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    TPMP: comment minimiser une agression sexuelle en 9 leçons

    Les explications des chroniqueurs de Touche pas à mon poste, ou le manuel parfait pour décrédibiliser et culpabiliser une victime d'agression sexuelle.

    Lors des «35 heures de TPMP», le chroniqueur Jean-Michel Maire a suscité l'indignation après avoir embrassé le sein d'une participante qui avait exprimé son refus à plusieurs reprises. Après cette séquence, de nombreux internautes, mais aussi des élus politiques, ont dénoncé une agression sexuelle et le CSA s'en est saisi après avoir reçu des centaines de plaintes.

    Lundi, Cyril Hanouna a donc consacré 20 minutes de son émission aux excuses de Jean-Michel Maire. «Parfois je dépasse les bornes dans cette lourdeur et ça peut devenir un geste déplacé et si ce geste a été déplacé comme j’ai pu le comprendre, je m’en excuse une nouvelle fois», a notamment déclaré l'ex-journaliste.

    Ce mea culpa télévisé a pourtant rapidement viré en une séquence étonnante où la bande d'Hanouna a longuement tenté de trouver des circonstances atténuantes à Jean-Michel Maire. Mieux, Isabelle Morini-Bosc et d'autres chroniqueurs ont décrété qu'il ne s'agissait pas d'une agression sexuelle et que cela ne méritait absolument pas un dépôt de plainte. C'en était pourtant bien une, comme le rappelle Libération. Voici le parfait manuel pour décrédibiliser et culpabiliser une victime d'agression sexuelle.

    1. Trouver des circonstances atténuantes

    À l'exception de Gilles Verdez, l'ensemble des chroniqueurs de Touche pas à mon poste a redoublé d'imagination pour atténuer la portée du geste de Jean-Michel Maire.

    «Ce qu’a fait Jean-Michel c’était lourdingue et crétin pour être clair, mais en même temps il est lourdingue», précise Jean-Luc Lemoine, qui semble ignorer l'absurdité de cette théorie.

    «Il avait déjà dix heures d’antenne dans les pattes, il était fatigué», tente Mathieu Delormeau, avant d'être coupé par Valérie Bénaïm.

    Finalement, Lemoine estime que c'est le «personnage» du chroniqueur qui est responsable, pas la personne elle-même:

    «Je pense que c’est pas Jean-Michel Maire qui a réagi, c’est Jean-Michel son personnage de l’émission qui d’un seul coup s’est un peu emballé.»

    Énora Malagré tente une comparaison pour minimiser l'acte: «Après je me souviens aussi des playmates au temps de Collaro, qui étaient à poil et où on faisait bip-bip sur les gougouttes et les cuculs et ça choquait personne et tout le monde trouvait ça extrêmement cool.»

    2. Plaindre l'auteur des faits

    Le début de l'émission prêtait à confusion puisqu'il était difficile de savoir qui de Jean-Michel Maire ou de Soraya avait été victime d'un baiser sans consentement. Les chroniqueurs ont en effet été émus par Jean-Michel Maire et n'ont pas hésité à exprimer toute leur compassion.

    «Il était vraiment très mal tout le week-end, ça l’a vraiment meurtri», regrette Mathieu Delormeau. Et Énora Malagré d'insister:

    «Il a été tellement meurtri, c’est tellement pas lui, c’est tellement un amoureux des femmes dans le respect et tout. Je pense qu’il s’est fait effectivement emporter.»

    «Je sais que Jean-Mi est très peiné, on l’a jamais vu comme ça», martèle «Baba» alias Cyril Hanouna. «Je vous aime énormément et ça m’a fait de la peine de vous voir comme ça», ajoute-t-il.

    3. Décréter que ce n'est pas une agression sexuelle

    En chœur pourtant, l'équipe de TPMP a tenu à ignorer les textes en requalifiant les faits. «C’est pas une agression sexuelle mais c’est du sexisme», analyse Énora Malagré. Et Delormeau d'ajouter:

    «Ça c’est ridicule! Ce matin sur Europe1 j’ai entendu parler d’agression sexuelle, ça en revanche c’est grotesque parce que les mots ont un sens, faut quand même faire très attention.»

    «Quand on a vu les mots «agression sexuelle» et tout… y a vraiment des choses très graves qui se passent dans le monde tous les jours et voilà… des choses beaucoup plus graves», résume le taulier de l'émission.

    Sur cette question, l’article 222-22 du code pénal est pourtant clair. L’agression sexuelle est définie de la manière suivante:

    «Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.»

    4. Trouver des boucs émissaires

    Comme à chaque polémique, Hanouna et sa bande s'en sont pris aux journalistes coupables de relayer le geste de Jean-Michel Maire. «De toute façon, on attendait le faux pas dans les 35h et là ils ont trouvé», pense Jean-Luc Lemoine. Cyril Hanouna dévoile d'ailleurs le qualificatif qu'il a trouvé pour eux:

    «Tous les journalistes sont pas mauvais mais y en a beaucoup qui cherchent à faire du buzz et qui n’ont même pas vu la séquence et qui comprennent rien, ceux que j’appelle les teubés pour vous détendre un peu.»

    «La presse a quand même crié au scandale en qualifiant le dérapage de Jean-Michel d’agression sexuelle en direct», dénonce également l'animateur.

    5. Parler à la place de la victime

    Absente pendant les huit premières minutes du plateau, Soraya a pris place après pour donner sa version de l'histoire. «C’est vrai que j’ai trouvé le geste de Jean-Michel Maire un peu déplacé et pas très professionnel. Après si je suis là aujourd’hui c’est que Jean-Michel Maire m’a quand même présenté des excuses que j’ai acceptées», explique-t-elle. Mais avant son intervention, certains chroniqueurs ont tout de même parlé à sa place, à l'instar d'Énora Malagré:

    «Et cette jeune fille n’a pas été choquée, je crois qu’elle va venir nous en parler.»

    «La jeune femme était pas outrée, elle était pas au bord du collapse, tout allait très bien. Et je suis sidérée en tant que journaliste et en tant que femme des proportions que ça a pris», dénonce Isabelle Morini-Bosc.

    6. Culpabiliser la victime

    Soraya explique que cela a été «un peu compliqué» avec sa famille lorsqu'elle est rentrée chez elle, évoquant «l'image qu'elle reflétait». Jean-Luc Lemoine, naïvement, lui demande alors si c'est son rôle, de Kim Kardashian dans une baignoire joué dans l'émission (et demandé par la production) qui a posé problème, ou le geste de Jean-Michel Maire:

    «Excusez-moi mais ils ont été choqués par le fait de vous voir dans une baignoire (rires)… Non mais je suis sérieux. Parce que j’imagine et je comprends tout à fait qu’une famille soit sensible à ça et tout, mais qu’est-ce qui les a le plus gênés?»

    «Le fait que le chroniqueur m’embrasse le sein sans mon accord parce que c’est vrai que j’ai dit "non", et j’ai répété, j’ai dit "non", et moi je pense personnellement que quand une femme dit "non" il est important de respecter son choix», répond Soraya.

    7. Nier les règles du consentement

    8. Décréter qu'une plainte n'aurait pas été possible

    Lorsque Soraya explique pourquoi elle n'a pas voulu porter plainte, elle relate l'appel téléphonique de Jean-Michel Maire après l'émission:

    «J'ai été très touchée par ce qu'il a pu me dire. Par rapport aux enjeux qu'il encourait, par rapport à sa vie professionnelle et familiale. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touchée...»

    Mais Isabelle Morini-Bosc est «ulcérée». Elle ne comprend pas comment une plainte peut-être envisagée et laisse même penser que celle-ci n'aurait pas été possible:

    «Non, mais on rêve. Honnêtement, je sais pas. Je vois très bien qui peut appeler pour conseiller ça. Mais vous, vous avez imaginé un quart de seconde que vous pouviez porter plainte pour ça?»

    La bande de chroniqueurs persiste en lui demandant si elle avait initialement voulu porter plainte (ce qu'elle dément) et l'interroge pour savoir qui lui a demandé de le faire. Soraya répond qu'il s'agit de «journalistes» et «tout le monde sur les réseaux sociaux». «Des fouille-merde qui veulent notre perte», résume Mathieu Delormeau. «Eh bien, on peut leur dire qu'on les emmerde», ajoute Cyril Hanouna. Et Isabelle d'en remettre une couche en prenant directement à partie Soraya:

    «Mais même, pardonnez-moi, que vous, une fraction de seconde, vous ayez pu envisager de porter plainte, ça me choque aussi.»

    9. Demander l'avis des fanzouzes

    L'équipe de TPMP peut en tout cas compter sur ses fidèles fans. 75% des personnes interrogées sur Twitter pendant l'émission disent ne pas avoir été choquées par le geste de Jean-Michel Maire.

    «Je pense que les téléspectateurs ont trouvé ça lourd comme nous, mais ils parlaient pas d'agression sexuelle en tout cas», peut ainsi conclure Cyril Hanouna sous les applaudissements du public.


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