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Election américaine : « Si c’était un vol commercial, on aurait tous des sacs à vomi »

Que pense la presse américaine, après une campagne particulièrement pénible et polarisée ? Que les choses « vont encore empirer avant de s’améliorer ».

Publié le 07 novembre 2016 à 17h14, modifié le 08 novembre 2016 à 12h10 Temps de Lecture 4 min.

Dans les rues de New York, une installation artistique tente de résumer l’élection américaine de 2016.

Comment résumer, en quelques mots ou en une expression bien trouvée, la campagne présidentielle que viennent de vivre les Etats-Unis ? Les éditorialistes ont sorti les dictionnaires et se sont un peu lâchés pour décrire leur calvaire, lors de cette course à la Maison Blanche : « Bizarre, moche et décourageante » ou « pitoyable et surréaliste » dans le New York Times. « La plus abyssale de ma vie », pour un chroniqueur du Washington Post.

Parmi d’autres, voici ce qu’on peut lire : « La plus moche de l’histoire politique moderne des Etats-Unis », « sordide, criarde, débordante de boue et engluée dans la corruption », « un cauchemar politique », « une émission de téléréalité politique » ou même « un processus sinueux et torturé qui nous interroge sur la solidité de notre démocratie ».

Notre métaphore préférée reste celle trouvée par le Miami Herald. C’est simple et ça illustre en quelques mots les hauts et les (très) bas des derniers mois :

« Si cette élection présidentielle était un vol commercial, on aurait tous des sacs à vomi sur les genoux. »

La presse américaine sent qu’elle va bientôt sortir d’un long tunnel, mais personne ne se réjouit. Les éditoriaux suintent la déprime. Quelques lignes d’optimisme apparaissent, presque coincées entre deux constats catastrophiques. C’est le dépit qui règne. Dans le Huffington Post, le professeur de journalisme Joe Peyronnin écrit :

« Le phare de la démocratie a été sali par une rhétorique calomnieuse qui a abîmé le caractère et la stature des Etats-Unis. Peu importe l’issue, la guérison sera longue et difficile ».

Le 8 novembre, les Etats-Unis éliront leur 45e président(e). Il y aura peut-être un « ouf » de soulagement chez certains en cas de victoire de Hillary Clinton, mais il sera temporaire. Les observateurs médiatiques se rassurent comme ils peuvent en répétant, comme le chroniqueur du Charlotte Observer, le très américain adage : « It’s going to get worse before it gets better », ça va empirer avant de s’améliorer.

« Une menteuse calculatrice ou un menteur maladroit »

Comment en est-on arrivé là ? Et à qui la faute ? On peut, comme le New York Times, blâmer la campagne et l’attitude de Donald Trump – « un prédateur sexuel, un businessman imposteur, un menteur qui promet de détruire des millions de familles immigrées et d’emprisonner ses opposants » – et « contempler la catastrophe qui se profile si on se réveille mercredi matin avec un président Trump ».

« Voici une question venue du futur : en 2016, nous n’avions jamais été aussi près d’élire un tyran ignorant et dangereux. Qu’avez-vous fait pour l’arrêter ? »

On peut constater qu’au-delà du seul Trump, les Américains doivent choisir entre « deux des candidats les plus nazes, peut-être de l’histoire ». Hillary Clinton a beau être favorite des sondages, elle reste l’une « des candidates à la présidence les plus impopulaires de l’histoire ». « Le pays est forcé de choisir entre Hillary Clinton, une menteuse calculatrice, et Donald Trump, un menteur maladroit, écrit le toujours très en forme Miami Herald. Des millions d’Américains vont voter dans le seul but de minimiser les dégâts. »

On peut aussi, comme le suggère la radio NPR, « se regarder dans le miroir » et se rendre compte que tout ceci est peut-être aussi un peu la faute des citoyens américains.

« Les Américains et leurs élus sont plus polarisés que jamais. Le compromis est devenu un gros mot. On fait de moins en moins confiance aux médias et au fact-checking et on se contente d’informations moins crédibles pour réaffirmer son point de vue. »

Si Trump existe politiquement et qu’il « a encore une chance de gagner », après tout ce qu’il a fait et dit pendant la campagne, c’est à cause « de nos profondes divisions politiques, raciales, de classe, de genre et géographiques », écrit le Washington Post. « Ce cycle de méfiance a engendré du pessimisme, peu importe le taux de chômage très bas et d’autres indicateurs statistiques », ajoute un Los Angeles Times nostalgique de 2008, quand le slogan du « changement » promis par un jeune Barack Obama donnait des ailes :

« Les images qu’évoque cette campagne sont : les débris des enquêtes du FBI, la vulgarité d’un candidat, des accusations de malhonnêteté, des sous-entendus racistes, des insultes misogynes. »

« Les quatre prochaines années seront bien pires »

On devrait savoir, le 9 novembre aux alentours de 3 heures, heure de Paris, le nom du nouveau président des Etats-Unis. Mais le cauchemar que fut cette campagne pour certains médias ne prendra pas fin comme par magie. « Si vous pensez que cette élection a été moche, les quatre prochaines années seront bien pires », prévient le Seattle Times. Une présidence de Hillary Clinton pourrait être « contaminée » par « le vil esprit » de campagne qui l’a précédée, craint le Washington Post.

« Tout laisse à penser que ses adversaires républicains vont tenter de mettre un terme prématuré à sa présidence en s’alliant avec des médias conservateurs résolument hostiles et, apparemment, des agents de droite au sein du FBI. »

Malgré les recommandations du FBI de ne pas entamer de poursuites, l’affaire des e-mails risque de poursuivre Mme Clinton jusqu’à la Maison Blanche. Certains républicains rêvent déjà « d’un procès et d’une destitution », comme ils avaient tenté de le faire à Bill Clinton après l’affaire Lewinsky, écrit le Seattle Times, qui prédit « une paralysie des réformes et un débat politique totalement polarisé dans notre capitale ».

« Si les électeurs sont furieux contre Washington maintenant, ils seront devenus de véritables révolutionnaires en 2020, si aucun des problèmes de notre pays ne sont réglés. »

Entre deux prédictions de chaos et de blocage, on est quand même tombé sur un paragraphe qui, en prenant pas mal de recul et en relativisant, nous rappelle que les Etats-Unis ne sont pas plus près du précipice en 2016 qu’ils ne l’étaient en 1968 (des émeutes, les assassinats de Robert Kennedy et Martin Luther King, la guerre au Vietnam) ou même en… 1861, comme le rappelle le journaliste Andrew Ferguson :

« Le pays est divisé et c’est très moche. Mais nous avons été bien, bien plus divisés par le passé. Comme en 1861, où nous étions littéralement en train de nous entre-tuer, ou en 1865, après que la moitié du pays a été détruite. »

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