Dur, dur de maintenir le rythme et le coup de pédale. La majorité d'entre-eux travaille à vélo, mais les coursiers qui exercent pour les plateformes de livraison de plats comme Deliveroo, Foodora, UberEats ou Nestor sont de plus en plus nombreux à troquer leur bicyclette contre un scooter, au gré des semaines passées sur la selle. Pour moins se fatiguer et enchaîner plus facilement les "shifts" [horaires de service, NDLR]. Et donc accroître leurs gains.

Publicité

LIRE AUSSI >> Deliveroo, Foodora... La promesse d'un livreur écolo à vélo, bientôt du pipeau?

Mais ces coursiers, qui travaillent pour ces groupes en tant qu'auto-entrepreneurs, n'ont bien souvent pas le droit d'exercer sur un véhicule motorisé. C'est pour cela que, dans un premier temps, les sociétés de livraison de plats n'ont travaillé qu'avec des bikers, la livraison à vélo n'étant pas soumise à la même réglementation.

Activité réglementée

"En France, la loi est bien précise, explique à L'Express l'avocat Julien Toussaint. Selon le Code du Transport, tout déplacement motorisé de marchandise ou de personne relève du transport public, qui est strictement réglementé. Et le Décret 99-752 du 30 août 1999 précise que pour exercer dans ce domaine, il faut impérativement être détenteur -entre autres- d'une attestation de capacité de transport."

Pour obtenir ce sésame, il faut suivre une formation d'une quinzaine de jours et débourser entre 900 et 2500 euros. La formation est ensuite validée par un examen, qui atteste de la capacité du candidat à transporter des marchandises. Pour pouvoir livrer, il faut ensuite être inscrit au registre des transporteurs.

Vers un remake de la guerre VTC/taxis?

Ces obligations, les livreurs auto-entrepreneurs ne les respectent pas... puisque les sociétés pour lesquelles ils travaillent ne le leur demandent pas. UberEats ne mentionne sur son site que la nécessité d'avoir le permis B ou le BSR, la carte grise du véhicule et une assurance. Comme Nestor, Deliveroo ne parle pas formellement des pièces à fournir pour être coursier motorisé - mais Julien, l'un de ses livreurs, explique que l'entreprise lui a seulement demandé "la carte grise et l'assurance". Sur le site de Foodora, on ne trouve aucun mention du travail en scooter. On fait mieux en matière d'information.

Les restaurants qui ont leur propre service de livraison ne sont pas soumis à la même réglementation que les coursiers.

Les restaurants qui assurent eux-mêmes leurs livraisons ne sont pas soumis à la même réglementation que les coursiers indépendants.

© / L'Express.fr/SL

"On ne comprend pas pourquoi la réglementation n'est pas appliquée à ces plateformes de livraison, s'étonne Antoine Cardon, délégué du syndicat national du transport léger (SNTL). On dirait que les pouvoirs publics ne les ont pas vu venir. Et maintenant qu'ils sont dépassés, ils ne veulent pas se saisir du problème pour ne pas se mettre à dos ces sociétés qui, à défaut de créer des emplois, créent du travail".

La colère gronde chez les professionnels du secteur. "Nous, on paye des charges et on respecte la réglementation. On est donc forcément plus chers que ces livreurs auto-entrepreneurs, s'indigne Bruno Neveu, Vice-Président du SNTL et dirigeant de la société Top Chrono. Pour livrer un plateau repas, nous sommes deux à trois fois plus chers. Mais personne ne veut agir. D'ailleurs l'ex ministre de l'Economie [Emmanuel Macron, NDLR] était plutôt favorable à ce genre de plateformes et à l'uberisation."

Ils vont agir, déterminés à se faire entendre. "Mais on ne va pas non plus avoir recours aux méthodes que les taxis ont pu utiliser avec les VTC. Leur contestation était violente et ultra médiatisée, tempère Antoine Cardon. On ne prendra pas cette voie. Mais une action va être engagée courant octobre pour concurrence déloyale auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)."

Pourquoi la loi n'est-elle pas appliquée? L'Express a posé la question au ministère des Transports, lequel renvoie au ministère de l'Intérieur, qui lui même renvoie à la préfecture de police, qui oriente vers la DGCCRF, qui renvoie... au cabinet d'Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat chargé des Transports, lequel n'a pas donné suite à nos nombreuses sollicitations.

Le système en question

Même absence de réponse chez Nestor, Deliveroo, Foodora et UberEats, qui bottent en touche la plupart du temps. Quant à Foodcheri et Stuart, au fait de la législation, ils assurent ne pas employer de livreurs motorisés.

La livraison de plats procure du travail à plusieurs milliers d'auto-entrepreneurs. Mais le système actuel, et sa législation à double vitesse, restrictive pour les uns, flexible pour les autres, commence à poser des problèmes. Qu'il va falloir résoudre rapidement.

Publicité