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Comment la Russie a bloqué le trafic aérien de Roissy pendant près d'une heure

Un Airbus d'Air France sur le tarmac de Roissy Charles de Gaulle, le 18 mars 2015.

Un Airbus d'Air France sur le tarmac de Roissy Charles de Gaulle, le 18 mars 2015. - ERIC PIERMONT / AFP

Jeudi midi, pendant près d'une heure, aucun avion n'a décollé ni atterri à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, au nord de Paris. En cause, le survol de notre espace aérien par un avion russe en mission de reconnaissance. Une situation peu fréquente, mais tout à fait légale. Explications.

Fait rarissime, l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle a connu jeudi une heure de tranquillité absolue à la mi-journée, ainsi que l'a rapporté France Bleu Paris. Entre 11h20 et 12h15, aucun avion, toutes compagnies confondues, n'a décollé ni atterri du tarmac de l'aéroport situé au nord de Paris et soumis habituellement à une agitation permanente.

La cause de ce calme inhabituel? La présence d'un avion venu de Russie qui a survolé notre espace aérien pour une mission de reconnaissance. Ce scénario aux accents de guerre froide n'a pourtant rien d'inquiétant, et cette situation, si elle est peu fréquente, n'a rien d'illégal ou d'improvisé, comme l'explique notre consultant aéronautique Gérard Feldzer.

"L’aviation française a autorisé le survol de l’espace aérien" à cet appareil russe, précise-t-il d'emblée, "c'est une situation particulière, mais prévue à l'avance". "Elle s'inscrit dans le cadre d'un traité qui repose sur un vieil accord, ratifié au départ par peu de signataires", explique-t-il aussi. 

Un traité international issu de la Guerre froide

Ce traité, appelé "Ciel ouvert" ("Open skies"), a été signé en 1992 à Helsinki, pour une entrée en vigueur intervenue dix ans plus tard, en 2002. Il s'agit du premier régime multilatéral d’observation aérienne, qui met en place un programme de vols de surveillance non armés sur les territoires des pays signataires. Au nombre de 35, ces pays incluent notamment la France et la Russie.

"'Ciel ouvert' offre aux États de la zone euroatlantique un outil précieux de confiance et de transparence dans les activités militaires, et a contribué à forger une culture commune entre les forces armées de l’Est et de l’Ouest, autrefois rivales", écrit Loïc Simonet, docteur en droit et conseiller pour les affaires politico-militaires à la Représentation française auprès de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), dans un article sur les 20 ans de ce traité. 

"Il repose sur un principe de réciprocité"

"Ciel ouvert" a été imaginé en pleine guerre froide par le président américain Eisenhower. En 1955, celui-ci avait souhaité proposer à l'Union soviétique ce concept d'observation aérienne mutuelle. Une idée d'abord rejetée par les Soviétiques, d'où une latence de plusieurs décennies avant l'entrée du traité en vigueur.

Ce traité repose "sur un principe de réciprocité", précise Gérard Feldzer. Autrement dit, la Russie a réalisé jeudi une mission de reconnaissance, mais cela implique que la France pourra prochainement faire de même. Le traité prévoit en outre qu'une telle opération doit être signalée 72 heures à l'avance au pays qui l'accueille. De fait, la Russie a contacté la France dans les délais impartis pour procéder à cette mission de reconnaissance aérienne au-dessus de Roissy.

Les avions de chasse interdits

Seuls certains types d'avions étrangers sont autorisés à accomplir de telles missions dans notre espace aérien souverain. Les avions de chasse sont par exemple exclus, et comme le signale Gérard Feldzer, "certaines prises de vue seulement, avec des détails d'images et un nombre de pixels limités, sont autorisées." "Cela ne peut être que complémentaire à des opérations satellitaires", explique-t-il aussi.

"Cela montre une forme de coopération complémentaire entre les pays", conclut le consultant. Selon lui, l'opération n'a sans doute entraîné aucune perte pour l'aéroport, puisqu'en prévision justement de cette mission, aucun vol n'avait été prévu sur ce créneau. 
Charlie Vandekerkhove