L'Opus Dei tente de dissiper le mystère qui l'entoure

L'Œuvre a été fondée en Espagne en 1928. Elle compte aujourd'hui près de 90 000 membres... et suscite toujours de nombreuses critiques.

Source AFP

Mgr Antoine de Rochebrune, vicaire pour la France de l'Œuvre de Dieu depuis 1999, s'exprime dans un ouvrage.
Mgr Antoine de Rochebrune, vicaire pour la France de l'Œuvre de Dieu depuis 1999, s'exprime dans un ouvrage. © AFP

Temps de lecture : 5 min

Son mystère intrigue. Opération-vérité ou séduction ? C'est la première fois que Mgr Antoine de Rochebrune, vicaire pour la France de l'Œuvre de Dieu depuis 1999, s'exprime dans un ouvrage (Opus Dei, confidences inédites, avec Philippe Legrand), à paraître jeudi au Cherche Midi. Le responsable de l'Opus Dei en France livre ses « confidences » sur cette oeuvre catholique à l'aura nimbée de mystères, dont les fidèles louent la qualité du « coaching » spirituel quand d'anciens membres l'accusent de dérives. « J'ai pu constater que ce qui était véhiculé autour de l'Opus Dei pouvait être de l'ordre du mythe », explique le vicaire, ancien ingénieur de 52 ans.

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Fondée en 1928 en Espagne par Josémaria Escriva de Balaguer, implantée dès 1947 en France, l'Œuvre serait-elle une « Église dans l'Église » ? Non, elle « travaille main dans la main avec les diocèses », fait valoir le père de Rochebrune. Un mouvement « conservateur » ? « Je suis obligé de l'accepter... » Va pour conservateur, mais pas intégriste. L'Opus Dei est une organisation catholique conservatrice pleinement reconnue par Rome mais toujours critiquée, voire redoutée, dont les quelque 90 000 membres dans le monde, des laïcs dans leur immense majorité, pratiquent leur foi de manière stricte, dans une quête de « sainteté ». Aujourd'hui, l'Opus Dei compte principalement ses membres en Europe et en Amérique – dont 1 900 prêtres, recrutés parmi les « numéraires » – mais ne semble pas en plein essor. Son fief demeure l'Espagne, où vivent un tiers de ses membres et où certains ont joué un rôle politique important sous Franco et dans l'après-franquisme.

600 000 euros de budget ?

Quant aux moyens de l'Œuvre, ils sont fantasmés, selon le vicaire, qui évoque 600 000 euros de budget en France : « Nous gérons des aumôneries », mais « ni fortunes ni biens immobiliers ». Ce qui n'empêche pas de dispenser un apostolat dans quelques dizaines de centres, résidences étudiantes, clubs de jeunes, écoles... Le modeste millier de membres en France – dont 28 prêtres –, auquel s'ajoutent près de 800 « coopérateurs » associés sans en être, ne dessine pas une sociologie très diversifiée. L'implantation est faible dans les quartiers populaires, au « grand regret » du vicaire. L'Œuvre est mieux représentée dans la bourgeoisie de l'Ouest parisien. Comme à Versailles où des « surnuméraires » masculins – mariés, pères – se retrouvent pour un « cercle » chaque semaine. Ils sont chefs d'entreprise, conseillers financiers, officiers de marine... Tous en quête de « sanctification par le travail » et dans leur quotidien.

Lecture et commentaire de l'Évangile, « causeries » du formateur, un « numéraire » (célibataire)... Sauf pour les prières, les surnuméraires gardent le silence, tapotant discrètement sur leur smartphone. « On prend des notes, sinon on n'en garde qu'une idée vague. Or le but, c'est d'y réfléchir », explique à l'AFP Amaury, jeune informaticien décontracté. Le « plan de vie » est exigeant, avec prière, messe et examen de conscience quotidiens, confession et cercle hebdomadaires, rencontre avec un accompagnateur spirituel tous les quinze jours, récollection (retraite courte) mensuelle... « Au début, on se dit c'est du délire, je n'y arriverai jamais. Après, on le voit comme un objectif. On s'épanouit en cheminant », assure Amaury. La séparation femmes-hommes ne lui déplaît pas : « Ça simplifie les relations humaines. »

« Imiter le Christ »

« Ce qui ressemble le plus, c'est le coaching », résume Jean, élégant quadragénaire. « Un sportif qui veut progresser, mais n'a pas de coach, risque de se traîner. J'avais besoin d'un cadre. » Et la pénitence ? « Le principe, c'est d'imiter le Christ. Mais la douleur n'est pas comprise. Une mortification, cela peut-être d'aller manger à la cantine avec un collègue pénible. » Frédéric a « sifflé », c'est-à-dire écrit sa lettre d'engagement, dès 1982. « Je suis rentré en ayant peur de ce que j'avais entendu avant. Alors que j'ai vécu ici la charité, un esprit de famille magnifique. »

Numéraire de 1991 à 2005, aujourd'hui président de l'Avref, association d'aide aux victimes de mouvements religieux, Aymeri Suarez-Pazos n'est pas de cet avis. « À mon époque, il fallait tout donner à l'Œuvre, on ne laissait rien sur son compte », affirme-t-il. Il voit le livre du vicaire comme un contre-feu à celui, à charge, de Maria del Carmen Tapia, Au cœur de l'Opus Dei, paru récemment en français. D'autres ouvrages d'ex-membres avaient douché les espoirs de respectabilité de la prélature : Dans l'enfer de l'Opus Dei, La Face cachée de l'Opus Dei... Mais, globalement, l'image tend à « se normaliser », relève Jérôme Anciberro, rédacteur en chef de l'hebdomadaire chrétien La Vie. « La légende noire de l'Opus Dei me semble largement surfaite. C'est une organisation un peu particulière au sein de l'Église, mais elle est officielle, on connaît sa spiritualité, elle n'est pas fermée. » « Des catholiques, ni plus ni moins », comme dit le père de Rochebrune de ses fidèles ?

L'Œuvre avait été mise sous les projecteurs avec la sortie en 2003, trois ans avant le film, du polar ésotérique de Dan Brown Da Vinci Code, dans lequel un évêque de l'Opus Dei commandait à un moine albinos de l'organisation de commettre des meurtres. La prélature, qui ne compte pas de moine, a eu beau jeu de démonter les incohérences de cette fiction. Si d'autres groupes conservateurs ont bénéficié de l'appui de Jean-Paul II, l'Opus Dei est le seul auquel a été accordé en 1982 le statut – unique – de prélature personnelle. L'Œuvre est ainsi devenue une sorte de « super-diocèse » sans territoire, régi à la fois par le droit canon et ses propres statuts et rendant compte au Saint-Siège.

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Commentaires (8)

  • ALT

    À Laurentbkk : Vous dites que la franc-maçonnerie n'est pas une secte. J'aimerais en être sûr ! À partir du moment où on ne connaît rien de son fonctionnement, il est permis d'en douter. Le profane ne connaît rien, l'initié n'en connaît qu'une partie (ce qu'il a le droit de savoir)...

    À rarantoine : Tout à fait d'accord. J'ajoute que quand on en fait partie, on n'a pas plus le droit d'en parler !

  • rarantoine

    Nous savons tous que cette organisation, la franc-maçonnerie, agit dans la plus stricte opacité. Et nous avons, dans le commentaire de Laurentbkk, un bel exemple de la rhétorique francmac : "quand on ne connaît pas, on ne commente pas"
    Nous pouvons donc en déduire qu'il est interdit de parler de la franc-maçonnerie tant que l'on n'en fait pas partie.
    Autrement dit, Si @ALT était un "libre penseur", il pourrait penser librement mais comme ce n'est pas le cas, il ne peut que se taire.

  • alex236

    L'une et l'autre ne sont pas secrètes, mais discrète, ce qui est totalement différent.
    En effet il serait normal que les élus, membres, de ces loges soient dans l'obligation d'en informer les électeurs tout comme l'action des lobbys auprès des elus soit divulgué. Celà eviterai que l'on vote des lois en faveur de certaines entreprises ( Radars routiers, autoroutes, etc.