Le pape François sur la place Saint-Pierre, au Vatican, le 14 septembre 2016

Le pape François sur la place Saint-Pierre, au Vatican, le 14 septembre 2016 (image d'illustration).

afp.com/TIZIANA FABI

A droite, la laïcité semble être à géométrie variable. Depuis lundi, des ténors du parti Les Républicains étrillent la ministre de l'Education nationale qui a eu l'outrecuidance, selon eux, de répondre au pape François, ce dernier ayant soutenu que les manuels scolaires français faisaient l'apologie d'une supposée "théorie du genre". Cette même droite qui critique régulièrement le burkini ou encore le voile au nom du principe de laïcité.

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La droite défend le pape

D'où vient la polémique? Dimanche soir, le pape François a relancé un vieux débat sur la supposée "théorie du genre" -un concept fumeux dérivé des "études de genres" déconstruisant les fonctions attribuées à chaque sexe et pointant les stéréotypes de genre- et a accusé les manuels scolaires français de la propager.

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Une accusation à laquelle a répondu lundi la ministre de l'Education, cible préférée de la droite depuis le départ du gouvernement de Christiane Taubira. Sur France inter, Najat Vallaud-Belkacem a regretté les paroles "légères et infondées" du pape: "Je n'imaginais pas qu'il se laisserait embarquer par des intégristes et leur folie mensongère. Ça me met en colère". N'en jetez plus.

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"Qu'a-t-elle fait de sa vie pour se permettre de mépriser autant celui qui est au-dessus d'1,2 milliard de catholiques?", s'agace Christian Estrosi, le président de la région Paca, ce mardi sur Europe1.

"La laïcité, ce n'est pas le silence religieux. Les religieux ont le droit de s'exprimer", assure François Fillon, candidat à la primaire à droite, sur iTélé. "Comment osez-vous invectiver le Pape? Pour qui vous prenez vous", publie sur Twitter Pierre Charon, sénateur LR de Paris. "Qui êtes-vous, Mme Najat Vallaud-Belkacem [...]?", renchérit le député LR Hervé Mariton.

Le pape, au-dessus ou en-dessous d'un ministre de la République?

A droite, la contre-attaque coordonnée sous-entend donc qu'une ministre de la République ne pourrait pas répondre au pape, chef de l'Etat du Vatican tout autant que de l'Eglise catholique. Pourtant, les ténors du parti Les Républicains ne se privent pas de critiquer les hauts dirigeants politiques, François Hollande en premier lieu. Alexis Tsipras, ancien Premier ministre grec, mais aussi Barack Obama, sont également pris pour cible.

Contactés par L'Express, les ténors de la droite les plus critiques sont d'accord sur un point: oui, Najat Vallaud-Belkacem peut répondre au pape... mais pas trop quand même et en y mettant plus de formes. "Elle s'adresse à quelqu'un qui règne sur 1,2 milliard de personnes", rappelle Pierre Charon, qui souligne que le pape n'est pas éphémère, contrairement à Najat Vallaud-Belkacem, "simple petite ministre de la République". "Najat Vallaud-Belkacem aurait-elle dû faire de déférence envers quelqu'un au-dessus d'elle?" "Bien sûr", répond sans hésiter Pierre Charon.

"Le pape a un rang de chef d'Etat. C'est une autorité morale, donc spirituelle, et politique, explique l'entourage de François Fillon. Lorsque l'on s'adresse à lui, il y a des limites sur la forme dont il convient de ne pas s'affranchir", grince un proche. "Critiquer le chef de son propre Etat [François Hollande, ndlr] est une chose, mais François Fillon ne lui a jamais manqué de respect", se défend l'entourage de l'ancien Premier ministre qui a pourtant qualifié le président de la République de "salopard" début 2015.

Dans ce flot de critiques, Hervé Mariton fait partie des plus mesurés: "La parole d'un ministre est libre et responsable", assure-t-il avant de préciser qu'il faut être "attentif à sa parole" et ne pas tomber "dans le simplisme".

Nicolas Sarkozy, lui, fait bande à part. Jeudi, lors d'un meeting à Montauban, il s'est montré le plus virulent et a assuré que la ministre aurait dû "se taire". "Elle nous fait honte", tonne-t-il. Et de s'interroger: "peut-on refuser le relativisme et affirmer que la parole du pape n'est pas de même nature que celle des idéologues de la théorie du genre?", validant ainsi l'existence d'une supposée théorie du genre qui serait selon lui, enseignée dans les manuels scolaires. Ce qui est faux.

Une laïcité à deux vitesses?

A droite, la laïcité semble donc être à deux vitesses. D'un côté, des critiques sur le burkini, le voile ou ces 29% des musulmans qui pensent, selon une étude du JDD, que la loi islamique est plus importante que la loi de la République, constitueraient donc une atteinte à la séparation de l'Etat et du religieux. De l'autre, la défense au pied levé des prises de positions du pape.

"Vous mélangez tout, assure l'entourage de François Fillon. Il faut comparer ce qui est comparable. Est-ce que le pape a dit que les lois catholiques étaient supérieures à la République? Répondez. Non!", tonne un proche.

Auprès de L'Express, Jean-Pierre Charon balaie la question. Mais reconnaît un décalage: "La différence, c'est que la religion catholique ne pose pas de problème; l'islam, oui, un peu ces temps-ci", assure-t-il, sans toutefois faire un lien avec les attentats qui ont endeuillé la France depuis l'an dernier, ni considérer que la religion catholique serait au-dessus des lois de la République.

Pour une partie de la droite française, avant d'être le chef d'un des plus petits États au monde, le souverain pontife est d'abord une autorité spirituelle. Et quand le pape parle, il faut dire amen.

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