Cécile Duflot rend publique sa lettre de «rupture» avec François Hollande

Comment en vient-on à claquer la porte du gouvernement lorsqu'on est ministre d'État? Souvent rapportée par des tiers ou commentée a posteriori, la réalité concrète de ce genre de rupture échappe à la curiosité du grand public. Mais dans le cas de l'écologiste Cécile Duflot, qui a quitté le gouvernement en mars 2014, les détails prennent une tournure très politique. Ce n'est d'ailleurs par hasard que la députée de Paris, qui se rêve candidate d'EELV à la prochaine présidentielle, a choisi de publier sa lettre de «rupture» le jour du second débat de la primaire écologiste. En évoquant ce document dans le livre «Conversations privées avec le président», François Hollande avait tenté de minimiser en considérant qu'il s'agissait d'une «lettre d'excuses». C'est un contenu beaucoup plus musclé qui a été dévoilé ce mercredi.

Entre l'ancienne ministre et François Hollande, le «moment de rupture totale» intervient un soir de septembre 2013, dans le contexte de tension sur la place des Roms en France. «Cher François. J'écris bien sûr au président de la République mais surtout - puisque je n'utilise aucun canal officiel - à celui qui occupe la fonction plutôt qu'à la fonction elle-même», précise d'emblée Cécile Duflot dans sa missive. «J'ai trouvé effarant qu'une telle ligne - intellectuelle et politique - soit franchie», assène-t-elle d'emblée, en évoquant une prise de position de Manuel Valls quelques jours plus tôt sur France Inter. Le premier ministre avait estimé que les Roms ont «vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie».

Valls accusé de jouer le même jeu que Sarkozy

Cécile Duflot en est persuadée, l'entourage du président «laisse filtrer» que François Hollande «approuvait cette expression». Pire, l'ex-ministre du Logement dévoile une manipulation de l'exécutif. Évoquant la circulaire du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites, et qui devait selon elle, «fermer la porte à toute possibilité de jouer avec les bas instincts du populisme stigmatiseur», Cécile Duflot affirme «que Manuel (Valls) demandait aux préfets de ne pas respecter» le texte. «C'était bien médiocre de constituer une image d'homme fort en écrabouillant au bulldozer des cabanes dans lesquelles vivent des hommes et des femmes en haillons qui nourrissent leurs enfants en fouillant les poubelles des restaurants», assène encore l'ancienne patronne d'EELV. «Croire un instant qu'en embrayant sur les thèses du Front national cela le ferait reculer est une illusion. Sarkozy en a fait la démonstration et une faute parce que cela permet à ses idées de percoler plus profondément dans la société», juge-t-elle, accusant le gouvernement de «verser dans l'instrumentalisation (…) d'une action basée sur la discrimination».

À la loyauté qu'elle affirme assumer en tant que ministre, Cécile Duflot demande une contrepartie au chef de l'État: «Tu ne peux pas exiger de moi l'obéissance à une ligne qui s'imprimerait, sans jamais avoir été discutée et qui est en opposition avec le cœur de mes - nos? - convictions». Avant d'administrer à François Hollande son analyse en forme d'avertissement sur la responsabilité qu'implique la monarchie républicaine. «La Ve République, plus encore depuis le quinquennat, tient le président dans une mâchoire d'acier: un pouvoir sans égal dans les démocraties mais aussi l'incarnation dernière, le rempart nécessaire - ou un avilissement collectif, comme nous l'a fait vivre ton prédécesseur». Celle qui brigue désormais les plus hautes fonctions de l'État sait donc à quoi s'en tenir.

VIDÉO - Cécile Duflot aurait décliné la place de numéro 2 du gouvernement: