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Hélicoptères Caracal : incident diplomatique entre Paris et Varsovie

François Hollande reporte la visite gouvernementale prévue le 13 octobre à Varsovie pour protester contre la rupture unilatérale du contrat de vente d’hélicoptères Caracal d’Airbus par la Pologne. Une rupture jugée abusive à Paris.

Par Anne Bauer

Publié le 7 oct. 2016 à 18:08

Trop, c’est trop. Le gouvernement français sait bien que le nouveau gouvernement conservateur arrivé au pouvoir il y a un an à Varsovie a peu de considérations pour l’Europe, mais il n’imaginait pas que le gouvernement piloté par le chef du parti Droit et Justice (PiS) Jaroslaw Kaczynski lui claquerait ainsi la porte au nez. Vendredi matin, le ministère de la défense polonais a confirmé à Airbus Helicopters son intention de ne pas honorer le contrat passé en 2015 pour acquérir 50 hélicoptères Caracal , un contrat estimé aux alentours de 2,5 milliards d’euros. Vendredi dans l’après midi, le président de la République François Hollande a rétorqué fort, annonçant l’annulation de la visite de consultations intergouvernementales bilatérales prévues le 13 octobre en Pologne. Son ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, ne se rendra de son côté pas à Varsovie ce lundi comme prévu et parle désormais de revoir à la baisse tous les programmes de coopération militaire franco-polonais.

Une réaction musclée

Pour une vente d’hélicoptères, la réaction peut paraître bien musclée… Mais dans l’entourage du ministre de la défense, on explique qu’il ne s’agit pas tant de défendre des intérêts industriels que des principes. Et de rappeler qu’il y a eu un appel d’offres qui s’est joué dans les règles, à l’issue duquel Airbus avait gagné contre l’Américain Sikorsky et AugustaWestland (groupe Leonardo) en avril 2015. A l’époque, il s’agissait d’une commande de 70 appareils pour 3,14 milliards d’euros. A l’issue d’une négociation gouvernementale, le contrat avait été paraphé en septembre 2015, les Polonais exigeant des livraisons extrêmement rapides, et obligeant ainsi Airbus Helicopters à démarrer une production avant même la signature finale du contrat.

Il ne restait fin septembre plus qu’à négocier les contre-parties, bien que ces dernières soient désormais interdites par les règles européennes sur le marché unique. Néanmoins Airbus s’y est plié au point de promettre de faire de la Pologne un pays manufacturier important pour le groupe. Au total, l’industriel a ainsi mis sur la table jusqu’à 100% de la valeur du contrat en compensations : montage en Pologne du Caracal, chaîne d’assemblage des rotors accordée à la société publique polonaise PGZ, accords de recherche, d’exportation, transferts de technologies, etc.. «Jamais un contrat n’avait engendré autant de compensations », estime un proche de l’industriel.

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Absence de réciprocité

C’est pourquoi autant chez Airbus qu’au ministère de la défense, lorsque Varsovie a déclaré mercredi soir ne plus vouloir du contrat faute d’avoir obtenue des compensations intéressantes, la colère est montée d’un cran. D’autant que le ministre de la défense polonais Antoni Macierewicz explique que la France n’a rien offert de concret et a tout juste promis aux Polonais « la peinture » des hélicos. De fait, le PiS avait fait campagne contre le contrat signé par ses prédécesseurs avant même d’être élu. Dès l’origine, il aurait préféré traiter avec les concurrents, notamment américain, déjà implantés en Pologne. Depuis son arrivée au pouvoir, le PiS ne cesse de surenchérir auprès de l’Otan pour demander des aides militaires supplémentaires contre « l’envahisseur russe ».

L’Otan a ainsi créé son programme de « réassurance », c’est à dire d’appuis militaires. Jean-Yves Le Drian avait donc rappelé à son homologue polonais M. Macierewicz que la coopération n’est pas à sens unique. La France a mis à disposition des Rafales et des chars dans le cadre de l’Otan et qu’elle a en son temps donné des gages de responsabilité en annulant la vente des BPC à la Russie. « Ce n’est certainement pas un jour heureux pour la coopération franco-polonaise », constate un proche du gouvernement français, « mais la Pologne est dans une logique de passager clandestin, prenant l’ensemble des aides financières européennes, sans vouloir construire de relations avec ses voisins et sans même respecter les règles du marché unique».

Pour Varsovie, Airbus a fait capoter le contrat

"Lors de la dernière étape (des négociations d'offset, ndlr), Airbus Helicopters n'a pas présenté de proposition satisfaisante. Il n'a pas répondu à la position polonaise et c'est pour cela que les négociations, le contrat ont dû être arrêtés", a déclaré Antoni Macierewicz, e ministre polonais de la Défense, lors d'une conférence de presse samedi."Je voudrais que se soit complètement clair, ce n'est pas la partie polonaise qui a rompu ces négociations", a-t-il ajouté.

Airbus devrait demander des réparations

Prévenue par Paris de cet accroc diplomatique, l’Allemagne n’aurait rien trouvé à redire à la réaction du président François Hollande. Même si à l’heure où les deux pays souhaitent renforcer l’Europe de la défense, ce dossier tombe mal. Mais à Berlin, on s’inquiète autant qu’à Paris des réactions imprévisibles du nouveau gouvernement polonais.

De son côté, Airbus a consacré beaucoup de temps et déjà investi plusieurs millions d’euros dans le développement du programme et devrait selon toute probabilité réclamer réparation pour le préjudice subie auprès des autorités européennes à Bruxelles comme devant les tribunaux à Varsovie.

Anne Bauer

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