DEBAT. Notre-Dame-des-Landes : faut-il arrêter les frais ?

NOTRE-DAME-DES-LANDES. Alors que la justice pourrait mettre un coup d'arrêt au projet d'aéroport, pro et anti évaluent les conséquences financières de ce scénario.

    « C'est l'histoire d'un aéroport mal engagé, surdimensionné, conçu sur des études infondées. » Un dossier défendu par des élus locaux « qui n'ont pas voulu écouter les objections ». Ce commentaire n'émane ni d'un zadiste ni d'un agriculteur exproprié mais... de Ségolène Royal. Si la ministre de l'Environnement enfonce le clou, c'est que Notre-Dame-des-Landes pourrait ne jamais voir le jour. Le rapporteur public de la cour administrative d'appel de Nantes vient de demander l'annulation de quatre arrêtés indispensables au démarrage des travaux. La décision sera rendue lundi mais la magistrate préconise de réaménager l'actuel aéroport. Alors, stop ou encore? Arguant que l'Etat en ressortirait gagnant financièrement, les anti-NDDL appellent à arrêter les frais. Les pro affirment que renoncer au projet coûterait plus cher. En plus, « Nantes Atlantique est situé près d'une zone classée, on ne pourra pas l'agrandir comme on le souhaite, s'inquiète Alain Mustière, de l'Association des ailes pour l'Ouest. Renoncer à NDDL serait une catastrophe économique pour la région.»

    OUI. Selon Jean-Marie Ravier, ingénieur et Pdg d'une entreprise de mécanique


    Vous soutenez qu'abandonner le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes rapporterait de l'argent à l'Etat...
    J.-M.R.
    Oui, ce serait une opération blanche. Certes l'Etat devra verser une indemnité à Vinci, mais il économisera tous les travaux qu'il devait prendre à sa charge : la tour de contrôle, la moitié des dessertes routières, les subventions pour la construction d'un tram-train. Le coût annoncé des travaux de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été totalement sous-estimé. On nous parle de 561 M€ alors que le coût d'aéroports similaires a l'étranger, comme celui de Ciudad Real, ouvert en 2008 en Espagne, dépassait déjà le milliard d'euros.

    Mais vous oubliez qu'il faudrait réhabiliter l'actuel aéroport de Nantes.
    Si l'on prend en compte le chiffre d'affaires que génère l'aéroport de Nantes Atlantique et des opérations de rénovation similaires menées dans d'autres villes françaises, les travaux d'extension coûteraient moins de 100 M€. L'essentiel de la modernisation doit être financé par le concessionnaire qui réalise un résultat net de 15 M€ par an. Et pourquoi abandonner Nantes Atlantique qui a été désigné par les compagnies aériennes en 2012 meilleur aéroport régional européen pour le projet aléatoire de Notre-Dame-des-Landes qui n'est même pas adapté.

    Pourquoi n'est-il pas adapté ?
    Parce que ce n'est pas du tout le bon endroit pour construire un aéroport. Le terrain est trop humide et argileux. Le concessionnaire a bien envisagé un traitement à la chaux pour y construire les pistes, mais cinq thèses de doctorat consacrées à ces traitements montrent qu'elles risquent de se déformer au bout de quelques mois sous le poids des avions. On estime par ailleurs que la zone humide de Notre-Dame-des-Landes se manifesterait par cinquante à soixante-dix jours de brouillard par an, soit 20 à 30 % de plus qu'à Nantes Atlantique, qui bénéficie de vents favorables.

    NON. Selon Jean-François Gendron, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Nantes-Saint-Nazaire



    D'après les anti-Notre-Dame-des-Landes, arrêter ce projet ferait gagner de l'argent à l'Etat.
    J.-F.G. 
    On marche sur la tête. Si l'on arrêtait le projet d'aéroport, il faudrait non seulement indemniser Vinci mais procéder à la réhabilitation de l'aéroport actuel de Nantes qui est en bout de course et sur lequel les gros-porteurs ne peuvent plus atterrir ou décoller à pleine charge.

    Combien coûterait cette extension ?
    Une étude effectuée en 2013 par la Direction générale de l'aviation civile estimait qu'un maintien de l'activité à Nantes Atlantique impliquait la construction de nouvelles aérogares, la réfection de la piste et la fermeture de l'aéroport pendant trois à six mois. Si l'on y ajoute le coût des études de terrain et l'expropriation de certaines usines situées dans le périmètre de l'aéroport, le coût de ce réaménagement s'élèverait à 685 M€. Soit une facture finale de 100 M€ supplémentaires par rapport à Notre-Dame-des-Landes dont la construction est estimée à 561 M€. Et je ne parle des 60 M€ de dépenses à fonds perdu consacrés aux études menées sur le terrain à Notre-Dame-des-Landes. C'est aussi sans compter toutes les retombées économiques dont la région ne bénéficiera pas.

    Quelles retombées ?
    L'aéroport actuel génère près de 1 Md€ de chiffre d'affaires. Il rapporte des taxes à l'Etat, fait vivre des hôtels, des restaurants, des loueurs de véhicules, des entreprises de fret, des compagnies aériennes. Et 85 établissements dépendent de cette plate-forme, 2 000 emplois y sont liés. Un passager qui arrive à Nantes en avion pour y faire du business dépense environ 200 € par jour. Mais Nantes Atlantique a une capacité d'accueil limitée et refuse déjà un certain nombre de vols. En construisant Notre-Dame-des-Landes, nous pourrons accueillir entre 7 et 9 millions de passagers par an, ce qui rapportera des recettes en plus. Pour être connecté au reste du monde, il faut continuer à se développer avec des moyens de transport dignes de ce nom.