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Santé

Christopher Froome dopé : quels sont les principaux produits utilisés par les sportifs ?

Vainqueur du Tour de France à quatre reprises, le cycliste britannique Chris Froome a été contrôlé positif à un test antidopage lors du Tour d'Espagne 2017, qu'il a remporté.

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Le cycliste britannique Christopher "Chris" Froome

Le cycliste britannique Christopher "Chris" Froome a été contrôlé positif au bronchodilatateur salbutamol lors de la course espagnole.

© Artur Widak / NurPhoto / AFP

DOPAGE. Le cycliste britannique Christopher "Chris" Froome, qui a remporté quatre fois le Tour de France mais aussi son premier Tour d'Espagne en 2017, a été contrôlé positif au bronchodilatateur salbutamol lors de la course espagnole, a annoncé l'Union cycliste internationale (UCI) le 13 décembre 2017. Il s'agit d'un médicament contre l'asthme, dont la concentration dans les urines est réglementée et ne doit pas dépasser un seuil fixé. Un nouveau cas de dopage dans le cyclisme, sport pour lequel chaque cas est fortement médiatisé. Petite revue des substances dopantes les plus utilisées, et des disciplines les plus touchées (preuve que le cyclisme n'est pas le seul sport concerné...).

Les glucocorticoïdes en tête des substances dopantes

De manière générale, le dopage n'est pas l'apanage d'un seul sport, comme le montre le graphique ci-dessous de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) représentant la répartition des résultats d'analyses d'échantillons urinaires "anormaux" selon la discipline sportive en 2014. Sur 7.774 échantillons analysés cette année-là, 111 se sont avérés "anormaux" (révélant la présence dans un échantillon d’une substance interdite ou de l’un de ses métabolites ou marqueurs).

Crédit image : AFLD 2014


"La place occupée par chaque substance dopante mise en évidence au terme d’analyses au résultat dit 'anormal' fluctue légèrement d’une année sur l’autre", explique l'AFLD. Toutefois, comme le montre le graphique ci-dessous, des tendances fortes peuvent être observées :  les glucocorticoïdes arrivent en tête (22,4 % des résultats en 2012, 32,5 % en 2013 et 25 % en 2014), suivi par les anabolisants (15,2 % des résultats en 2012, 21,8 % en 2013 puis 23 % en 2014) et les stimulants (13 % en 2014). Les effets du relèvement par l’Agence mondiale antidopage du seuil de détection des cannabinoïdes en 2013 sont visibles : en 2012, ils représentaient 28,3 % des résultats, diminuant à 12,8 % en 2013 et 9 % en 2014. Les hormones peptidiques sont à la cinquième position (8 % en 2014).

Crédit image : AFLD 2014

1) Glucocorticoïdes

Les glucocorticoïdes atténuent ou suppriment de vives douleurs (on parle d'effet antalgique) en raison de leur action anti-inflammatoire. "Il s'agit la plupart du temps de cortisone. C'est un dérivé du cortisol, produit naturellement sécrété par les glandes surrénales, situées au-dessus des reins", explique à Sciences et Avenir le Dr Jean-Pierre de Mondenar, médecin du sport spécialiste du dopage. Outre leur effet anti-inflammatoire, les glucocorticoïdes entraînent un effet euphorisant qui provoque une surexcitation. Ils stimulent ainsi la volonté et reculent le seuil de la perception de la fatigue au cours de l’effort. De quoi repousser ses limites. "Cependant, consommer régulièrement des glucocorticoïdes est très risqué : ils peuvent causer des troubles du comportement, comme de l'agressivité ou de la dépression, perturber le métabolisme énergétique ou encore celui du sucre, et provoquer une insuffisance surrénale en cortisol", précise à Sciences et Avenir le Dr Gérard Dine, hématologue au CHU de Troyes et spécialiste du dopage.

2) Anabolisants

On distingue, parmi les agents anabolisants, les stéroïdes anabolisants androgènes qui peuvent être exogènes (la production ne se fait pas naturellement par l’organisme humain) ou endogènes (la production se fait de façon naturelle par l’organisme humain) et les autres agents anabolisants. Pour la plupart, ils sont dérivés de la testostérone, l’hormone sexuelle mâle, et permettent d’augmenter la force, la puissance, l’endurance, l’agressivité, la vitesse de récupération après une blessure. Certains agents anabolisants diminuent les douleurs, en particulier articulaires. "Dans les années 60, on présentait les stéroïdes anabolisants comme 'les vitamines de l'effort', avant que l'on ne découvre qu'ils augmentent le risque de développer certains cancers et des pathologies cardio-vasculaires", explique le Dr Jean-Pierre de Mondenard. Mais les conséquences ne concernent pas seulement la santé physique : "Ils rendent plus agressifs, voire très violents. Dès les années 1960, des footballers américains et joueurs de hockey-sur-glace ont été à l'origine de drames (meurtres, suicides, viols, etc.) à force de consommer ces produits." Les Américains ont baptisé ce phénomène "steroïd rage" (la rage des stéroïdes).

EX-RDA. Dans les années 1970 et 1980, la consommation excessive de stéroïdes par des sportifs de l'ex-RDA (surtout en natation et athlétisme) a entraîné de nombreux problèmes de santé physique (en particulier cardiaque) et mentale. Cas emblématique : la lanceuse de poids Heidi Krieger, sacrée championne d'Europe en 1986, avec un lancer à 21,10 mètres, et dopée de longues années aux hormones mâles. Elle a été opérée en 1997 pour changer de sexe (et a pris le prénom d'Andreas).

3) Stimulants

"Les stimulants regroupent les amphétamines, les métamphétamines, la cocaïne et le modafinil", explique le Dr Jean-Pierre de Mondenard. Ces substances augmentent l’activité du système nerveux sympathique en facilitant ou améliorant le fonctionnement de certains organes. Il y est fait recours dans un but thérapeutique pour augmenter la vigilance mais certains d’entre eux sont utilisés de manière détournée pour un usage "récréatif", de même que pour augmenter la résistance, la productivité ou supprimer l’appétit. Les stimulants induisent un sentiment d’euphorie et d’éveil. "En 1967, le cycliste britannique Tom Simpson meurt lors de l'ascension du mont Ventoux à cause d'une prise d'amphétamines (ndlr : et d'alcool), et ce triste événement a permis de lancer les contrôles anti-dopage sur le Tour de France", précise le Dr Gérard Dine.

4) Cannabinoïdes

Les cannabinoïdes regroupent le THC naturel (Δ9-tétrahydrocannabinol), comme le cannabis, le haschisch, le marijuana, et le THC synthétique, ainsi que les cannabimimétiques ("Spice", JWH-018, JWH-073, HU-210, etc.). "Les cannabinoïdes améliorent légèrement les performances sportives, mais généralement pas assez pour les sportifs de haut niveau", explique le Dr Gérard Dine. La plupart des tests positifs proviennent donc de sportifs amateurs. "Quand les sportifs de haut niveau se font prendre pour consommation de cannabinoïdes, ou encore de cocaïne, c'est 9 fois sur 10 pour des raisons festives", précise-t-il. Le THC est connu pour agir sur le cerveau et activer le circuit de la récompense et du plaisir, qui est au cœur de l’addiction, comme le montre l'infographie animée ci-dessous.

Cliquez sur l'image ci-dessous pour ouvrir l'animation dans une nouvelle fenêtre

Infographie Damien Hypolite / Sciences et Avenir

5) Hormones peptidiques

La plus célèbre hormone peptidique est sans aucun doute l'EPO. Ces trois lettres sont devenues le symbole du dopage dans le cyclisme depuis 1998 et l'affaire dite "Festina". Souvenez-vous : un soigneur de cette équipe avait été contrôlé par les douaniers avec plus de 500 doses de produits dopants. Quelques jours plus tard, la direction du Tour de France avait décidé d'exclure l'ensemble de l'équipe Festina. Découverte en 1906, l'EPO (érythropoïétine) est une hormone naturelle secrétée notamment par les reins. Comme le montre l'infographie animée ci-dessous, elle agit sur l’augmentation des globules rouges, compensant la perte d’oxygène en cas d’hémorragie par exemple.

Cliquez sur l'image ci-dessous pour ouvrir l'animation dans une nouvelle fenêtre

 

Infographie : Damien Hypolite pour Sciences et Avenir.

En s’injectant de l’EPO de synthèse ("il existe environ 150 EPO différents", selon le Dr Gérard Dine), les sportifs augmentent donc artificiellement leur apport en oxygène pour améliorer leur endurance. Mais avec pour conséquences, selon les quantités et la fréquence des prises, une probabilité de problèmes cardio-vasculaires et d’accidents cérébraux dus à un épaississement du sang. "Dans les années 1990, avec l'arrivée de l'EPO et des hormones de croissance, on assiste à un changement de paradigme dans le dopage. L'ère du dopage biotechnologique commençait", indique le Dr Gérard Dine.

Et les substances non détectables...

"Les champions de haut niveau évitent en général les substances facilement repérables, comme les stimulants et les stéroïdes, affirme le Dr Gérard Dine. Ces derniers sont davantage consommés par les sportifs amateurs, qui les achètent sur Internet sur des sites français ou étrangers (ndlr : des sites marchands illégaux). Avec des risques non négligeables d'acheter à son insu des contrefaçons..." En revanche, l'EPO de synthèse serait encore prisée des sportifs professionnels souhaitant se doper, car elle ne serait pas détectée à tous les coups. "Il existe un test qui détecte l'EPO par comparaison, mais il n'est pas efficace à 100 %", précise l'hématologue. "Les sportifs de haut niveau qui se dopent utilisent depuis quelques années des molécules innovantes sorties des laboratoires de biotechnologie. Notamment celles qui stimulent la production naturelle d'EPO", explique le Dr Gérard Dine.

Un des derniers cas français remonte à avril 2015 : il s'agit du marcheur français Bertrand Moulinet qui a été contrôlé positif au FG4592, un agent stimulant la production d'EPO. Or le FG4592 n'est pas commercialisé puisqu'il est seulement... en essai clinique de phase II ! "Depuis quelques années, les laboratoires ont vu certaines de leurs molécules copiées et vendues sur internet, et ont donc pris l'habitude d'avertir les instances antidopage afin qu'elles puissent les détecter", précise le Dr Gérard Dine. Pour ces molécules innovantes, et non encore commercialisées, le risque sur la santé est majeur : "Il est impossible de connaître les conséquences sur l'organisme à court, moyen et long terme", certifie l'hématologue. Face à l'éventail de substances et molécules illicites disponibles sur le marché, faut-il (malheureusement) conclure que tous les sportifs de haut niveau se dopent ? "Bien sûr que non, j'en connais qui ne prennent aucune substance illicite", rassure le Dr Gérard Dine. Ouf !

*Source : Rapport de l'Agence mondiale antidopage (335 pages)
Consulter le rapport d'activité 2014 de l'ALFD (PDF, 2 780 Ko)

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