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Interview

Pierre-Franck Chevet : « Nous n'avons jamais connu un tel cumul de problèmes »

Pierre-Franck Chevet (Président de l'Autorité de sûreté nucléaire)

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Par Véronique Le Billon

Publié le 9 nov. 2016 à 01:01

Une quinzaine de réacteurs nucléaires sont ou vont être à l'arrêt pour des contrôles techniques ou parce que des dossiers de fabrication ont été falsifiés. Est-ce inédit ?
Nous n'avons jamais connu un tel cumul. Dans les années 1990, nous avions eu un problème générique avec des cas de corrosion sur des couvercles de cuve. La situation était déjà tendue. Mais là, nous avons deux anomalies génériques. L'une est technique et concerne 12 réacteurs; l'autre renvoie à une chose fondamentale qui est un manque de culture qualité, avec des irrégularités qui s'apparentent à des falsifications - une petite dizaine aujourd'hui sur le parc français et, à ce stade, un réacteur à l'arrêt (Fessenheim 2).

Cela change la donne. C'est pour cela que nous avons fait un signalement au procureur de la République de Chalon-sur-Saône.EDF juge que les réacteurs concernés par des excès de carbone « peuvent être opérationnels » mais que « l'ASN n'est pas du même avis ». Pourquoi ?
EDF nous a remis son dossier d'analyse le 7 octobre, mais c'est un dossier auquel il manque des résultats essentiels. EDF doit d'abord compléter les contrôles sur ses générateurs de vapeur, puis évaluer la résistance mécanique d'une pièce ayant une teneur en carbone de 0,4 %, comme cela a été trouvé sur certains composants, soit le double de la norme fixée. Quand nous aurons les résultats, il nous faudra un mois pour nous prononcer. Donc, si EDF nous présente ses résultats mi-novembre, nous rendrons un avis général mi-décembre.

Le risque en matière de sûreté est-il proportionné au coût de ces arrêts pour EDF ?
EDF dit qu'il a lui-même proposé l'arrêt de ses cinq derniers réacteurs à contrôler. Nous devons agir avec détermination et sérénité. Plus on sera serein, mieux ce sera. Quand nous avons qualifié le problème sur la cuve de Flamanville d'« anomalie sérieuse », on nous a fait un procès en incompétence et en bureaucratie, lettres et pétition à l'appui. Cette fois, je n'ai rien reçu.

Votre prédécesseur avait identifié dès 2006 des problèmes de culture qualité au Creusot. Pourquoi l'ASN a-t-elle contrôlé les procès-verbaux mais jamais les pièces, ce qui aurait pu révéler les falsifications ?
Une chose est de constater que le contrôle qualité n'est pas terrible, une autre est de déceler des pratiques irrégulières. Personne ne l'aurait imaginé. Nos inspections ne sont pas des perquisitions. Nous ne partons pas du principe que les données transmises sont frauduleuses.

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Allez-vous changer vos modes de contrôle ?
Dans certains domaines, nous réalisons déjà des contrôles par prélèvement, par exemple les rejets dans l'environnement. Nous allons lancer un groupe de travail pour renforcer nos pratiques de contrôle. C'est un travail qui va durer quelques mois et nous en discuterons avec l'ensemble des parties prenantes. Nous pourrions par exemple imposer la réalisation de contrôles par des laboratoires extérieurs.

A l'étranger, les composants nucléaires sont-ils concernés par le même problème technique d'excès de carbone ?
Potentiellement, de nombreux forgerons peuvent être concernés par ce type d'anomalie. Outre Creusot Forge, le japonais JCFC, qui a forgé les pièces présentant les plus forts taux de carbone, a produit pour beaucoup de monde. Nous avons la capacité de contrôler les fournisseurs étrangers du parc français et nous nous rendons cette semaine au Japon chez JCFC, pour examiner leurs dossiers de fabrication. L'une des difficultés est que nous ne comprenons pas comment leur procédé a pu conduire aux valeurs observées.

Beaucoup d'irrégularités trouvées au Creusot concernent des pièces vendues à l'étranger. Mais les autorités de sûreté n'ont pas l'air de réagir...
Sur l'ensemble des irrégularités détectées chez Areva, un dossier a finalement posé un problème de sûreté (Fessenheim 2, NDLR). Aucune autorité étrangère n'est visiblement tombée sur un cas à problème. Mais c'est peut-être une question de temps.

V. L. B.

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