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Patrimoine

Médecine de guerre, une expo temporaire au Mémorial de Verdun

Jusqu'au 31 mars 2017, l'exposition du Mémorial de Verdun "Les secours aux blessés et aux victimes, de la Grande Guerre à nos jours" retrace les évolutions de la médecine de guerre. Des éclats d'obus des tranchées jusqu'aux attentats de 2015.

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Soin à un soldat blessé dans l'hôpital auxiliaire n°37 à Avrillé dans le Maine-et-Loire.

Soin à un soldat blessé dans l'hôpital auxiliaire n°37 à Avrillé dans le Maine-et-Loire.

CRF

"Les secours aux blessés et aux victimes, de la Grande Guerre à nos jours" ; le thème de l'exposition temporaire du Mémorial de Verdun visible jusqu'au 31 mars 2017 retrace les évolutions de la médecine de guerre ces 100 dernières années. De part le nombre et la nature des blessures dans les tranchées, la guerre de 1914-1918 marque un tournant dans la prise en charge des soldats blessés au front. La bataille de Verdun (février à décembre 1916) a fait 216.000 blessés côté Français et 196.000 chez les Allemands (316.000 morts et disparus en tout dans les deux camps). Les premiers jours (du 21 au 29 février) 20.000 blessés sont évacués du front, soit 2.500 toutes les 24 heures. Un cataclysme pour le Service de santé, peu préparé à une guerre aussi agressive et mutilante. La première révolution intervient ainsi après quelques semaines seulement d'affrontement. Jusque là, la stratégie des soins privilégiait l'évacuation rapide des blessés en délaissant les soins médicaux. "Ça a été une catastrophe. Les blessés mourraient avant d'avoir été pris en charge, explique le médecin général inspecteur Olivier Farret qui a participé à l'élaboration de l'exposition. Mais l'Etat major a réagit et décidé d'impliquer les secours dès le début et tout au long du processus d'évacuation." De là, se met en place le concept de chaîne médicale d'évacuation continue ; des premiers secours d'urgence dispensés par les brancardiers voire les camarades de combat jusqu'à l'hôpital militaire reculé où l'objectif est la récupération fonctionnelle la plus complète possible. Des structures hospitalières légères sont par exemple déployées au plus près des unités de combat afin de permettre le triage des blessés et le traitement d'urgence. À mi-chemin entre mouvement de troupes militaires et prise en charge médicale, le plan d'évacuation nécessite alors d'être soigneusement élaboré. 

À la fin de la guerre, le schéma d'évacuation à Verdun (ci-dessus, mai 1918) révèle un réseau dense et hiérarchisé par types de blessures et de structures de soins qui irrigue le vaste champ de bataille. La chaîne se décompose en 3 séquences : d'abord secourir les blessés au cœur des affrontements pour maîtriser les hémorragies et préserver ainsi le pronostic vital, "un secourisme de combat" précise le général Olivier Farret. Il s'agit ensuite de "sauver" par le biais d'une prise en charge médico-chirurgicale à même de stabiliser l'état du soldat devenu patient. Enfin, il faut soigner, ce qui demande l'intervention de spécialités hospitalières déployées en arrière. Aujourd'hui, cette chaîne est devenue une véritable course contre la montre, précisément minutée, qui procède d'un fragile équilibre entre les délais cliniques à respecter et les durées d'évacuation conditionnées par le terrain (mer, ville, campagne, montagne...), les distances et les moyens de transport.

Sont ainsi définis 4 créneaux de temps durant lesquels des actions médicales doivent être entreprises :

Les 10 minutes de platine, durant lesquelles le "sauvetage de combat" de combat doit être entrepris. 
30 minutes : laps de temps pour la médicalisation du blessé (première désinfection, pansements, assistance respiratoire sommaire.
1 heure : c'est l'heure d'évacuation médicalisée. 
2 heures : le blessé doit avoir été transféré au sein d'une unité médico-chirurgicale où s'effectuera la prise en charge dite du "dammage control". Gestion du choc hémorragique centrée sur une réanimation préopératoire puis une chirurgie de sauvetage. Aujourd'hui, le porte-avions Charles de Gaulle dispose par exemple de deux blocs opératoires. L'un d'eux est réservé à la chirurgie viscérale, l'autre à la chirurgie orthopédique. L'infrastructure comprend notamment un scanner, une salle de traitement des grands brûlés, des moyens de radiologie, un laboratoire d'analyses ou encore une chambre d'isolement pour les patients contagieux... 

Les avancées thérapeutiques

Outre l'organisation des soins, la Grande Guerre a aussi été le point de départ de nombreuses avancées thérapeutiques majeures. Face à l'afflux de blessés graves, polytraumatisés, y compris sur le plan psychique, la médecine a dû s'adapter et progresser. C'est par exemple à cette époque que fut développée la solution de Dakin, un antiseptique d'action rapide encore utilisé aujourd'hui, qui permettait de réduire les risques de gangrène et donc d'amputation. Ce "liquide merveilleux" comme il est alors appelé est employé pour la première fois en août 1915.

C'est aussi lors de la Première Guerre mondiale que commence à émerger la psychiatrie de guerre avec les "malades hallucinés" de retour des tranchées. Si nombre d'entre eux ont pu être accusés de simulation et fusillés, les traumatismes psychiques commencent à être nommés, notamment sous l'influence de la psychanalyse naissante. On parle alors de névrose ou de psychonévrose de guerre ; ou plus simplement "d'obusite", en référence au vécu de soldats parfois indemnes physiquement, mais traumatisés par des jours entiers passés sous les obus. Toutefois, la psychiatrie de guerre telle qu'on la connaît aujourd'hui avec la reconnaissance et l'étude des troubles du stress post-traumatiques ne s'imposera véritablement qu'après le retour des vétérans de la guerre du Vietnam dans les années 1970. Ce n'est ainsi que pendant la première guerre du Golfe que des psychiatres seront intégrés aux structures sanitaires participant au conflit. Depuis, ces troubles issus de "la confrontation personnelle avec la réalité de la mort dans la surprise, l'impuissance et l'effroi" sont mieux connus. Et les expériences de la médecine militaire se sont étendues à la pratique civile, notamment après des attentats terroristes qui confrontent les populations civiles à des situations de guerre. Les cellules d'urgence médicopsychologiques (CUMP) dont bénéficient aujourd'hui les survivants des attentats de Paris en 2015 en sont le résultat.

Bien d'autres thématiques médicales sont ainsi abordées au cours de l'exposition temporaire qui prend place au Mémorial de Verdun : la lutte contre l'infection des plaies, les progrès de la chirurgie maxillo-faciale réparatrice et plastique forcés par le retour des 500.000 "Gueules cassées", le perfectionnement des trousses de secours d'urgence ou encore des dispositifs de chirurgie orthopédique... Le tout dans un contexte dramatiquement d'actualité (attentats, guerre de Syrie...) où les formations aux premiers secours de la Croix Rouge Française ne désemplissent pas et apprennent à nouveau les techniques de garrot.

"Les secours aux blessés et aux victimes, de la Grande Guerre à nos jours", du 8 octobre 2016 au 31 mars 2017, au Mémorial de Verdun

 

Retrouvez aussi notre Guide des expositions de la rentrée

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