Comment le président des Etats-Unis est-il élu ?

Le 8 novembre, les Américains élisent le successeur de Barack Obama, selon un mode de scrutin très différent de la présidentielle française. On vous explique tout.

Une production SixPlus
Baptiste Bouthier, Emilie Coquard, Tom Courant

Démocrates

Républicain

365 grands électeursBarack Obama
173 grands électeurs Mitt Romney

Dakota du Nopd
270 grands électeurs
France vs USA

La France et les Etats-Unis ont un point commun : un président à la tête du pays. Le 8 novembre 2016, les Américains choisiront le successeur de Barack Obama, comme tous les quatre ans depuis 1789 : ce sera Donald Trump ou Hillary Clinton, candidats respectivement pour le parti républicain et le parti démocrate, qui dominent la scène politique. Il y a néanmoins une différence de taille. En France, les citoyens élisent directement leur président : le candidat qui recueille le plus de voix l'emporte. Aux Etats-Unis, les citoyens élisent des grands électeurs qui les représentent et, eux, élisent le président des Etats-Unis : on appelle ça un scrutin indirect.

51 élections

Car les Etats-Unis sont une fédération de cinquante Etats. Il n'y aura donc pas un seul scrutin le 8 novembre, mais 51 (en y ajoutant la capitale, Washington D.C.). C'est à cette échelle que les Américains votent pour un candidat à la présidentielle et si celui-ci arrive en tête, même de peu, au sein de leur Etat, il empoche l'ensemble des grands électeurs qui y sont en jeu – une règle dite du «winner takes all», le «vainqueur prend tout». Le nombre de grands électeurs attribués à chaque Etat est régulièrement recalculé en fonction de la population : en 2016, la Californie est le mieux doté avec 55 grands électeurs, contre seulement 3 pour le Dakota du Sud (entre autres). Au total, 538 grands électeurs sont élus. Il en faut donc 270 pour gagner.

L'exemple de 2012

Prenons l'exemple de la dernière présidentielle, en 2012, qui opposait le démocrate Barack Obama au républicain Mitt Romney. A l'échelle nationale, Obama a obtenu 65,9 millions de voix, contre 60,9 millions pour Romney. Cela lui aurait suffi à l'emporter en France, pas aux Etats-Unis : il faut donc regarder à l'échelle des Etats. Visuellement, la carte de 2012 donnerait presque l'impression que la victoire devrait revenir à Romney, car elle paraît plus rouge (la couleur des républicains) que bleue (démocrates). Mais la taille des Etats est un faux-ami : les plus petits sont parmi les plus peuplés, notamment à l'est, tandis que les Etats du centre et de l'ouest sont souvent aussi grands que dépeuplés.

Barack Obama

Mitt Romney

Une autre carte

Et si l'on changeait d'échelle pour mieux comprendre ? Voici les Etats des Etats-Unis désormais représentés proportionnellement à leur nombre de grands électeurs, et plus de leur taille géographique. On remarque immédiatement le poids majeur de la Californie, du Texas, de New York ou de la Floride, les quatre Etats les plus peuplés du pays, et donc les mieux dotés en grands électeurs. On constate surtout que la victoire de Barack Obama est très large : il a remporté 332 grands électeurs, contre seulement 206 pour Mitt Romney. Ce dernier a en fait remporté de nombreux Etats grands par la taille mais peu peuplés, donc peu dotés en grands électeurs.

Barack Obama

Mitt Romney

1984, tout rouge

Il faut donc se méfier des cartes pour lire le résultat d'une élection présidentielle américaine. Parfois, néanmoins, l'évidence saute aux yeux. Comme ici, avec la carte du scrutin de 1984. Président sortant, le républicain Ronald Reagan ne fait qu'une bouchée du démocrate Walter Mondale, qui ne parvient qu'à remporter que son Etat natal, le Minnesota, et la capitale Washington D.C. ! La même chose était arrivée en 1972, le démocrate George McGovern ne parvenant qu'à remporter le Massachusetts et Washington D.C. face au républicain Richard Nixon. Dans l'histoire, seul le premier président, George Washington, a été élu à l'unanimité, et ce deux fois, en 1789 puis 1792.

Walter Mondale

Ronald Reagan

Le miracle Bush

Parfois, c'est tout l'inverse : l'élection est hyper serrée, au point de donner un résultat ambigu, lié au mode de scrutin utilisé. Ainsi, en 2000, le démocrate Al Gore serait devenu président… si l'élection avait eu lieu en France. Cette année-là, il obtient 51 millions de voix à l'échelle des Etats-Unis, contre 50,5 millions pour son adversaire républicain George W. Bush. Pourtant, c'est bien ce dernier qui a été élu à la Maison Blanche, pour la simple raison qu'il a obtenu davantage de grands électeurs (271) que Gore (266). Un résultat uniquement dû au mode de scrutin indirect utilisé, mais qui n'est arrivé que quatre fois depuis 1789 – et que l'on avait plus vu depuis 1888 avant le cas Gore-Bush.

Al Gore

George W. Bush

Les fidèles

Tous les quatre ans, les Etats ont donc une couleur : rouge pour ceux qui votent républicain (red states), bleu pour les démocrates (blue states). Et pour certains, c'est invariablement la même. Depuis 1968, le Dakota du Nord et le Dakota du Sud ont ainsi toujours voté républicain. Juste à côté d'eux, le Minnesota est lui invariablement démocrate depuis 1976, tout comme Washington D.C. depuis 1964… Logiquement, ces Etats n'intéressent quasiment pas les candidats à la présidentielle, qui y considèrent le résultat joué et n'y font donc presque pas campagne.

Les swing states

En revanche, les candidats arpentent sans relâche les swing states, ceux qui changent souvent d'avis, et que l'on appelle aussi les purple states, violets à force d'osciller entre le rouge et le bleu d'une élection à l'autre… C'est dans ces Etats-là que se joue la présidentielle, d'autant que beaucoup sont richement dotés en grands électeurs, comme la Floride (29) ou l'Ohio (18). Avant le scrutin de cette année, l'Ohio est l'Etat le plus «fiable» du moment : il a toujours voté pour le candidat finalement élu à la Maison Blanche depuis 1960 ! Le Nevada n'est pas mal non plus : depuis 1912, il ne s'est «trompé» qu'une fois, en 1976…