Paris : un survivant raconte en BD l’enfer de « son » Bataclan

 Rescapé de la tuerie du 13 novembre 2015 qui a fait 90 morts, Fred Dewilde raconte dans une BD qui sort ce vendredi ses deux heures d’enfer dans la salle de spectacle.
Rescapé de la tuerie du 13 novembre 2015 qui a fait 90 morts, Fred Dewilde raconte dans une BD qui sort ce vendredi ses deux heures d’enfer dans la salle de spectacle. DR

    « Est-ce que vous pouvez m'aider à sortir du Bataclan ? » En mai dernier, Fred Dewilde passe un coup de fil à l'éditeur Emmanuel Lemieux. Rescapé de la tuerie du 13 novembre 2015 qui a fait 90 morts, ce graphiste de 49 ans, qui vit à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), vient alors d'achever les quinze planches de sa bande dessinée. En noir et blanc, il y raconte de façon digne et bouleversante « son » Bataclan. Le concert joyeux entre amis qui bascule dans l'horreur, les deux heures passées dans une mare de sang entre un homme mort et une jeune fille blessée qu'il va réconforter comme un père, la mort qui guette à chaque instant. Assortie de 22 pages de témoignage sur l'après attentat, la BD sera présentée ce jeudi soir à des survivants de l'association Life for Paris avant sa parution vendredi.

    Ce récit cathartique, Fred Dewilde (un pseudo car l'auteur souhaite conserver l'anonymat) le vit clairement comme une thérapie. « C'est un exutoire, une réappropriation de cette soirée et je me suis très vite aperçu du bien que ça me faisait » raconte ce père de trois enfants qui dessine depuis toujours. Réalisée en trois mois, d'un jet, sans croquis préalable, la BD condense la violence inouïe de l'attentat mais reste sobre. « Quand c'était trop douloureux, j'ai dû trouver des métaphores comme cette vague de terreur au moment de l'attaque ou ces squelettes pour représenter les terroristes ». Pour son éditeur, « c'est un document exceptionnel car Fred était dans le vortex de la violence. À ma connaissance, c'est le seul à avoir dessiné ce qu'il s'est passé de l'intérieur ».

    L'auteur raconte aussi (par écrit) la très difficile reconstruction après son traumatisme : les retrouvailles avec ses proches, le retour au travail, l'impossibilité de prendre le métro sans un casque qui l'isole, ces sirènes qui lui déchirent les oreilles… S'il est revenu au Bataclan en travaux il y a quelques jours, ce passionné de rock n'a pas encore remis les pieds dans un concert. Sans chercher d'excuses aux terroristes, Fred Dewilde, qui a grandi à Trappes (Yvelines), livre aussi ses interrogations sur ce qui pu mener à la tragédie. « On oublie souvent que ces gens-là sont des enfants de la patrie qui ont choisi de tuer leurs voisins de palier. Socialement parlant, il y a des questions à se poser ».

    Les premiers retours sur sa BD l'ont réconforté. « A sa lecture, les gens qui l'ont vécu s'y sont retrouvés. Pour les autres, c'est une manière de leur dire : regardez ce que cela fait, dans quel état ça met, c'est la guerre. Un copain m'a confié après l'avoir lu qu'il n'avait pas réalisé à quel point ça avait dû être l'horreur. » A quelques heures de la sortie de son livre et même s'il redoute le premier anniversaire de la tuerie, Fred Dewilde se dit soulagé. « Je considère avoir fait ce que j'avais à faire, souffle-t-il. J'espère que cela aidera pas mal de gens. Pour moi, c'est une autre vie qui commence : je vais pouvoir tourner la page et réellement sortir du Bataclan ».

    Mon Bataclan de Fred Dewilde, Lemieux éditeur, 48 p., 15 €. Sortie vendredi.