PrEPLes chiffres de "l’épidémie cachée" du VIH sont inquiétants

Par Jérémy Patinier le 26/10/2016
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Une nouvelle cartographie régionale incluant les personnes non diagnostiquées permet de dresser un bilan plus global de l’épidémie de VIH en France.

Il y a la face émergée de l’iceberg : environ 128.000 personnes vivaient avec le VIH en France en 2013. Parmi ces personnes, un tiers étaient des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, donc gays, bis, etc.) Parmi elles, les personnes qui font des dépistages sont rapidement mises sous traitement et pour la plupart, aujourd’hui, deviennent indétectables : le virus est alors intransmissible.
Mais il y a aussi la partie immergée : c’est « l’épidémie cachée », les personnes ni dépistées, ni traitées, qui s’exposent à transmettre le virus. Et donc qui empêchent la baisse des infections. Une récente étude statistique alerte sur les trous d’air de la lutte contre le sida en France. Et renseigne donc sur les marges d’action. L'équipe de l’INSERM (UMR S 1136) a estimé que :
- environ 25.000 personnes sont non-diagnostiquées au VIH, dont 40% de HSH, dont la moitié d’origine étrangère
- la moitié de cet iceberg se concentre dans des « pôles de contamination » : en Ile-de-France, en PACA et en Rhône-Alpes. Mais en proportion du nombre d’habitants, c’est dans les DOM-TOM que la situation est plus préoccupante, comme en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique où la prévalence est la plus forte.
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Les conclusions de Virgine Supervie, la chercheuse responsable de la recherche, sont assez préoccupantes :

Malgré les moyens mis en place, l’épidémie reste très active. En Ile-de-France, les HSH et les personnes hétérosexuels nées à l’étranger représentent près de 90% qui ignorent leur séropositivité, en PACA, ce sont les HSH qui sont majoritaires. Une étude a montré que le parcours migratoire peut rendre vulnérable au VIH. Paris accueille le plus grand nombre d’établissements gay ou gay-friendly et en PACA peut-être que c’est aussiun milieu plus festif, où on fait plus de rencontres. En Outre-mer, le VIH touche majoritairement des personnes venant d’Haïti et d’Amérique latine.

Cette cartographie précise fait craindre que les moyens soient adaptés ou diminués ça et là, alors que toutes les régions sont affectées. Mais objectivement, si l'on intensifie les moyens à Paris – où passent beaucoup de gens - cela aurait une incidence concrète sur le territoire.

En métropole, au sein du groupe qui ignore sa séropositivité, les «HSH» sont les plus touchés

Le nombre de contaminations sur la période 2004-2013 chez les gays ne baisse pas, voire remonte chez certains sous-groupes (15/24 ans notamment). En PACA, l’augmentation de nouvelles infections est même plus importante qu’en Ile-de-France… Sauf en cas de dépistage massif ou de large utilisation de la PrEP (non encore établie), peu de changements sont probables pour 2016. Ces chiffres sont donc valables pour aujourd'hui également. Le réel problème est qu'aucune baisse par rapport aux chiffres de 2010 ne se fait sentir.

Les bonnes… et les mauvaises nouvelles 

Les chercheurs ont également établi une « photo » des différentes étapes vécues par les personnes nouvellement séropositives en 2013, du dépistage à l’indétectabilité du virus.
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  • Infection > diagnostic := entre 3 et 4 ans selon les personnes ! Ca reste trèèèèès long, ça ne change pas mais concerne quand même 84% des personnes infectées
    • Diagnostic > mise sous traitement: réduit à un mois. 90% des personnes diagnostiquées – ce qui correspond aux objectifs de l’ONUSIDA pour mettre fin au SIDA d’ici 2030
      • Mise sous traitement > indétectabilité = quelques mois. 90% des personnes sous traitement

 
Depuis 2010, on traite plus tôt (de dix mois d’attente en 2010 on est passé à un mois en moyenne en 2013) et plus de personnes. Depuis 2013 on traite dès l’entrée dans le soin, il ne faut plus attendre. Les médicaments sont plus efficaces aussi. Mais malgré les recommandations de se faire dépister tous les ans, tous lesHSH ne lefont pas, et c’est un frein vers la chute du nombre de contaminations : le délai moyen entre l’infection et le diagnostic de séropositivité au VIH reste de trois ans pour les hommes gays et les femmes hétérosexuelles, quatre ans pour les hommes hétéros, autant que les usagers de drogues. Pire encore, le délai entre l’infection et le début du traitement est trop tardif pour tous les groupes vulnérables : près de quatre ans chez les HSH et les femmes hétéros, huit ans chez les personnes usagères de drogues !

Virgine Supervie : Aujourd’hui on a encore peur du dépistage alors que les traitements sont efficaces et beaucoup mieux tolérés, que l’espérance de vie est la même qu’une personne séronegative quand on est bien (et vite) traité, que l’on peut devenir non-transmisssible…

C'est tout le "parcours" qui reste à perfectionner pour mettre fin à l'épidémie, mais l'urgence est, d'abord et avant tout, de comprendre et d'agir sur l'accès au dépistage autant que sur la prévention.
 
Pour en savoir plus :
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