Une enquête de la BBC, diffusée pour la première fois mardi 25 octobre, révèle que des réfugiés syriens travaillent dans des conditions misérables pour des sous-traitants de grandes marques de vêtements en Turquie. Des adultes, mais aussi des enfants parfois âgés de moins de 10 ans, ont été filmés dans des ateliers fabriquant des habits pour Marks and Spencer et Asos qui seront ensuite vendus en Grande-Bretagne.
Le journaliste Darragh MacIntyre a passé plusieurs mois en Turquie. Malgré le coup d’Etat et des autorités promptes à surveiller de près la presse, il dit que « trouver des réfugiés syriens, y compris des enfants, travaillant sur des vêtements de marques pour le marché britannique était relativement facile ».
« On m’avait dit que le travail des enfants était endémique en Turquie. Mais je n’imaginais pas à ce point. Un sous-sol d’atelier était presque entièrement occupé par des enfants, la plupart ne pouvaient pas avoir plus de 7 ou 8 ans, la représentation même de la misère dickensienne. »
Dans certains ateliers produisant pour des marques britanniques, le journaliste a découvert des réfugiés syriens payés « à peine plus d’une livre sterling l’heure, bien en dessous du salaire minimal turc ». « Ils parlent de salaires minables et de conditions de travail terribles », dit Darragh MacIntyre.
« Ils savent qu’ils se font exploiter, mais ils savent qu’ils ne peuvent rien y faire. »
Douze heures par jour à repasser
C’est le cas dans une usine liée à l’entreprise Marks and Spencer. Un enfant de 15 ans travaillait douze heures par jour à repasser les vêtements. « Il m’a dit qu’il voulait être à l’école mais qu’il ne pouvait pas ne pas travailler », raconte le journaliste. Il a filmé des scènes similaires dans des ateliers de sous-traitants, liés directement ou indirectement à la marque Asos. La direction d’Asos a précisé qu’il s’agissait « d’une usine non autorisée » en Turquie, pays où l’entreprise contrôle régulièrement les sous-traitants officiels avec lesquels elle travaille depuis huit ans.
Deux autres cas ont été découverts par la BBC : dans un atelier fabriquant des vêtements pour Mango, des travailleurs syriens utilisaient des produits chimiques sans protection adéquate. Dans un site de production de jeans pour Zara, certains réfugiés travaillaient jusqu’à douze heures par jour. Le groupe Inditex, qui possède Zara, a précisé que le site en question, une laverie, « est le sujet de mesures d’amélioration puisque nous avons constaté déjà les mêmes défauts sécuritaires identifiés par la BBC ». Inditex met également en avant sa politique de « tolérance zéro pour l’exploitation des réfugiés », illustrée par sa participation à « un plan consacré au soutien des travailleurs syriens en Turquie ».
Marks and Spencer et Asos ont assuré qu’ils régulariseraient tous les travailleurs syriens et contribueraient à financer la scolarité des enfants trimant dans les ateliers.
Ces deux marques feignent aujourd’hui apprendre ce qui se passe dans les ateliers de leurs sous-traitants turcs alors qu’en début d’année elles faisaient partie de la trentaine d’entreprises interrogées par l’ONG Business and Human Rights Resource Centre, qui travaille sur la sensibilisation des entreprises aux questions de droits de l’homme. Elles avaient alors refusé de répondre, alors même que d’autres groupes, comme H&M, étaient pris la main dans le sac et obligés de prendre des mesures à ce moment-là.
Sur les plus de 4 millions d’hommes, femmes et enfants qui ont quitté la Syrie depuis le début de la guerre civile, environ 2,73 millions vivent actuellement en Turquie. L’écrasante majorité (90 %) vit hors des camps, pour moitié dans les grandes villes de l’ouest comme Istanbul, Izmir ou Ankara.
Mais si les enfants des camps sont scolarisés, ce n’est souvent pas le cas des autres, contraints de travailler pour nourrir leur famille ou ne trouvant pas de place dans les écoles publiques turques saturées. Quelque 500 000 enfants sur 850 000 seraient dans ce cas.
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