Le logiciel sera ce que le moteur était à l'industrie depuis cent ans. »

Une nouvelle start-up auto par semaine

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Bien sûr, c'est encore le début, même si, cet été, les opérations constitutives d'un nouvel écosystème se sont accumulées. En vrac : Delphi s'est allié avec l'israélien Mobileye pour plancher sur la conduite autonome; Ford et Baidu ont investi des centaines de millions de dollars dans Velodyne, un fabricant de Lidar (une sorte de radar); Uber et Volvo se sont entendus pour faire rouler des voitures autonomes à Pittsburgh; Valeo et Siemens ont décidé de faire route commune dans le moteur électrique... Autant de manoeuvres qui interviennent après l'investissement de GM dans Lyft, un concurrent d'Uber, chez qui Toyota a désormais des intérêts.

N'oublions pas non plus les start-up qui commencent à pulluler dans le domaine. « On recense une nouvelle start-up auto par semaine dans le monde. En cinq ans, 50 milliards d'euros ont été investis dans la mobilité, l'après-vente, l'électrique ou l'autonome - là où les constructeurs ont des faiblesses », souffle Marc Boilard, chez Oliver Wyman.

En somme, la vague semble enclenchée. « Sur tout ça, les constructeurs étaient encore sceptiques il y a quelques années, pointe Jean Boschat, chez AT Kearney. Aujourd'hui, c'est plus de l'inquiétude : ils se sont rendu compte que certains s'installent sur des bouts de la chaîne de valeur, et qu'il y a des avantages à être premier entrant. » La prise de conscience intervient alors que les comptes des grands noms du secteur sont au beau fixe avec les croissances des marchés européens et américains.

Pour s'adapter à ce nouveau jeu et répondre à Tesla qui les aiguillone, les constructeurs ont fort à faire. « Ils doivent casser leurs habitudes et s'ouvrir, cela se fera parfois dans la douleur, précise Bertrand Rakoto, un analyste indépendant. Quand on vit dans l'industrie, on a peu de compréhension du numérique, il n'est pas facile de s'éloigner du produit pour penser service. Seul Tesla y arrive vraiment pour l'instant », juge-t-il. « Les constructeurs doivent mener leur révolution culturelle, prendre la question de la relation client à bras-le-corps et mettre à bas leurs silos », confirme Marc Boilard.

Revoir les compétences

Chez Volkswagen, Johann Jungwirth a installé son équipe de 50 ingénieurs dans un open space, avec son bureau au milieu, à côté de l'espace ping-pong et baby-foot. « C'est une vraie rupture par rapport aux codes de la maison. On adopte un look décontracté, sans cravate, alors que c'est la règle en interne. Ca a surpris au début... », sourit le responsable de la stratégie numérique groupe, qui va embaucher un millier de développeurs informatiques - « Il faut revoir nos compétences, c'est évident », dit-il. La question s'avère même primordiale, à dire vrai. Pour ce faire, on peut identifier des ressources en interne et les isoler pour éviter que le système ne tue leur créativité. « C'est ce que Schweitzer avait fait chez Renault pour fonder Dacia », relève un observateur. On peut aussi « s'offrir » des cerveaux, une pratique répandue dans la Silicon Valley. Il y a quelques jours, Renault a racheté une petite start-up française, Sylpheo. Entre autres pour mettre la main sur ses 40 experts.

« Intégrer ces nouvelles compétences est souvent délicat, s'amuse un acteur du secteur. Si on veut les conserver, il ne faut pas les installer à Poissy ! » D'autant que les géants du numérique mènent la vie dure aux constructeurs sur le front de la guerre des talents. Plus « in », plus riches que les tenants de l'auto... « Et puis, il faudrait que le secteur ne pense plus par rapport aux diplômes, même après vingt ans de carrière, pointe Bertrand Rakoto. Il y a beaucoup d'autodidactes dans le logiciel. »

Les chiffres clefs

Le nombre de véhicules « inspirants » présentés par les grands constructeurs.Malgré quelques défections (Ford, Volvo, Aston Martin...), l'essentiel du secteur sera présent dans les travées du Salon.Le nombre de visiteurs lors de la dernière édition, en 2014.

Julien Dupont-Calbo et Maxime Amiot

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