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Primaire à droite : ce que les affiches de campagne veulent (secrètement) dire

Drapeau tricolore, costard sans cravate ou grand sourire… Derrière des signes au premier abord anodins, se cachent de nombreux messages dans les affiches des candidats à la primaire de la droite. Elodie Mielczarek, sémiologue, nous aide à les décoder.

, Mis à jour le
© Sipa

 

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François Fillon, l’homme de terrain

"Ce qui est étonnant sur cette affiche c’est que l’on découvre François Fillon dans une posture qui ne lui est pas singulière. On le retrouve souriant, détendu, sans cravate… C’est très rare de le retrouver comme ça. Il n’y a qu’à voir au dernier débat télévisé où il avait une expression beaucoup plus fermée.

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La manière dont il tient le micro et la gestuelle qui va avec sont des symboles forts. Cela prouve qu’il échange avec la population et qu’il veut se montrer authentique. La photo a d’ailleurs sûrement été prise à son insu lors d’un débat. Avec une affiche comme ça, l’ancien Premier ministre cherche à se séparer de son image de technocrate pour prouver qu’il est un homme de terrain.

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Avec son slogan « Le courage de la vérité », le candidat prend deux valeurs très fortes. Mais cela crée un décalage avec la photo. Celle-ci fait très spontanée alors que ces quelques mots rappellent une forme de langue de bois politique." 

A lire aussi : François Fillon estime avoir remis "les pendules à l'heure"

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Alain Juppé, le jeune*

"Cette affiche est vraiment novatrice et se distingue de toutes les autres. Elle se résume par un jeu de typographie autour du slogan « AJ ! pour la France » qui se veut à double sens. Déjà, les deux lettres forment l’acronyme du candidat : AJ pour Alain Juppé, mais à travers ce slogan on entend aussi : « Agis pour la France ». Cela rappelle le langage texto qui fait tout de suite très jeune et dans l’air du temps.

Avec cette affiche, on retrouve aussi des codes de la publicité notamment avec cette phrase : « Un seul mandat, un seul président », suivi de AJ !. Ceci signifie qu’en peu de temps, on va essayer de faire un maximum de choses. C’est très simple et très efficace. En plus, c’est la seule affiche où on ne voit pas le candidat. Pour moi, c’est vraiment un bon coup de communication : on attaque Alain Juppé sur son âge et il répond avec une communication jeune."

 

 

 

Jean-Frédéric Poisson, le catho

"L’affiche de Jean-Frédéric Poisson est vraiment séparée en deux. Du côté gauche, on retrouve le candidat sous une photo en noir et blanc. On le devine assis ce qui donne une impression de stabilité mais cette posture peut aussi très bien faire penser à de l’immobilisme. Avec sa cravate nouée, on lui donne volontiers l’image du technocrate. Tout cela le rend un peu vieillot. Le côté droit est quant à lui davantage dans l’air du temps avec notamment un hashtag qui rappelle son slogan « Libérons nos convictions » et une typographie moderne. Avec un tel contraste, cette affiche peut refléter une absence de position claire. 

Au centre de l’affiche, le jeu de mot JF suivi d’un dessin de poisson interpelle. A première vue, on pense que cela n’est qu’un jeu de mot avec son nom de famille pour apporter une touche plus légère à l’affiche. En fait, cela va bien au-delà. Ce dessin du poisson est un symbole chrétien appelé « ichtus » qui représente le poisson (et dont l’acronyme évoque également Jésus en grec ancien). En le reprenant sur son affiche, Jean-Frédéric Poisson lance quelque part un appel aux chrétiens. Il y a donc une forte résonnance religieuse dans cette affiche."

A lire aussi : Jean-Frédéric Poisson, "les convictions" avant "les calculs stratégiques"

 

Nathalie Kosciusko-Morizet, l’ange Gabriel

"L’affiche de Nathalie Kosciusko-Morizet est très étonnante. Là aussi, on retrouve des codes religieux. Quand on regarde l’affiche, on a l’impression de se retrouver face à un ange. On la devine debout, elle a un grand sourire, le regard tourné vers le haut et un habit blanc qui contraste avec le fond noir. En fait, elle me fait penser à l’ange Gabriel. Elle apparait comme une révélation. Ce qui peut d’ailleurs lui correspondre, elle qui veut se présenter comme la candidate inattendue. Avec cette affiche, on a l’impression qu’elle dit aux français : ‘Je suis votre révélation, ensemble on va sortir la France des problèmes’.

Son slogan « Nouvelle société, nouvelle France » contraste avec la photo. D’ailleurs, au débat télévisé, elle était davantage tournée vers les enjeux de demain. Sur cette affiche, on a l’impression qu’elle revient aux anciens codes. Je ne sais pas si ce coup de communication parlera au plus grand nombre."

 

 

Bruno Le Maire, Superman

"Bruno Le Maire utilise des codes très cinématographiques pour son affiche. C’est la plus surréaliste de tous. On le retrouve en contre-plongée avec une lumière qui vient sur lui. On a presque l’impression d’être face à une star de cinéma. Sur l’affiche, tout est basé sur son charisme. Rien d’autre n’existe autour de lui mis à part le fond noir. Il y a même son slogan « Le renouveau » écrit sur son torse à la manière du S de Superman. Seulement à part ça, l’affiche manque de fond. Ça fait un peu maigre, on manque d’éléments et d’informations.

Je pense que dans un contexte où il y a une vraie défiance pour la politique et le président de la République cette affiche est un choix risqué. Il y a 20 ans de cela, peut être que celle-ci aurait mieux marché." 

Jean-François Copé, l’acteur américain

"Comme Bruno Le Maire, l’affiche de Jean-François Copé donne vraiment l’impression d’être face à une affiche de cinéma. Pour le coup, c’est vraiment très réussi. Il est présenté en noir et blanc. On ne voit que son visage et ses épaules, ce qui lui donne un petit côté acteur américain. Sa posture est réflexive, son visage est ouvert et souriant. La photo est bien prise parce qu’on a l’impression qu’il est tourné vers quelqu’un. Il semble à l’écoute et à l’accueil de ce que dit l’autre. Ça fonctionne bien. En plus, la typographie et les couleurs donnent un côté moderne.

La séparation de l’affiche en deux avec en haut la photo et en bas son slogan « On ne recule plus » n’est pas gênante. Au contraire, cela rappelle justement l’idée de l’affiche de film. Comme dans un film muet, le slogan sert de sous-titre à la photo. Cela peut également faire penser aux critiques de presse inscrites parfois sur les affiches de cinéma pour vanter les mérites d’un long-métrage."

 

 

Nicolas Sarkozy, l’ambitieux*

"C’est l’affiche la plus officielle de tous les candidats. On dirait presqu’un portrait officiel. Comme si Nicolas Sarkozy avait déjà gagné. Cela donne une impression de réalité mais reste une posture très ambitieuse. Cette impression provient tout d’abord du cadrage qui valorise le physique du candidat. Il veut montrer qu’il « a les épaules » pour être de nouveau président, que c’est un performeur. Il y a également le drapeau bleu, blanc, rouge derrière lui qui officialise l’affiche. Celle-ci peut d’ailleurs nous faire penser au portrait officiel de Valery Giscard d’Estaing lorsqu’il était Président de la république.

Pour mener cette campagne, Nicolas Sarkozy était face à deux choix. Soit il innovait pour prouver qu’il avait bien changé. Soit il restait très officiel pour faire un petit clin d’œil en rappelant qu’il a déjà été Président de la république et qu’il se considère toujours ainsi. Le candidat a donc penché pour la seconde option. Ce n’est pas forcément la technique la plus adéquate car cette affiche incarne tout sauf le renouveau que tant de français réclament."

 

* Les affiches de campagne d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy ne sont pas encore considérées comme les affiches officielles de leur campagne. 

Source: leJDD.fr

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