Rembrandt, un peintre en quête de vérité

En plein XVIIe siècle, le peintre néerlandais se démarqua de la tradition classique en osant sonder l'âme de ses sujets. Mais aussi la sienne.

Par Sophie Cachon

Publié le 02 octobre 2016 à 10h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h02

Le Christ s'est arrêté à Emmaüs. Dans une auberge misérable, les pèlerins en sont abasourdis : les voilà attablés avec le fils de Dieu. Au XVIIe siècle, en Hollande, un peintre classique aurait représenté cet épisode de l'Evangile avec figures d'usage et Jésus en majesté. Rembrandt Van Rijn (1606-1669), lui, plonge la scène dans le noir et l'éclaire d'un halo surnaturel. A contre-jour, on aperçoit à peine la chaise renversée et le pèlerin prosterné, face au profil christique se découpant en ombre chinoise, d'une puissance dramatique phénoménale. En 1629, Rembrandt a 23 ans lorsqu'il peint ce chef-d'oeuvre, nommé Le Repas des pèlerins d'Emmaüs, et se démarque nettement de la tradition hollandaise d'une peinture finie et porcelainée. Virtuose, protéiforme, ce génie hors normes, qui maîtrise à la perfection dessin, peinture, gravure sous toutes ses formes, veut avant tout traduire l'âme de ses sujets. Il place ces derniers dans des clairs-obscurs hérités du Caravage, supprime les décors, opte pour des fonds ocre ou noirs, des personnages sobres, avec toutefois des habits parfois somptueux, pour lesquels il a un net penchant. Ils sont à son image : artiste adulé menant grand train, il finira seul et sans le sou après une succession de malheurs.

En une vingtaine de tableaux venus de grandes institutions et du musée Jacquemart-André, ainsi qu'une trentaine de dessins, le parcours restitue la quête de vérité du peintre dans sa matrice : l'intimité. Intimité de la création, avec des dessins réalisés pour le seul plaisir de la main (ils ne servaient pas toujours à la préparation des toiles), telle La Marchande de crêpes, fameuse. Intimité de la vie familiale : père et mère sous le trait fourmillant du burin, ses deux compagnes, Saskia en Flore (1634), icône de l'Ermitage figurant son épouse morte à 30 ans, et Hendrickje Stoffels, la seconde, dans un portrait d'une infinie tendresse. Intimité, enfin, avec les modèles et avec lui-même : simples quand la commande est prestigieuse, les personnages portraiturés apparaissent dans toute leur vérité. Rembrandt s'est représenté près de quatre-vingts fois. Un petit film en « morphing » donne à voir ses différents autoportraits en fondu-enchaîné, de la jeunesse à la vieillesse. Sa méditation sur la vérité ne fait aucune concession et sonne juste jusqu'au bout. 

Saskia en Flore, Rembrandt, huile sur toile, 125 x 101 cm, 1634.

Saskia en Flore, Rembrandt, huile sur toile, 125 x 101 cm, 1634. © The State Hermitage Museum / Vladimir Terebenin

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