Gibraltar lance une bouée vers l’UE pour échapper au Brexit

Gibraltar ne veut pas être privé de la libre-circulation des personnes à cause du Brexit. [Shutterstock.com/ Jan Mika]

Gibraltar tente de convaincre l’UE de lui octroyer un arrangement particulier dans le futur accord de divorce avec le Royaume-Uni. Le Rocher espère obtenir un statut similaire à celui  d’Andorre ou du Liechtenstein.

S’exprimant lors d’un événement public organisé par le cabinet de conseil APCO le 12 octobre, Fabian Picardo, ministre en chef de Gibraltar, a mis en avant la position pro-UE des 32 000 citoyens vivant dans le petit territoire britannique d’outre-mer.

Ce travailliste a souligné que 96 % des Gibraltariens avaient voté pour rester dans l’UE lors du référendum du 23 juin. Par ailleurs, le taux de participation était de 84 %.

« C’est le genre de résultats que vous ne verrez jamais dans n’importe quel exercice de démocratie, sauf sous le canon d’une Kalashnikov », a-t-il commenté, déclenchant les rires de l’assemblée. Selon lui, ce résultat a été obtenu surtout « parce que les habitants de Gibraltar ont toujours été, sont et continueront d’être de fervents défenseurs du projet européen ».

Un précédent

Fabian Picardo a expliqué qu’en 1972, année de sa naissance et période à laquelle Gibraltar négociait avec le Royaume-Uni les termes de son accès à la communauté européenne, le territoire avait obtenu un arrangement spécial.

À l’époque, le « Rocher » était presque une île, puisque le dictateur espagnol Franco avait fermé la frontière terrestre avec l’Espagne depuis 1969. Le plus grand investisseur du territoire était l’armée britannique.

Gibraltar avait alors choisi d’avoir un statut spécial par rapport à la Communauté européenne et avait décidé d’en faire partie dans les domaines qu’il lui était pertinent. À titre d’exemple, le rocher de 6,8 km2 n’a pas d’agriculture et ne fait donc pas partie de la PAC. À l’inverse, Gibraltar a maintenu sa position de poste commercial important et n’a pas rejoint la libre circulation des biens, bien que les trois autres libertés aient été appliquées.

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Histoire de frontière

En 1982, sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, l’Espagne ouvre la frontière de Gibraltar aux piétons, et en 1984, la frontière est complètement ouverte. Selon le ministre en chef, cette décision a transformé l’économie du Rocher : le chantier naval de la marine a fermé et les investissements du ministère de la Défense sont passés de 60 % de l’économie à moins de 2 %.

Fabian Picardo a souligné que les Gibraltariens observaient les différents niveaux d’engagement avec l’UE. Selon lui, ils sont devenus « un petit peu sceptique » face aux hésitations de l’exécutif sur un litige avec l’Espagne concernant un récif artificiel créé dans les eaux autour de Gibraltar. Le conflit a débouché sur des difficultés majeures pour traverser la frontière Espagne-Gibraltar.

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Fabian Picardo a rappelé qu’aujourd’hui, 12 000 personnes traversaient la frontière chaque jour pour travailler. Contrairement à la position du Royaume-Uni, il a déclaré que Gibraltar ne considérait pas ces travailleurs comme une immigration problématique, mais que l’accès était essentiel pour une main d’œuvre qui maintenait l’économie du Rocher à flot.

Le ministre a indiqué que le Rocher avait fait le choix en 1972 de ne pas rejoindre le principe de liberté de circulation des biens, mais pourrait aujourd’hui reconsidérer cela.

« Les habitants de Gibraltar auront bien entendu leur mot à dire sur une possible entente mutuellement avantageuse à l’avenir. C’est indispensable, car l’inverse reviendrait à imposer la volonté de l’Espagne au peuple de Gibraltar », a-t-il déclaré.

La constitution du territoire indique spécifiquement que le Royaume-Uni a la responsabilité des relations extérieures, mais cela n’inclut pas les questions européennes, qui restent de la compétence du gouvernement local.

« Nous acceptons les quatre libertés »

« Quand Gibraltar s’assoira à la table des négociations via le Royaume-Uni, Gibraltar dira : nous acceptons les quatre principes de liberté », assure le ministre. Et au vu de la situation particulière, Gibraltar veut continuer ainsi. « Nous ne voulons pas d’un accord où nous sommes exclus de l’immigration et inclus dans l’accès au marché unique. »

« Pourquoi devrais-je choisir entre mon identité britannique et mon désir de faire partie du projet européen ? Dans le contexte de l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, il y a déjà un degré différent de participation. Nous ne participons pas à la liberté de circulation des biens. Pourquoi, dans le contexte du départ du Royaume-Uni, ne pouvons-nous pas prétendre à un accord différent ? »

Pour Fabian Picardo, la réponse est simple. « Une bonne solution pour l’Europe serait d’inclure Gibraltar dans ces domaines sans se qualifier de membre, à l’instar de l’Andorre, le Liechtenstein, Saint-Marin et d’autres territoires. »

Karel Lannoo, PDG du centre européen pour les études politiques (CEPS), a réagi en disant que la position du ministre en chef était surtout utopique. Pour lui, soit le Royaume-Uni conserve les quatre libertés, soit Gibraltar en subit les conséquences.

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