Si, pour vous, le Moyen Age, c’est Jacquouille « la Fripouille » dévorant à même le sol, avec ses chicots gâtés, les restes que lui jette son seigneur Godefroy de Montmirail ripaillant et festoyant dans son château fort, si c’est une période de sombre misère où des hordes de barbares déferlent sur la Gaule romanisée, si c’est une parenthèse honteuse et régressive entre deux âges d’or, l’Antiquité et la Renaissance, vous avez tout faux.
Ou plutôt vous avez la tête farcie de clichés, que l’exposition « Quoi de neuf au Moyen Age ? », qui ouvre ses portes mardi 11 octobre à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, entend corriger grâce aux découvertes qu’a réalisées l’archéologie médiévale au cours des trois dernières décennies.
« Un concept inventé au XVIe siècle »
Mais, tout d’abord, de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce que le Moyen Age et d’où vient ce nom ? Comme le résume, avec le franc-parler qui la caractérise, Joëlle Burnouf, professeure émérite d’archéologie médiévale à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, « c’est un concept inventé au XVIe siècle par des as de la com, les gens de la Renaissance, qui faisaient leur propre promotion : ils se considéraient comme un retour à l’Antique qui, pour eux, était le summum de la qualité ». Le millénaire qui s’était écoulé n’était donc qu’un état intermédiaire…
Traditionnellement, le Moyen Age est cette période qui court entre deux symboles : la chute de Rome en 476 et celle de Constantinople en 1453 – ou, suivant les auteurs, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492.
Cependant, pour les archéologues, qui se basent non pas sur les textes, souvent autoglorificateurs, écrits par les puissants, mais sur les traces matérielles laissées par les peuples dans leur vie quotidienne, les délimitations sont nettement moins tranchées.
« Pour nous, poursuit Joëlle Burnouf, le Moyen Age va jusqu’à la fin du XVIe siècle : la Renaissance n’existe pas en termes de culture matérielle. La vraie rupture est au XVIIe siècle et elle se matérialise par d’autres pratiques agricoles, une autre organisation sociale des catégories rurales, dans la construction, dans les projets urbains et aussi dans… les vaisseliers. »
Sur le terrain, l’archéologue voit des états à des instants « t » et en déduit des processus, des transformations lentes, non enfermées entre deux dates. Il va aussi bien chez les pauvres que chez les riches, à la ville qu’à la campagne, il explore les différences temporelles et régionales. Il fouille les habitats, les monuments, les tombes mais aussi… les poubelles, qui en disent tant sur les sociétés.
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