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Patrimoine

Comment l'assurance-vie et le livret A sont devenues des bombes à retardement

En période de taux bas, l’assurance-vie et le livret A sont devenus des bombes à retardement. Les pouvoirs publics tentent de les désamorcer.

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Photo d'illustration Livret A.

Comme les produits d’assurance-vie sont parmi les derniers à offrir un rendement intéressant, les épargnants sont tentés de les utiliser comme une épargne quasi liquide, en retirant leurs fonds à court terme.

DENIS CHARLET / AFP

L’épargne des ménages deviendrait-elle un actif toxique pour le système financier? Dans son Rapport sur la stabilité financière dans le monde, publié le 5 octobre, le FMI nourrit cette sombre perspective. "La persistance d’une croissance faible et de taux d’intérêt bas met en réel péril les institutions d’investissement et d’épargne à long terme, telles que sociétés d’assurance-vie et fonds de pension", estime l’institution dirigée par Christine Lagarde. Le FMI explique également que "la solvabilité d’un grand nombre de sociétés d’assurance-vie et de fonds de pension est menacée." De quoi donner quelques frissons…

En France, les interventions des pouvoirs publics ces derniers temps sur l’assurance-vie et le livret A – les deux principaux bas de laine des Français – ne sont guère plus rassurantes. La loi Sapin 2, votée en seconde lecture à l’Assemblée le 29 septembre, prévoit ainsi de "suspendre, retarder ou limiter" les sorties des contrats d’assurance-vie "dans des situations exceptionnelles de crise grave et avérée". Le Haut Conseil de stabilisation financière (HCSF), présidé par le ministre de l’Economie, sera chargé de déclencher cette mesure d’exception.

Scénario noir

Pourquoi voter un tel texte aujourd’hui? Comme les produits d’assurance-vie sont parmi les derniers à offrir un rendement intéressant, les épargnants sont tentés de les utiliser comme une épargne quasi liquide, en retirant leurs fonds à court terme. Surtout, cette fuite a toutes les chances de s’accélérer en cas de remontée rapide des taux d’intérêt, qui rendraient d’autres placements soudain plus attrayants. Les banques et compagnies d’assurances se retrouveraient alors en porte-à-faux, car elles s’appuient sur les fonds récoltés via l’assurance-vie pour des investissements à long terme. L’objectif de la loi Sapin 2 est donc "de protéger l’épargne des Français et des assurés", a assuré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, monté au front pour soutenir la mesure.

Les assureurs, pourtant premiers concernés, ne partagent guère cette vision: "En agitant un blocage possible de leurs fonds, cette disposition inquiète les épargnants – ceux que l’Etat se faisait fort de rassurer, s’alarme un responsable du secteur. Les autorités de régulation recourent déjà à des dispositifs efficaces et discrets pour régler les problèmes lorsqu’ils surviennent, sans forcément alerter toute la place. Quel besoin de faire autant de bruit?" Campagne électorale aidant, le vacarme a peu de chance de s'éteindre. Arnaud Montebourg a ainsi contesté vertement la disposition de la loi Sapin 2, le 6 octobre, à l’occasion des assises de l'Association française d'épargne et de retraite (AFER). Le candidat à la primaire organisée par le PS a jugé inadmissible que les termes des contrats signés avec les épargnants soient modifiés de manière unilatérale et rétroactive.

Embarras sur le Livret A

La situation n’est pas moins instable du côté du livret A. Les banques comme la Caisse des dépôts (CDC) sont piégées: elles doivent rémunérer les épargnants à 0,75%, alors que les liquidités sont aujourd’hui placées avec un rendement… négatif de - 0,40%. "Le gouvernement a créé un gigantesque problème d’utilité de ce système: pourquoi prêter cher au logement social sur les fonds d’épargne alors que ce secteur peut se financer désormais avantageusement grâce à la politique de taux bas de la BCE?", analyse un responsable bancaire.

Face à cette quadrature du cercle, les dirigeants de la CDC n’ont qu’une crainte: que les banques –qui en moyenne gèrent 40% du livret A, du LDD et du PEL– se débarrassent du problème en déclenchant la clause de surcentralisation de l’épargne réglementée au sein de l’établissement public. "Cela peut être tentant", reconnaît un banquier. En clair, la Caisse devrait se débrouiller seule pour rentabiliser 403 milliards d’encours. Mission impossible. D’où un discret décret paru en début d’année pour rendre plus difficile ce transfert à l’institution, qui doit déjà se démener avec 60% des fonds provenant des livrets réglementés. Le décret contraint par exemple les banques qui souhaiteraient remettre tous ces fonds à la CDC de s'engager sur dix ans.

Au début des années 2000, les banques rêvaient de ravir le livret A à la CDC; aujourd’hui, c’est un boulet dont personne ne veut. Quant à l’assurance-vie, soignée par l’Etat pour y placer sa dette, elle pourrait se transformer en bombe à fragmentation. Autant de signes qui montrent qu’avec la politique de taux bas "on est entré dans un monde nouveau et dangereux", résume un banquier.

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