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Notre entité biologique remise en question par l’étude des microbes

Pendant des siècles, le but de la médecine a été de combattre les bactéries alors que seulement 1% d’entre elles seraient nocives. Cette ère est révolue et les recherches sur l’importance des bactéries pour le règne du vivant dévoilent une autre vision de la « vie ». C'est le sujet de "Ces microbes qui nous gouvernent", un documentaire diffusé samedi soir sur Arte.

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Les recherches sur les microbes et leur influence sur toutes les formes de vie explosent.

 

AP/SIPA

Apparues il y a 3,5 milliards d’années, ce sont les êtres les plus élémentaires. Ces "créatures" se nichent dans les moindres recoins de la planète, constituant l'océan le plus vaste dans lequel nous baignons. Depuis une dizaine d’années, les recherches sur les bactéries et leur influence sur toutes les formes de vie explosent. Au point que nous serions, selon certains experts, à une période charnière où bientôt nous ne nous percevrons non plus comme une entité à part entière mais comme un assemblage de différents écosystèmes qui coexistent. ARTE propose le samedi 5 novembre 2016 "Ces microbes qui nous gouvernent", un documentaire de Stéphane Bégoin faisant le point sur ces recherches révolutionnaires en cours à travers le monde. Zoom sur ces études.

Les bactéries indispensables à la survie d’espèces

Au Japon, une étude suggère que c’est une association, il y a 100 millions d’années, entre une bactérie et un puceron, qui permettrait aujourd’hui à ce dernier d’assimiler la sève des plantes. En extrayant l’appareil digestif de cet insecte, ces chercheurs ont identifié ces bactéries ayant leur propre ADN, qui fournissent les acides aminés permettant cette assimilation de sève. Si elles sont retirées de son hôte, celui-ci n’est plus capable de le faire. Une symbiose entre une bactérie et un hôte qui est devenue indispensable à la survie de ce puceron. Autre étude intéressante, celle d’un petit vers marin de l’île d’Elbe qui n’a ni bouche, ni rein, ni anus et qui peut pourtant vivre dans un milieu très hostile imprégné de monoxyde de carbone et de sulfure d’hydrogène. La responsable ? Une bactérie qui, par un procédé similaire à la photosynthèse, transforme ces gaz toxiques en… nutriments !

Les bactéries s’immiscent dans notre corps à toutes les étapes de notre vie

Certaines punaises déposent une sorte de gelée au moment où elles pondent qui est ensuite mangée par leurs petits à la naissance. Selon une étude au Japon, c’est ce qui permettrait de transmettre les bactéries essentielles entre la mère et ses petits. Et pour l’humain, le phénomène semble identique. Notre système immunitaire aurait besoin d’une invasion bactérienne au moment de la naissance pour fonctionner correctement. Cela va même au delà : plus ce contact serait prolongé avec les bactéries, plus le système immunitaire serait efficace.

Durant une vie, nous aurions dans notre corps autant de bactéries que de cellules qui nous sont propres. Sauf qu’à chaque fois que nous utilisons un antibiotique ou antiseptique pour nous soigner, ceux-ci ne ciblent pas leurs « proies » et tuent des milliers de bactéries inoffensives et pouvant jouer un rôle majeur dans notre organisme. Par exemple, il n’y aurait pas moins de 19.000 fonctions assurées par des bactéries au sein de notre intestin.

Ce que nos excréments nous révèlent

Un laboratoire récolte des excréments du monde entier depuis 4 ans, soit 2.000 échantillons jusqu’à présent. Leur analyse a dévoilé qu’il existait trois grandes familles de flores intestinales dans le monde sans corrélation avec une zone géographique, le genre, le sexe ou l’alimentation des individus. Pour le moment, les scientifiques ne savent pas ce qui déterminerait alors ces distinctions mais y voient des promesses pleines d’avenir. C’est ce qui conditionne notre façon de digérer la nourriture ou de réagir aux médicaments. Ces différences de microbiotes pourraient être corrélées avec certaines maladies telles que le cancer du côlon et l’obésité. De nouvelles perspectives seraient envisagées pour les traitements : pourquoi pas le développement des greffes fécales contre certaines maladies infectieuses que les antibiotiques actuels ne parviennent pas à soigner ? Le transfert d’un microbiote intestinale pourraient même un jour lutter contre des maladies métaboliques telles que le diabète et l’obésité.

Des recherches sur le sujet sont déjà en cours, notamment à Paris où des tests sont effectués sur des souris « normales » à qui l’on greffe de la flore intestinale de souris « obèses ». Celles-ci grossissent effectivement mais à court terme. Elles reperdent du poids en quelques temps alors même qu’elles ont exactement la même alimentation que les souris « obèses » naturellement. L’obésité pourrait s’expliquer par une perte de diversité de la flore intestinale liée à un faible taux de certaines bactéries. Ces études n’en sont qu’à leurs prémices mais l’enjeu est de taille pour l’Homme.

Les bactéries qui participent à la communication entre animaux

Au Kenya, ce sont les excréments des hyènes qui sont analysés. L’étude part du constat que ces animaux reniflent les dépôts d’excréments de leurs congénères pour identifier si elles appartiennent au même groupe, s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle et si cette dernière est en gestation. Il en ressort que les odeurs dégagées dépendent directement des microbes présents.

Les bactéries produisent leur propre odeur et portent ainsi le message qu’une hyène reçoit lorsqu’elle sent l’étron de l’un de ses semblables. Autre constat : les microbes diffèrent entre les deux espèces de hyènes qui sont soit « tachetées » soit « rayées ». Chez ces dernières, il y aurait une diversité bactérienne moins importante. Celait  pourrait être un/le facteur expliquant la séparation de ces deux espèces il y a 4 millions d’années…

Les bactéries qui contrôlent la sexualité des animaux

Elle s’appelle Wolbachia et est très manipulatrice. Dès qu’elle entre dans le corps d’un animal, elle contrôlerait sa sexualité. Une expérience a été initiée à Lyon par une équipe du CNRS : élever deux groupes d’abeilles, l’un avec la bactérie et l’autre sans. Lorsque des mâles sont intégrés, le résultat est radical : il y a des accouplements dans le tube « normal » alors que rien ne se passe dans celui contenant la bactérie. Les abeilles auraient en effet perdu la capacité d’envoyer les signaux « de séduction ». En revanche, elles sont capables de s’autoreproduire. Et cela se transmet de mère en fille.

Les bactéries qui participent à l’évolution des espèces

Des bactéries présentes dans la seiche naine d’Hawaï sont responsables de la bioluminescence produite par cette espèce (c’est une stratégie de camouflage contre les prédateurs, la lumière reflétant la lune et empêchant de former l’ombre du mollusque). Or cette lumière ne se déclenche que lorsque ces bactéries dépassent un certain seuil. Pendant la journée, ces dernières se multiplient jusqu’à atteindre une concentration suffisante pour produire cette lumière. Selon les chercheurs, cela attesterait d’une communication ou de l’existence d’échanges d’informations entre les bactéries et le génome.

Une autre expérience, cette fois-ci sur des souris, irait en ce sens. Certaines souris sont élevées d’un côté isolées des microbes depuis leur naissance, d’autres restent dans des conditions normales. Elles sont un jour exposées à des plateformes qui sont soit protégées par des parois, soit nues au dessus du vide. Le but était de mesurer le niveau d’anxiété des souris. Les réactions divergent effectivement : celles ayant vécu dans un endroit stérile seraient moins stressées et prendraient davantage de risques en se dirigeant vers les plateformes non-protégées. Celles du second groupe, plus prudentes, iraient vers celles avec les parois. Un indice de communication entre les bactéries et le cerveau ? Les chercheurs y pensent et réfléchissent aux perspectives médicales avec des médicaments qui, à l’avenir, viseraient spécialement les bactéries. Selon eux, nous sommes à l'aube d'une révolution scientifique. 

"Ces microbes qui nous gouvernent" : documentaire de Stéphane Béguoin, coproduction : Arte France, grand angle production (France, 2016, 52 min).

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