Frédéric Castaignède, réalisateur : “Avec Arte, nous avons voulu démêler le vrai du faux sur les OGM”

Toute la vérité sur les OGM : c'est ce qu'entend révéler le réalisateur Frédéric Castaignède dans le documentaire “OGM, mensonges et vérités”, qui se veut scientifiquement irréprochable. Rencontre.

Par Marc Belpois

Publié le 11 octobre 2016 à 09h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h04

Selon les uns, les OGM constituent une innovation technologique précieuse pour l'humanité. Selon les autres, une invention diabolique qui empoisonne les consommateurs et asservit les paysans du monde entier. Décontenancé par le manichéisme du débat, Frédéric Castaignède, lui, ne savait trop quel camp choisir. Alors le réalisateur (La Cité des RomsLe Vaccin selon Bill Gates) a mené l'enquêté, bien décidé à faire le point sur ces OGM qui, après trente ans de tripatouillage des génomes, représentent aujourd'hui plus de 10% des terres cultivées dans le monde - et environ 90 % du soja, maïs et coton américains. Entretien.

Pourquoi un nouveau film sur les OGM ?

Parce que les nombreuses enquêtes déjà réalisées sur les OGM sont des films militants, une approche tout à fait honorable mais qui favorise les raccourcis scientifiques. Or les pro-OGM se saisissent de la moindre petite inexactitude pour décrédibiliser l'ensemble de ces travaux.

Avec Arte, nous avons voulu tout remettre à plat. Démêler le vrai du faux sur une base très factuelle. Qu'est-ce qu'un OGM ? Les rendements promis il y a vingt ans sont-ils au rendez-vous ? Manger des OGM est-il dangereux pour la santé ? Ne connaissant pas vraiment le sujet, j'ai abordé toutes ces questions avec un regard vierge.

“La gageure de ce film, c'était d'ailleurs d'obtenir des entretiens avec des représentants de Monsanto”

Au fil de votre enquête, quels enseignements vous ont surpris ?

Primo, je n'imaginais pas que le débat était à ce point polarisé : il y a ceux extrêmement pour, ceux extrêmement contre, et quasiment personne au milieu pour penser cette thématique de manière dépassionnée et impartiale.

Deuzio, je ne pensais pas que les espoirs placés à l'origine dans les OGM étaient à ce point déçus. Les rendements sont loin d'être mirifiques. Et les concepteurs de ces plantes génétiquement modifiées pour résister aux herbicides n'avaient sans doute pas prévu que les mauvaises herbes et les insectes s'adapteraient, contraignant les agriculteurs à les asperger de poison en doses toujours plus fortes. Résultat, comme dit le professeur Gilles-Eric Séralini nous avons créé des « éponges à pesticides ». Difficile de croire que ces « éponges à pesticides » ne font courir aucun risque au consommateur...

Par ailleurs, les partisans de ces plantes transgéniques arguent qu'elles sont un atout précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique, en particulier dans les régions touchées par la sécheresse ou les inondations. Mais ils ne les comparent jamais avec les variétés traditionnelles, pourtant aujourd'hui plus efficaces que les OGM. Et c'est valable pour les animaux génétiquement modifiés (AGM). La dernière séquence du film est consacrée au saumon transgénique, un animal en développement depuis vingt ans qui grossit deux fois plus vite grâce à une hormone de croissance. Une entreprise norvégienne est parvenue à la même prouesse avec des méthodes traditionnelles de sélection. Seulement le premier, breveté, constitue un enjeu financier très important...

Votre film pointe les méthodes extrêmement musclées de Monsanto...

Non seulement Monsanto poursuit en justice les agriculteurs qui sèment leurs graines sans même le savoir, leurs champs ayant été contaminés à leur insu. Mais la firme attaque aussi certains scientifiques dont les travaux lui déplaisent, en témoigne les cas célèbres des biologistes Ignacio Chapela et Gilles-Eric Séralini. Elle cherche à ternir leur réputation pour décrédibiliser leurs résultats.

La gageure de ce film, c'était d'ailleurs d'obtenir des entretiens avec des représentants de Monsanto. D'ordinaire ils n'acceptent aucune interview, il nous a fallu les relancer pendant des mois. C'était important pour moi : je ne voulais pas que mon film donne la parole aux seuls militants anti-OGM...

Les militants anti-OGM apparaissent d'ailleurs très peu dans votre film...

Ce sont les scientifiques que j'ai surtout souhaité interroger. Ceci étant, la plupart des scientifiques sont aussi des militants, pro ou anti...

“Non, je ne vois guère de qualité aux OGM”

Au final, votre film livre pourtant des conclusions dans la veine des discours anti-OGM...

Absolument, mais la démonstration est implacable. Si j'avais trouvé des arguments favorables aux OGM, juré, je les aurais cités...

Aucun OGM n'a grâce à vos yeux ?

J'ai un temps cru à l'intérêt du moustique transgénique, cet insecte mâle conçu pour éradiquer ses congénères, et ainsi lutter contre la dengue. Avant de déchanter, tant il est sujet à controverse... Non, je ne vois guère de qualité aux OGM. En revanche, je vois parfaitement quelles mannes immenses ils représentent pour les entreprises qui détiennent les brevets.

Que vous inspire le rachat par l'Allemand Bayer de l'Américain Monsanto ?

En terme d'image de marque, cela arrange beaucoup Monsanto, dont la réputation est globalement déplorable. Pensez donc : chaque année s'organise une « marche mondiale contre Monsanto », la société civile met en place un « tribunal anti-Monsanto » à La Haye du 14 au 16 octobre prochain.... Quelle autre grande entreprise provoque une opposition aussi massive !

OGM, mensonges et vérités, sur Arte à 20h55, ce mardi 11 octobre.

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