Envie d'une histoire courte ? Servez-vous !

INNOVATION. Des bornes de lecture express fleurissent dans les lieux publics. Un concept ludique, imaginé par une société grenobloise, qui plaît même à ceux qui ne mettent jamais le nez dans un livre.

Gare de l’Est, lundi. Amandine et Clélia ont savouré une nouvelle du distributeur d’histoires.
Gare de l’Est, lundi. Amandine et Clélia ont savouré une nouvelle du distributeur d’histoires. LP/PHILIPPE LAVIEILLE

    Juste avant de prendre son TGV pour Metz (Moselle), Jérôme, 28 ans, ingénieur en mécanique, appuie sur le bouton « temps de lecture 1 minute ». Face au quai no 23 de la gare de l'Est, à Paris (Xe), le distributeur d'histoires courtes lui délivre alors gratuitement, sur du papier au format de facturette allongée, « le Corbeau et le Renard ». « Gamin, je la connaissais par coeur, cette fable de La Fontaine. Je vais pouvoir la réviser dans le train », sourit-il.

    Imaginée par une start-up grenobloise de 15 salariés, cette borne cylindrique connectée à Internet fleurit actuellement dans vingt-quatre gares, trois bibliothèques, deux mairies, une galerie commerciale, un centre de lutte contre le cancer, un aéroport... « Cinquante-trois sont aujourd'hui installées, il y en aura plus du double d'ici à la fin de l'année », s'enthousiasme Christophe Sibieude, président de Short Edition, plate-forme en ligne littéraire dédiée aux nouvelles, poèmes et microfictions. Dans quelques jours, le distributeur doit s'inviter dans les gares du Nord à Paris et de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, mais aussi dans un hôtel à Lyon (Rhône). L'appareil propose de manière aléatoire des petits textes qui se dévorent entre une et cinq minutes, écrits par des célébrités dont les oeuvres sont tombées dans le domaine public ou par une immense communauté de 5 500 écrivains amateurs alimentant le site de Short Edition.

    Il est loué entre 300 et 500 € par mois au propriétaire des lieux, selon la durée d'engagement choisie, vingt-quatre ou douze mois. Les plumes imprimées perçoivent, elles, des droits d'auteur. « C'est un moyen noble de promouvoir la lecture déconnectée du smartphone et non perturbée par des mails ou des SMS. C'est aussi un moyen de revaloriser l'écriture », résume le patron.

    Depuis deux mois, une machine a trouvé sa place dans le salon de la résidence services seniors les Jardins d'Arcadie à Versailles (Yvelines). Les pensionnaires applaudissent.

    « Même ceux qui ne prennent pas habituellement de livres à la bibliothèque vont se laisser tenter, parce que c'est vite lu et que le support leur plaît bien. Ils trouvent ça ludique et ultramoderne », observe Morgane, l'animatrice.

    Gare de l'Est, Amandine et Clélia, deux étudiantes en partance pour Reims (Marne), découvrent le concept. « C'est court, c'est bien fait pour les voyageurs qui attendent leur train. Dommage que ce ne soit pas suffisamment mis en valeur dans la gare », soulignent les demoiselles, qui se voient offrir une nouvelle baptisée « Le roman que je veux terminer ».

    « Cela permet de rêver, de se cultiver sans rien débourser, ça éveille aussi en nous notre créativité », encense Jérôme, usager en costume-cravate.

    Devant un tel succès, la « dealeuse de littérature » n'a pas l'intention de se contenter du marché hexagonal. Elle a décidé de conquérir la planète. Une dizaine de distributeurs vont déjà s'exporter à Dubaï ces prochaines semaines, déversant leurs rouleaux de jolis mots à l'aéroport et dans des bâtiments gouvernementaux.

    Parcourez les citations sur le thème "courte"