Justice : la colère des magistrats contre Hollande ne retombe pas
En épinglant dans un livre une « institution de lâcheté », le président a mis le feu aux poudres.
Un incendie qui se propage à grande vitesse. Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas ont été contraints de monter au créneau, ce jeudi, pour tenter de circonscrire la polémique déclenchée par les propos de François Hollande sur les magistrats, qualifiés d’ « institution de lâcheté ». « Parce que, c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique », Gérard Davet et Fabrice Lhomme, dans leur livre, « Un président ne devrait pas dire ça... » (chez Stock).
Pas « un mot » contre l’indépendance de la justice
Le ministre de la Justice, à l’Assemblée, et le chef du gouvernement, depuis le Canada, ont tour à tour fait valoir que François Hollande n’avait pas eu depuis 2012 « un mot », « un acte », contre l’indépendance de la justice, « marque de (son ) action ». Jean Jacques Urvoas doit recevoir vendredi de hauts magistrats pour les assurer de son « absolue confiance en l’institution judiciaire ».
Sous pression, le chef de l’Etat a l’intention de le dire lui-même publiquement. Il a plaidé sa cause mercredi soir devant le premier président et le procureur général de la Cour de cassation, reçus en urgence à l’Elysée. Un entretien au cours duquel il a juré qu’il ne visait pas tous les magistrats, soulignant avoir « montré qu’il respecte l’indépendance de la justice ». Mais cela n’a pas calmé le jeu.
Une « humiliation »
Jeudi, les deux magistrats mais aussi le Conseil supérieur de la magistrature, le président du Conseil national des barreaux et les présidents de tribunaux et procureurs de France, ont dit leur colère, dénonçant une « humiliation » et une « atteinte grave à la justice ». « Il n’est pas concevable que la charge de président (...) puisse être utilisée par son titulaire pour contribuer à diffuser parmi les Français une vision aussi dégradante de leur justice », a regretté Bertrand Louvel, le premier président de la Cour de cassation.
Alain Juppé s’est engouffré dans la brèche : « Ni démentis ni retirés, ces propos sont d’une extrême gravité ».
Dans la majorité et au gouvernement, on dit ne pas comprendre le chef de l’Etat, qui se tire une balle dans le pied alors qu’il est garant des institution et s’appliquait à se poser, face à la droite, en défenseur de « l’Etat de droit ». « Le problème, regrette un ministre, c’est qu’avec cette affaire, on le compare à Sarkozy », qui avait jadis qualifié les magistrats de « petits pois ». Un autre s’inquiète de l’« effritement de la parole présidentielle » et de l’« insécurisation d’une campagne qui n’avait pas besoin de ça ».