Par Thomas Mankowski
  • Écouter
  • Réagir
  • Voir sur la carte
  • Partager
Feka Niemeijer répond depuis jeudi du meurtre de l’homme qui la battait. Le verdict doit être rendu ce vendredi

Le procès de Feka Niemeijer, jugée depuis jeudi à Périgueux par la cour d’assises de la Dordogne, raconte une histoire dramatiquement commune de femme battue.Tout y est : les humiliations, les coups, les menaces, les non-dits, les angoisses. Son récit recèle ce goût âcre de déjà-vu. À la différence notable que la Néerlandaise de 58 ans appartient à cette minorité...

Le procès de Feka Niemeijer, jugée depuis jeudi à Périgueux par la cour d’assises de la Dordogne, raconte une histoire dramatiquement commune de femme battue. Tout y est : les humiliations, les coups, les menaces, les non-dits, les angoisses. Son récit recèle ce goût âcre de déjà-vu. À la différence notable que la Néerlandaise de 58 ans appartient à cette minorité passée du statut de victime à celui d’accusée. C’est elle qui, dans sa propriété des Genêts, sur la commune de Saint-Sulpice-de-Mareuil (24), a donné la mort à son compagnon, Hans Detlef Plate, le 9 août 2013. Elle l’a frappé de plusieurs coups de hache alors qu’ il s’approchait d’elle une chaîne entre les mains.

Même si elle est le seul témoin direct du crime commis ce soir d’été, les points d’interrogation que la cour et les jurés vont devoir lever reposent moins sur la crédibilité de son récit que sur le cheminement qui l’a conduite dans l’impasse. Trois questions dominent toutes les autres : pourquoi a-t-elle renoué en 2012 avec cet homme qu’elle avait fui six ans plus tôt ? Pourquoi n’a-t-elle jamais déposé plainte ? Pourquoi, alors qu’il agonisait au sol, hors d’état de nuire, s’est-elle emparée de la chaîne pour l’étrangler ?

« Il m’a retrouvée »

À cette dernière question soumise par l’avocat général Stéphane Renard, Feka Niemeijer n’est pas parvenue à apporter de réponse précise. Trop de brouillard enveloppe ses souvenirs . En réponse à la première interrogation, en revanche, elle raconte : « C’est lui qui m’a retrouvée et recontactée. Il savait précisément où j’habitais. Je préférais savoir quand il viendrait et m’y préparer. J’avais toujours peur de lui. » Pas seulement. Elle l’a cru quand il a dit avoir changé, soigné son alcoolisme, suivi une thérapie.

« Feka est une bonne personne qui offre plusieurs chances aux gens », dit d’elle une proche. « Elle ne voit que le meilleur chez l’autre. »

Ils s’étaient connus en 1999. Il était sans domicile fixe, elle l’avait accueilli. Elle l’a follement aimé au début.

« Dédé » était violent aux Pays-Bas. Il l’est rapidement redevenu en France. La quinquagénaire raconte que son compatriote la violait, l’attachait au radiateur. « Il m’urinait dessus. Souvent. » Elle était terrifiée à l’idée qu’il l’étrangle dans son sommeil. Feka Niemeijer assure ne pas être restée passive. Peu de temps avant le meurtre, elle était parvenue à le convaincre de partir avec son argent et ses bijoux. Il aurait accepté mais réclamé quelques jours pour s’organiser. Comme nombre de victimes de violences conjugales, Feka Niemeijer s’est appliquée à cacher ses blessures. Dans son entourage, tous n’étaient pas dupes. Ils ont tenté de la convaincre de déposer plainte. Sans jamais y parvenir.

Blocages

Elle décrit les barrages l’empêchant de franchir le seuil d’une brigade, à commencer par son éducation (ce qui se passe à la maison y reste) et les menaces d’Hans Detlef Plate : il se vengerait en s’attaquant à ses enfants, ses petits-enfants, ses amis et sa maison. Puis s’était forgée en elle la certitude qu’une telle démarche demeurerait contre-productive : « J’ai eu un père violent , je sais comment ça se passe. Quand il revenait, c’était pire. Il m’a frappée si fort une fois, à l’âge de 11-12 ans, que j’ai fini à l’hôpital. Jamais personne n’a rien fait pour moi. »

Si la défense s’est appliquée jeudi à mettre l’accent sur le danger permanent enveloppant l’accusée , jamais les deux avocats n’ont parlé à l’audience de « légitime défense ». La victime pas davantage, à l’inverse de ses proches qui, cités à comparaître, n’ont eu de cesse de la plaider. Le verdict est attendu ce vendredi.

A lire aussi
Un père vide les livrets d’épargne de ses trois enfants, la banque condamnée
Bruno Le Maire à « Sud Ouest » : « Nous n’augmenterons pas les impôts »