Budget 2017 : vers une «Google Tax» à la française

Un amendement au budget 2017 envisage de révolutionner la fiscalité des multinationales. A la clé ? Un pactole de 500 millions à un milliard par an pour l'Etat.

PHOTO D'ILLUSTRATION. «Avec un chiffre d'affaires de 2 à 3 Mds€, Google devrait payer au moins 200 M€ d'impôt sur les sociétés. Il en paye 4 ou 5... », déplore l'ancienne ministre Fleur Pellerin. 
PHOTO D'ILLUSTRATION. «Avec un chiffre d'affaires de 2 à 3 Mds€, Google devrait payer au moins 200 M€ d'impôt sur les sociétés. Il en paye 4 ou 5... », déplore l'ancienne ministre Fleur Pellerin.  LP / Frédéric Dugit

    Mettre en place une « taxe Google » et mieux taxer les multinationales étrangères dans leur ensemble. C'est tout l'objectif de l'amendement porté par Yann Galut, député PS, que la commission des Finances de l'Assemblée examinera jeudi.

    Il y a urgence, de l'aveu même d'un ex-ministre à l'Economie numérique : « La France ne taxe pas les Gafa — Google, Apple, Facebook, Amazon — et c'est un énorme problème, soupire Fleur Pellerin. Avec un chiffre d'affaires de 2 à 3 Mds€, Google devrait payer au moins 200 M€ d'impôt sur les sociétés. Il en paye 4 ou 5... » Même problème avec Airbnb, géant du Net et... nain fiscal. Le site de location de logements entre particuliers cartonne en France mais n'a acquitté que 69 168 € d'impôt en 2015. En cause? Les « prix de transferts » (voir infographie ci-contre) — ces prix auxquels les maisons mères des multinationales facturent des services à leurs filiales.

    Chaque année, les Gafa et d'autres mastodontes (McDonald's, Airbnb, Starbucks, etc.) installés en France reversent ainsi à leurs maisons mères européennes, établies la plupart du temps en Irlande, une somme qui correspond à un package de services (droits d'auteur, licence d'exploitation, accompagnement, notes stratégiques, etc.) Dans les faits : « Une facture sur mesure pour que l'addition corresponde au bénéfice réalisé dans l'Hexagone », soupire Yann Galut.

    L'argent file ainsi vers une destination — l'Irlande — où l'impôt sur les sociétés est beaucoup plus doux qu'en France (12,5 % au lieu de 33 %). « Un vrai scandale d'Etat », tonne le député du Cher, pressé d'en finir avec « l'impunité fiscale des multinationales ».

    Création d'un « impôt sur les bénéfices détournés ». L'objectif de l'amendement est simple : taxer les bénéfices des multinationales sur la base de leur activité réalisée en France. Si l'une d'entre elles poursuit sa stratégie d'évitement, les revenus détournés seront alors imposés à 38 %, un taux sanction de 5 points supérieur au taux de l'impôt sur les sociétés en vigueur. Le hic ? Le fisc est aveugle et ne connaît pas le montant de ces « prix de transferts ». Mais deux directives européennes vont changer les choses. Les données comptables et fiscales des multinationales -- c'est-à-dire leur chiffre d'affaires, leurs bénéfices, l'assiette fiscale et les impôts payés dans les différents Etats membres de l'Union européenne -- seront bientôt rendues intégralement publiques pays par pays.

    Dépoussiérer la notion d'« établissement stable ». L'amendement prévoit aussi de revoir ce concept, l'alpha et l'oméga en termes de l'impôt sur les sociétés, qui permet d'identifier les revenus imposables en France. Actuellement, les multinationales abusent de montages pour éviter d'avoir à déclarer un établissement stable. « La définition issue du Code du commerce commence à dater... soupire Yann Galut. Les entrepôts d'Amazon, par exemple, ne sont pas concernés par le texte aujourd'hui... »

    La « taxe Google », si elle était adoptée, permettrait de faire rentrer entre 500 M € et 1 Md€ par an dans les caisses de l'Etat. Contacté, Google France n'a pas souhaité « faire de commentaire ». La mesure sera-t-elle soutenue par le gouvernement ?

    Une chose est sûre, le ministère des Finances a durci le ton vis-à-vis des géants américains. Booking.com s'est vu notifier un redressement de 356 M€ et le fisc a porté plainte pour fraude fiscale contre Google -- une enquête est en cours au parquet national financier.

    Les députés PS qui soutiennent l'amendement croient en leurs chances : « L'Angleterre et l'Australie ont adopté une Google Tax avec des majorités de droite. Alors c'est à notre portée! »