Contrat SNCF : des trains Alstom made in China ?

Les salariés craignent qu'une partie des RER commandés par la SNCF soient construits à l'étranger.

    Fabriquer les moteurs de ses trains en Asie, le câblage au Maghreb et les bogies en Europe de l'Est? Alors que le consortium Alstom-Bombardier est désormais seul en lice pour gagner le super contrat de 3,5 Mds€ pour 270 RER nouvelle génération commandés par la région Ile-de-France, les syndicats et les salariés d'Alstom s'inquiètent désormais qu'une partie de la production soit délocalisée à l'étranger en cas de victoire.

    « Aujourd'hui nous sommes en concurrence avec nos propres implantations : en Pologne pour les châssis de bogies, en Inde pour les coffres de traction et en Chine pour les moteurs », détaille Patrick de Cara, délégué central CFDT d'Alstom. Résultat à Ornans (Doubs), une ville de 4 000 âmes, à 25 km au sud de Besançon, les 312 salariés de l'usine Alstom, spécialisée dans la construction de moteurs, craignent que la fée RER nouvelle génération ne se penche pas au-dessus de leur berceau.

    Imposer la production en France dans un appel d'offres est illégal

    « Ce mégacontrat représente 1 200 moteurs à produire, rappelle Gilles Buller, délégué CFDT du site, mais en septembre, la direction nous a annoncé que les commandes supérieures à 500, voire 400, moteurs étaient pour la Chine. Le coup serait rude pour une usine où le travail se fait de plus en plus rare. « La direction procède actuellement à des ruptures de contrat à l'amiable et à des prêts de main-d'oeuvre vers d'autres sites pour une cinquantaine de salariés », rappelle le syndicaliste.

    Dans une moindre mesure, l'inquiétude est également palpable au Creusot (Saône-et-Loire), où Alstom fabrique ses bogies. Ou encore sur le site de Tarbes (Hautes-Pyrénées), spécialisé dans les coffres de traction. « Lorsqu'il s'agit de gros volumes, la direction préfère les produire à l'étranger pour réduire ses coûts, regrette Joël Gamonet, responsable CFDT du site. Comme aux Etats-Unis ou dans les pays émergents, la France devrait imposer que les commandes publiques soient produites sur place. » Une pratique interdite en Europe au nom de la libre concurrence. « Alors que l'Etat a sauvé le site d'Alstom de Belfort, que la France compte près de 10 % de chômeurs, il serait scandaleux que ce contrat, financé par l'argent du contribuable français, serve à développer l'emploi à l'étranger », s'insurge Gilles Buller.

    Chez Bombardier, qui sera chargé de produire la partie centrale du RER — Alstom s'occupera des cabines de pilotage de tête et de queue —, on reconnaît qu'en moyenne 25 % de la production d'un train fabriqué en France est réalisée à l'étranger. « C'est le seul moyen de tenir les prix », regrette Pascal Lussiez de la CFDT.

    Le constructeur canadien dispose d'usines partout dans le monde, au Maroc, en Chine, au Bahreïn, mais aussi en Hongrie, en Roumanie, en Pologne ou encore en Espagne et en Italie. « Il faudrait que les appels d'offres comportent des critères sociaux ou environnementaux, poursuit le syndicaliste. Ils nous permettraient de résister aux sites de productions low-cost. »

    Finalement, si l'usine Alstom de Valenciennes (1 000 salariés) et celle de Bombardier à Crespin (2 200 salariés), installées dans le Nord, devraient largement profiter de ce contrat en cas de victoire, pour les autres sites ferroviaires, qui réalisent des pièces plus petites, les retombées attendues sont incertaines.

    « Je n'imagine pas que la direction, qui est sous l'œil de Bercy, s'amuse à délocaliser à l'étranger plus que de raison et renonce à renforcer ses sites en France, analyse Claude Mandart, délégué central CFE-CGC. Surtout que d'autres projets vont suivre, comme le TGV du futur et le métro du Grand Paris. »

    Contactés, Alstom et Bombardier n'ont pas souhaité commenter un appel d'offres en cours.

    Comprenez-vous la crainte qu'une partie des composants soit assemblée à l'étranger ?