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IVG, diabète, cancer… ces intox sur la santé qui polluent Google

L’amendement destiné à sanctionner les sites anti-IVG a remis, depuis le 28 septembre, au centre du débat la question de la circulation sur Internet des fausses informations sur la santé.

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Publié le 05 octobre 2016 à 11h38, modifié le 02 février 2017 à 13h39

Temps de Lecture 3 min.

C’est devenu un réflexe pour de nombreux internautes : dès que le moindre doute s’installe sur leur état de santé, une recherche sur Internet s’impose. Selon Google, près de 1 % des requêtes reçues concerne d’ailleurs des mots-clés médicaux. Cette pratique n’a pas échappé aux groupes d’intérêt, qui ont adapté leurs stratégies de communication pour influencer l’internaute.

La stratégie de communication la plus utilisée, tous acteurs confondus, est de présenter des points de vue orientés comme des sites contenant des informations neutres, pour leur donner une certaine légitimité.

Une fois ces contenus produits, il faut s’assurer qu’ils arrivent en bonne place sur la page de résultats de Google. Le moyen le plus rapide d’y parvenir est de sponsoriser son site. Ce dernier apparaîtra alors au-dessus des résultats de la recherche, avec le libellé « Annonce ».

Comme les anti-IVG, les industriels de l’agroalimentaire choisissent régulièrement la stratégie de la mise en avant payante de leurs contenus. Une recherche croisée sur leurs produits et un mot-clé relatif à la santé (« santé », « information », « cancer », etc.) entraîne pratiquement systématiquement l’apparition de leurs sites d’« information » parmi les liens sponsorisés.

Une recherche sur les liens entre aspartame et diabète renvoie vers un lien sponsorisé par un industriel de l’agroalimentaire.

Publication régulière de nouveaux contenus

Mais il est également possible de jouir d’une bonne visibilité sans avoir de grandes ressources financières. Pour apparaître en bonne position dans la page de résultats liée à une requête les concernant, il faut par exemple publier régulièrement de nouveaux contenus. Une technique que les sites tentant de dissuader les femmes d’avorter emploient beaucoup.

C’est dans ce contexte que le 28 septembre, Laurence Rossignol annonçait qu’un « délit d’entrave numérique » serait ajouté au projet de loi égalité et citoyenneté. L’objectif : étendre à Internet le délit d’entrave à l’accès à l’information sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) créé en 2014. Si l’amendement a été refusé par le Sénat le lendemain pour des raisons techniques, il devrait faire son retour dans une autre loi dans les mois à venir.

Depuis le début de 2016, les nombreux témoignages régulièrement publiés sur le site ivg.net lui ont permis de devancer de nouveau le site officiel ivg.gouv.fr, peu animé au quotidien, dans les résultats non sponsorisés. Le site, d’apparence neutre, est en fait animé par l’association baptisée SOS-Détresse et un certain René Sentis, par ailleurs auteur d’ouvrages chrétiens sur l’amour et la fécondité.

Le site « pro-vie » ivg.net apparaît dans les liens sponsorisés de Google concernant l’avortement.

Les modes d’action des « pro-vie » ont en effet évolué, et une « nouvelle génération » utilise désormais volontiers le Web ou les réseaux sociaux. Les sites anti-avortement jouent principalement sur la fibre émotionnelle de l’internaute en mettant en avant des témoignages. Certains donnent systématiquement la parole aux femmes ayant choisi de garder l’enfant, comme testpositif.com, dont le webmaster est Emile Duport, le leader du mouvement anti-IVG Les Survivants. Mais la plupart préfèrent mettre en avant des témoignages autour du « traumatisme postavortement ».

La stratégie de la mise en doute

« Créer le doute sur les coûts sanitaires, sans pour autant les nier » : telle était la stratégie de l’industrie du tabac dévoilée par le Tobacco Institute en 1972.

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Une stratégie de contenu que les industriels de l’agroalimentaire ont reprise à leur compte. Rarement complètement faux, mais jouant sur la focale des études ou des données contradictoires, les faits mis en avant par les industriels peuvent souvent se résumer par « le débat scientifique reste ouvert ». Une affirmation du Centre d’études et de documentation du sucre (Cedus), au sujet du lien entre prise de poids et consommation de boissons sucrées.

En faisant nos recherches sur les problématiques de santé publique, nous avons comptabilisé bien moins de sites émanant d’organismes officiels parmi les liens sponsorisés que de sites émanant de groupes d’intérêts. Seul l’Institut national du cancer a une politique de sponsorisation systématique de ses contenus.

Plus étonnant encore, malgré l’interdiction de la sponsorisation d’« annonces relatives à l’avortement » dans les règles en matière de publicité sur Google, les sites « pro-vie », comme ivg.net ou ecouteivg.org, apparaissent régulièrement dans les liens sponsorisés. Une présence qui tranche avec celle, plus sporadique, des sites d’associations défendant le droit à l’avortement (ivglesadresses.org, planning-familial.org, choisirsacontraception.fr).

La question de l’IVG illustre le positionnement difficile du moteur de recherche, qui vit de la publicité et doit en même temps promouvoir des informations fiables pour garder la confiance de ses utilisateurs. En juin, la firme américaine a d’ailleurs décidé d’afficher des encadrés informatifs validés par des professionnels de santé pour les sujets médicaux les plus recherchés aux Etats-Unis. En France, le programme Google Ad Grants sert pour l’instant cet objectif de fiabilité, en offrant aux associations éligibles, telles que le Planning familial, un crédit de publicité. Interrogé sur le sujet, Google déclare « restreindre la promotion des produits liés à la santé et s’occuper de supprimer les publicités qui contreviennent aux lois locales ».

Contre la diffusion de fausses informations, « Le Monde » lance le Décodex

Fruit de plus d’un an de travail, le Décodex, lancé début février 2017 par Le Monde, est un outil qui vise à lutter contre la diffusion virale de fausses informations et à aider les internautes à se repérer dans la jungle des sites producteurs ou relayeurs d’informations : est-ce un média citant ses sources et vérifiant ses informations, un site fabriquant ou propageant de fausses informations, un site militant ne mentionnant pas son affiliation politique ? Avant de partager une information, différents outils sont à votre disposition pour évaluer la fiabilité du site sur lequel elle est hébergée :

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