Archéologie

Nouvelles tombes franques à Saint Dizier

Bien que pillée et réutilisée, une nouvelle tombe de chef mérovingien découverte à Saint-Dizier en dit cependant long sur le processus d’assimilation des barbares qui ont donné son nom à notre pays.

une bague merovingienne

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En 2002, Marie-Cécile Truc et son équipe d'archéologues de l'INRAP fouillaient deux tombes de chefs et celle d’une jeune aristocrate de l'époque mérovingienne sur le site de la Tuilerie à Saint-Dizier (Haute-Marne). La même équipe vient de découvrir une troisième tombe de chef, qui, comme les trois autres, date du VIe siècle.

Le caractère aristocratique des deux tombes de chefs déjà découvertes se lisait dans les panoplies complètes de guerriers francs qu’elles contenaient : épées, bouclier, scramasaxes (couteaux germaniques), francisques et angons (javelots francs). Le pommeau de l'épée d'un des deux hommes était orné d'un anneau d’argent doré – peut-être un symbole de son lien personnel avec un personnage au rang encore plus élevé, voire avec le roi (sans doute Thierry Ier). Ce niveau aristocratique se lisait aussi dans la richesse des effets personnels des défunts, tels ces aumônières ornées de grenats à profusion et pour l'une rehaussée de lapis-lazuli, ou les bijoux de la jeune femme – collier des perles d’ambre, bracelet en argent, grosse perle de cristal de roche et bague en or incrusté de grenats.

Le chaton en forme de croix de cette bague manifeste peut-être l’appartenance à la religion catholique de la jeune femme. Ce n’est pas anodin, puisque les Francs du début du VIe siècle venaient juste d’adopter la religion catholique (Clovis est mort en 511). Un choix très politique, puisque cela les rapprochait des Gallo-romains, sous leur domination, tout en les distinguant nettement des autres barbares germaniques : les Burgondes (la Burgondie commençait au sud de Saint-Dizier) et les Wisigoths (sud-ouest de la France).

Or l’équipe d'archéologues vient de découvrir une nouvelle tombe de chef, moins riche en mobilier (probablement pillée). Les archéologues ont pu reconstituer son histoire : elle a été réutilisée pour inhumer un personnage chrétien important de la communauté locale sous une chapelle funéraire. Qui était ce personnage ? Nous l’ignorons, mais il se pourrait qu’il soit lié au premier défunt de la tombe, un chef mérovingien lui aussi, dont les ossements ont été poussés sans ménagement sur le côté lors de l'inhumation du nouvel occupant.

Un détail est particulièrement intéressant : les chercheurs ont pu mettre en évidence que la tombe mérovingienne initiale était dotée d'une chambre funéraire à inhumation latérale, un type de chambre que l’on trouve en Allemagne alémanique (le type Morken). Dans ces tombes, le défunt était déposé contre une paroi, ce qui laissait la moitié de la place pour des offrandes funéraires. À Saint-Dizier, le mobilier funéraire manque, mais on peut supposer qu'il était aussi riche que celui des tombes de dignitaires Mérovingiens découvertes dans les années 2000.

Manifestement, les tombes de Saint-Dizier relèvent d'une élite, peut-être d’origine à la fois franque et germanique, mais d'identité mérovingienne, qui a joué un rôle important dans l’expansion franque qui a abouti à la constitution de l’empire carolingien.

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François Savatier

François Savatier est rédacteur spécialisé en archéologie et paléontologie à Pour la Science. Il a coécrit avec la paléoanthropologue Silvana Condemi Néandertal mon frère (Flammarion, 2015), Dernières nouvelles de Sapiens (Flammarion, 2021) et L’énigme Denisova (Albin Michel, 2024).

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