Ray Banana, par Ted Benoit.

Ray Banana, le héros gominé de Ted Benoit.

Ted Benoit/Champaka

Ironie du destin, c'est au moment où Paris Paris célèbre Hergé, le maître de la "ligne claire", au Grand Palais, que Ted Benoit tire sa révérence. Lui qui s'était imposé comme l'un des héritiers les plus doués du père de Tintin (les deux hommes ne s'étaient croisés en tout et pour tout que quelques secondes sur un plateau de télévision belge) et avait publié un album-manifeste intitulé Vers la ligne claire (Humanoïdes Associés), s'est éteint ce vendredi à 69 ans.

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Ted Benoit portrait

Ted Benoit.

© / Dargaud

Venu de l'underground -il a commencé à Actuel première formule et à Libération période gauchiste-, Thierry Benoit dit Ted Benoit, fit partie de la talentueuse petite bande (Swarte, Yves Chaland, Serge Clerc...) qui réussit la synthèse miraculeuse entre les classiques de la bande dessinée franco-belge et l'esthétisme froid des années 80 dans les pages de Métal Hurlant et (A SUIVRE).

Son chef d'oeuvre, Berceuse électrique (Casterman), y ajoutait sa fascination pour les films noirs américains, héritée de ses années d'études à l'Idhec et de sa fréquentation assidue de la Cinémathèque. Son "héros", Ray Banana, un Errol Flynn distrait au sens de la répartie ravageur, toujours affublé de lunettes d'aviateur, était l'un des personnages les plus attachants de la bande dessinée de ces années-là. Les aventures de Ray Banana offrent un joyeux démenti à tous ceux qui penseraient que la "ligne claire" n'est qu'une copie infantile de Tintin.

La reprise de Blake et Mortimer

Son trait très pur, où l'on décelait l'influence du Hollandais Joost Swarte, en a fait le candidat naturel à la reprise de Blake et Mortimer, en 1996. Les deux albums qu'il co-signa avec Van Hamme au scénario, L'Affaire Francis Blake et L'étrange rendez-vous, sont, de l'avis des fans, les deux meilleurs de l'après-Jacobs.

C'est son épouse, Madeleine de Mille, qui se chargeait avec finesse des couleurs. Célèbre dans le milieu pour son extrême méticulosité (ou sa lenteur, c'est selon...), Ted Benoit eût le courage (rare) d'arrêter Blake et Mortimer de son propre chef, alors que les albums se vendaient par centaines de milliers d'exemplaires. Ajoutons, pour l'avoir croisé deux ou trois fois, que c'était un homme modeste et attachant.

Ted Benoit, couverture

Couverture de Blake et Mortimer signée Ted Benoit.

© / Blake et Mortimer

Ces derniers temps, son oeuvre avait pris un tour plus "philosophique", même si son humour tongue in cheek irriguait toujours ses pages. Sur le net, il publiait La philosophie dans la piscine, où Ray Banana livrait ses réflexions désabusées sur Platon et le monde comme il va (mal).

Au paradis avec Chaland

Nul doute que la nouvelle de la mort de Ted Benoit va plonger dans la tristesse le petit village de Nérac (Lot-et-Garonne), où se tiennent justement, ce week-end, les Rencontres Chaland, dont il était un fidèle. Des rencontres dédiées à l'oeuvre d'Yves Chaland, le créateur du Jeune Albert, grand ami de Ted Benoit, tragiquement disparu en 1990. Ray Banana va pouvoir retrouver le Jeune Albert au purgatoire des héros de bande dessinée. On paierait cher pour surprendre leur conversation.

P.S : pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur la personnalité et l'oeuvre de Ted Benoit, on ne saurait trop conseiller le blog Metropolis Journal.

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