Les écoles américaines à l'épreuve de la ségrégation

La discrimination raciale refait surface aux Etats-Unis, notamment dans le système éducatif. Dans un film alarmant tourné en Alabama, berceau du Ku Klux Klan, le réalisateur Romain Icard dénonce ce “nouvel apartheid”.

Par Propos recueillis par Lucas Armati

Publié le 01 novembre 2016 à 17h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h08

Plus de cinquante ans après le mouvement des droits civiques, les Américains blancs ont de moins en moins de chance de croiser des camarades noirs lors de leur scolarité (et inversement). La raison : un lent processus de « re-ségrégation » au sein des écoles, dont les premières victimes sont les étudiants afro-américains. Les explications du réalisateur Romain Icard, qui consacre un inquiétant documentaire au sujet.

Dans votre film, vous décrivez des écoles de plus en plus monochromes, alors que les Etats-Unis n'ont jamais été aussi pluriethniques. Comment le pays en est-il arrivé là ?

La situation actuelle est-elle pire que la ségrégation étatique des années 1950 ?

A l'époque, les lois autorisent les Etats à séparer de façon drastique les populations. Dans la rue, le Ku Klux Klan peut trimballer ses cagoules avec une liberté absolue. Aujourd'hui, malgré les violences policières, tout cela n'existe plus. Mais la ségrégation s'est recréée dans les champs économique et sociologique. A Selma, où nous avons tourné notre documentaire, les Noirs et les Blancs peuvent travailler dans les mêmes endroits, mais ils ne vivent plus ensemble. Et le problème des écoles s'est répandu dans tout le pays.

"La carte des écoles fortement ségréguées ressemble étrangement à celle des bavures contre la population noire."

Quelles sont les conséquences de cet « apartheid éducatif » ?

Comment les progressistes tentent-ils de régler le problème ?

Personne ne sait comment faire. Faut-il repenser les grandes lois anti-ségrégation, malgré l'hostilité de la Cour suprême ? Pour le recteur de Selma, la solution passe plutôt par les moyens alloués aux écoles afro-américaines. Il faut qu'elles soient meilleures que toutes les autres, pour attirer des familles blanches. Mais cette incitation à la dépense n'est pas franchement dans l'air du temps... Enfin, il y a une autre manière d'appréhender les choses, qui pourrait se résumer ainsi : « Séparons les deux communautés, tout en nous assurant que la population afro-américaine bénéficie des mêmes moyens économiques que la blanche ». Personnellement, cette vision de société à deux étages me fait froid dans le dos.

Ne sommes-nous pas confrontés en France à la même ségrégation ?

Nous connaissons le phénomène, mais pas de la même manière. Des classes où 95 % des élèves sont issus de l'immigration, ça existe, mais je vous mets au défi de trouver des villes moyennes de 30 000 habitants aussi ségréguées qu'aux Etats-Unis. En revanche, pour réfléchir au problème, les Américains peuvent s'appuyer sur des données ethniques. Ici, ce genre de statistiques est interdit. Je crois pourtant que ces études poseraient de vraies questions à la société française.

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